Ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour a estimé, sur Radio M, que le pouvoir algérien fait dans la fuite en avant, en restant enfermé dans l'engrenage de la rente et de la prédation. Il sera difficile de dire que l'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, fait dans la démagogie. Lors de son passage sur Radio M, la web-radio de Maghreb Emergent, il a dit, tout haut, ce que les officiels algériens ne veulent pas dire : la situation financière du pays va se dégrader et imposer des mesures dures comme la fin des subventions ou le recours à la planche à billets. L'Algérie va manquer d'argent, dans les prochaines années, et la seule manière d'y faire face est de changer une gouvernance devenue dangereuse et de mener des politiques réfléchies permettant de combiner l'investissement et le développement de la ressource humaine. « On peut se féliciter d'avoir 1,5 million d'étudiants mais il faut comprendre aussi que cela fait 300.000 diplômés, par an, à employer », avertit Ahmed Benbitour. Il faut changer la gouvernance et avoir un gouvernement crédible, capable de dire la vérité aux Algériens. Selon lui, le pays ne peut plus se permettre de simples réformes cosmétiques, alors que rapporté au prix du pétrole on est dans le déficit, depuis 2009. A partir de 2015, souligne-t-il, on entrera, totalement, dans des « déficits budgétaires non finançables » avec, comme réponses possibles, la fin de subvention avec le risque de colère de la rue ou la création monétaire avec ses effets inflationnistes. LAXISME DE LA GESTION BUDGETAIRE L'Algérie, a-t-il dit, ne passera, même pas, par la case FMI car elle n'aura pas la capacité d'emprunter sur le marché international. Selon lui, le pouvoir est enfermé dans « l'engrenage de la rente et de la prédation ». L'abrogation de l'article 87 bis, du code du Travail relève, tout simplement, du « laxisme dans la gestion budgétaire ». Le discours rassurant des officiels, sur l'avenir énergétique du pays, est, radicalement, contesté par Ahmed Benbitour. « On donne aux Algériens de fausses informations », en parlant de « réserves » au lieu de parler de production qui est en baisse. En réalité, affirme Benbitour, la rente s'amenuise et le gaz de schiste n'est pas une réponse sérieuse à l'épuisement des ressources hydrocarbures. Le gaz de schiste, argue l'ancien chef de gouvernement, existe «partout », son coût d'extraction est, en général, cinq fois plus important que le celui du gaz conventionnel. Si de nombreux pays se mettent au gaz de schiste, cela se traduira par une offre abondante et donc un effet sur les prix. Ahmed Benbitour a fait valoir, également, que le coût d'extraction du gaz de schiste, aux Etats-Unis, qui sont les pionniers et disposent de la meilleure expertise, en termes de forage, est plus élevé que le prix du marché. L'option du gaz de schiste n'a de sens qui si l'on dispose d'une industrie du forage, chose que l'Algérie n'a pas, contrairement, aux Américains. Le seul intérêt du gaz du schiste est qu'il peut être une option pour réaliser « l'autosuffisance », mais il n'est pas un substitut à la rente hydrocarbures pour l'exportation. Ahmed Benbitour déplore, d'ailleurs, l'absence de toute réflexion institutionnelle, en matière de politique énergétique, en relevant que le Conseil National de l'Energie ne s'est pas réuni, depuis quinze ans. DU MODELE PREDATEUR A CELUI DE LA GUERRE ! Pour lui, l'avenir de la nation est menacé par la perpétuation d'un système de gouvernance où la planification et les visions, à long terme, n'existent pas. Pour lui, « l'explosion de la rue est une forte probabilité » même s'il ne la souhaite pas. Il estime que l'opposition fédérée, dans la CNLTD, œuvre à offrir une alternative et une feuille de route, alors que le « pays va à la dérive », avec un pouvoir qui ne propose que des réformes cosmétiques. Pour lui, il faut dire la vérité aux Algériens, au lieu de jouer sur la distribution de la rente. Il est absurde, estime-t-il, de continuer à dire aux Algériens que les choses «vont bien » alors que l'on va vers la disette. Le changement qui s'accompagnera d'un discours de vérité aux Algériens aura, nécessairement, un coût. Mais, estime Benbitour, ce sera un coût conjoncturel, alors que les coûts du non-changement sont cumulatifs et plus lourds. Ahmed Benbitour a noté qu'il existait quatre modèles d'exploitation de la rente. Il y a le modèle vertueux, norvégien, centré sur le développement de la ressource humaine, le modèle du Golfe avec ses dépenses de prestiges. L'Algérie est classée dans le modèle de la prédation. Il existe un quatrième « modèle », celui de la guerre comme c'est le cas en Libye et en RDC. Pour Ahmed Benbitour, l'Algérie peut passer de la prédation à ce « modèle libyen » si le changement n'est pas opéré. « La nation est en danger. Et le plus grand danger est la continuité de ce système de gouvernance ».