L'élection présidentielle en Egypte opposera l'ex-chef de l'armée Abdel Fattah al-Sissi à Hamdeen Sabbahi. Aucun autre candidat n'ayant déposé son dossier à la clôture du dépôt des candidatures dimanche. Et le paradoxe, c'est un leader de la gauche égyptienne qui va jouer le rôle de lièvre. L'Egypte dont l'économie est exsangue, les caisses de l'Etat vides et qui n'a échappé -pour le moment- à la banqueroute que grâce à la générosité de l'Arabie saoudite et du Koweït qui lui ont avancé une douzaine de milliards de dollars, aura fait l'économie d'un deuxième tour. Le scrutin ne se jouant qu'entre deux candidats, il n'aura qu'un tour les 26 et 27 mai. Et sans aucun doute, al-Sissi sera le président post islamiste, porté par un raz de marée populaire depuis qu'il a chassé en juillet 2013 le président islamiste Mohamed Morsi, et qu'il a annoncé sa candidature au début de l'année 2014. Pour déposer leurs candidatures, le maréchal, qui a endossé le costume civil, a remis 200 000 signatures d'électeurs à la commission électorale, son lièvre, leader de la gauche, 30 000, soit 5 000 de plus que ne l'exige la loi électorale. Sabbahi, même s'il ne bénéficie pas de la popularité d'al-Sissi, est connu sur la scène politique. Il a soutenu l'éviction de Morsi et s'était même hissé à la troisième place de la présidentielle de 2012, remportée par l'islamiste Morsi. Pour ce nouveau scrutin, le leader de la gauche se présente comme "l'homme de la révolution", la révolte du «printemps arabe» version égyptienne, début 2011, qui chassa Hosni Moubarak du pouvoir. Sabbahi a annoncé faire campagne contre l'armée qui tente de s'immiscer dans la politique. Au Caire, on sait que ses gesticulations et professions de foi resteront à ces stades. Rien, sauf imprévu gravissime, n'arrêtera le maréchal qui a regroupé l'opinion publique égyptienne largement hostile aux islamistes. D'ailleurs, seuls les partisans des Frères musulmans dont le parti a été déclaré hors la loi, "terroriste", et du chef d'Etat islamiste destitué, manifestent régulièrement, bravant une répression qui a fait plus de 1 400 morts et 15 000 arrestations. Al-Sissi s'est également assuré de nombreux soutiens à l'étranger pour justement sa guerre sans merci contre les Frères musulmans. Dans les pays de la Ligue arabe, l'exception aura été le Qatar, qui avait contribué à l'arrivée au pouvoir de Morsi. Mais l'Arabie Saoudite, qui a soutenu le maréchal égyptien, a fini par avoir raison de l'émirat qui s'est récemment couché, promettant d'abandonner les Frères musulmans. Et à ce propos, le repositionnement du roi Abdallah ne signifie nullement que l'Arabie Saoudite a viré de bord, laissant sur le quai l'islamisme. Riyad a vu en les Frères musulmans un sérieux concurrent pour leur wahhabisme archaïque et dont l'idéologie prône l'interdiction de se rebeller contre ses dirigeants. Al-Sissi peut également compter sur la complaisance des capitales occidentales. L'UE (Union européenne) se prépare à un périlleux exercice d'équilibrisme. En dépit des pratiques ultra-autoritaires du pouvoir militaire au Caire, un avant gout d'après 27 mai, Bruxelles a accepté de superviser les opérations de vote devant introniser le maréchal. Un accord en ce sens a été conclu le 10 avril, à l'occasion du passage du chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, dans la capitale égyptienne. L'UE va ainsi apparaître comme une caution internationale d'un scrutin en trompe-l'œil et prend le risque d'être stigmatisée comme complice objective de son vainqueur annoncé. Pour le parti Liberté et justice, la vitrine politique des Frères musulmans, également dissout, la supervision électorale de l'UE traduit le "retour de l'Europe coloniale en Egypte". D. B Nom Adresse email