En Egypte l'issue du scrutin de l'élection présidentielle n'a pas donné lieu à suspens. L'ex-chef de l'armée, Abdelfatah Al Sissi, tombeur de l'islamiste Mohamed Morsi, est, comme attendu, sorti vainqueur des urnes face à son unique rival, le leader de gauche Hamdeen Sebbahi dont la participation s'est réduite à servir de faire-valoir au «triomphe» annoncé du premier. Toutefois, la victoire d'Al Sissi n'a pas été celle que l'ex-général et ses partisans ont escomptée. Elle n'a aucunement eu le caractère de «plébiscite» dont ils ont rêvé. De la façon dont Al Sissi a été élu, il ressort indéniablement qu'il n'est pas mis fin à la question de la légitimité du pouvoir qui a mis fin à celui de Mohamed Morsi et des islamistes. Elle sera encore plus présente après le scrutin que celui-ci a connu un taux de participation si bas qu'il a fait voler en éclats la fiction de «l'exceptionnelle» popularité dont a été crédité l'ex-maréchal candidat. Le véritable enjeu du scrutin était justement le taux de participation; or il a été tellement en deçà des attentes de Sissi et de son camp à l'issue des deux jours officiels de vote que les autorités, plus que désappointées, ont dû faire ouvrir les bureaux de vote pour un troisième jour. Au soir du deuxième jour le taux de participation a été déclaré à 37%. Ce chiffre officiel que d'autre sources estiment ne pas avoir reflète la réalité de l'ampleur du boycott qui s'est produit. Le taux de participation qui sera à la clôture du scrutin certainement plus haut que les 37% du fait de la rallonge temps accordée aux éventuels électeurs ne prémunira pas l'élection d'Al Sissi de la critique d'être contestable. Al Sissi entamera son mandat présidentiel sous de mauvais auspices. Les Frères musulmans, qu'il pensait discrédités au sein de la population égyptienne et perdu de leur popularité et influence, ne jetteront pas l'éponge au vu de son élection acquise dans un scrutin déserté par une majorité de l'électorat. Ils se targueront d'être les véritables vainqueurs du scrutin -car ayant prôné son boycott- et d'avoir été suivis par la majorité des électeurs. De plus, Al Sissi aura du mal à convaincre du contraire l'opinion internationale et les partenaires étrangers de l'Egypte qui auraient pu se montrer moins «regardants» sur l'implacable répression contre les partisans du président déchu Mohamed Morsi qu'il a promis sans ambages de poursuivre en n'excluant pas de prendre des «libertés» avec le respect des droits de l'homme. Si les partisans de Sissi ont cru que son élection sonnerait la fin des problèmes auxquels l'Egypte est confrontée, ils vont amèrement déchanter, car la question de la légitimité du pouvoir qui en sortira divisera encore plus radicalement le peuple et la société égyptienne. Une légitimité que la Confrérie des Frères musulmans et autres islamistes ne seront pas seuls à dénoncer et à combattre mais également tous les acteurs de la révolution de la place Tahrir qui ont fait l'expérience qu'ils n'ont rien à attendre de bon de l'ex-chef de l'armée dont ils ont mesuré qu'il sait être plus autoritaire et liberticide que Moubarak.