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Discorde perpétuelle !
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 09 - 06 - 2014

Sans aucune surprise, une fois encore, une partie de l'opposition ne nous a pas étonnés, elle ne participera pas aux concertations sur l'amendement de la Constitution.
Mais quelles sont les raisons réelles d'une telle discorde ? Quels sont les péchés capitaux commis par le régime politique en place qui justifierait un tel boycott ? Qu'elle est la crise majeure qui, à elle seule, justifierait une telle posture ? Ou après tout, l'excès et l'extrémisme dans les propos et les attitudes, finalement, c'est bien de chez nous, ils font partie de notre «habitus», ils sont ancrés dans notre «conscience collective». On est donc dans une situation «normale» ?
En effet, ce problème s'éternise depuis l'indépendance de l'Algérie. Il n'y a aucun pouvoir politique depuis maintenant cinquante ans qui a réussi à faire consensus sur sa légitimité et d'être reconnus ainsi par toute la classe politique.
Il est très intéressant, néanmoins, de souligner que cette partie de l'opposition misanthrope et éternelle n'est pas tout à fait la même à chaque période. Chaque parti ou groupe a ses références historiques, et son point de départ de la délégitimation du pouvoir politique en place.
Il existe a mon sens cinq grands repères historiques : le FFS considère l'année1963 la date de référence pour cette délégitimation et donc il faut revenir à ce qui s'est passé a cette date là pour comprendre et puis réparer la fracture pour enfin reconnaître éventuellement la légitimité de ce pourvoir. Pour un autre groupe d'opposant c'est 1965 qu'il faut retenir comme étant la date de discorde après le coup d'état de Boumediene contre Benbella. D'autres insistent sur la date de 1989, la fin du parti unique et la mauvaise gestion de la transition démocratique. Une partie des islamistes jure par tous les noms d'Allah que 1991 est la date de toutes les dérives après l'arrêt du processus électoral. Et puis finalement la date de 1999 et le retrait des six candidats, là on est entré dans l'ère de la haine de Bouteflika.
En revanche, les vraies questions légitimes qu'on doit se poser se résument ainsi: Entre ces cinq dates phares de la discorde, peut-on en faire le consensus sur au moins une seule ? Peut-on être crédible devant l'opinion publique algérienne en choisissant l'option de ce déni perpétuel ? Pour combien de temps encore durera cette situation peu prometteuse?
Je pense que cette problématique est extrêmement préoccupante. Parce que à force de ne pas reconnaitre la légitimité de tous ces régimes on mettra en cause forcement l'existence même de l'état nation algérien indépendant. Car un état ce n'est pas uniquement un drapeau, une hymne et un territoire, il est aussi incarné par une histoire, des hommes et des institutions. Donc, rester dans la discorde perpétuelle et le désaveu eternel, ne donne pas vraiment beaucoup de brillance à notre jeune état et par conséquent à nous tous citoyen de ce pays. Je peux même dire que cela nuit gravement à la réputation de notre chère révolution du premier novembre 1954. L'amalgame est très dangereux. Attention à ne pas tomber dans le piège des « nostalgiques de la colonisation » dont la thèse principale présuppose qu'après 50 années, les algériens n'ont rien fait de leur indépendance !
L'UNIVERSALISME ET LE MECHANT «SYSTEME» !
Dans leur logique de délégitimation et de discorde, ces groupes d'opposition ne se contentent pas d'évoquer uniquement leurs fameux repères historiques, mais les détracteurs de ces pouvoirs successifs utilisent plusieurs tactiques politiciennes. Pour les décrédibilisés davantage, ils reprochent aux autorités publiques en place tous les maux de notre pays. C'est toujours la faut au «système».
L'accusation de corruption est l'un des piliers de ce schéma tactique. Cependant, peut-on dire que la corruption constitue un mécanisme structurel qui la rend une arme redoutable aux mains des décideurs? Ou peut-on postuler que ce fléau est, en fait, une affaire plutôt de personnes qui utilisent leur influence afin de s'enrichir d'une manière indécente? Et de servir également des réseaux internationaux très puissants ? Dans ce sens on peut s'interroger sur la capacité des dirigeants des pays pauvres à combattre ces puissants réseaux internationaux. En tout cas, c'est très problématique. Un autre pilier, la question de l'ingérence des services secrets dans tous les secteurs de la vie public et qui empêchent ainsi le déroulement sain et naturel d'une vie démocratique moderne. Mais, imputer tout ce qui se passe aux services secrets et voir en conséquence le diable partout nous enferme-il dans une paranoïa pathétique ?
Un troisième pilier, le paternalisme de l'état providence dont les décideurs n'acceptent pas l'alternance au pouvoir ainsi que l'inefficacité de leurs politiques menées.
Je pense que la méthode la mieux adaptée pour appréhender, effectivement, toutes ces hypothèses c'est la méthode comparative. Si on procède par une comparaison transversal, dans une logique universaliste, entre les pays dit du tiers monde, on observe les mêmes maladies à savoir, corruption, mauvaise gestion, pauvreté à une échelle incontrôlable, chômage très élevé, industrie très faible voir inexistante…etc. alors qu'on est dans des pays de régimes politiques très divers. Contrairement aux idées reçus, parmi ces pays pauvres il y a des pays très démocratiques, des pays où le pouvoir politique est totalement civil, donc pas d'ingérence militaires, des pays où l'alternance se fait régulièrement où la participation populaire est très présente dans la gestion des affaires. On a des républiques, des régimes monarchiques, des pays très riches en ressources énergétiques, des pays très pauvres. Bref, on a une panoplie de régimes de tous les horizons. Sur environ 200 état-nations sur cette planète, il y a 20 pays (le G20) très riches, en général ce sont les pays industrialisés très développés et le reste c'est à dire les 180 pays sont des pays en envoie de développement, des pays pauvres du tiers monde à des degrés plus au moins hétérogènes. Ainsi donc, le régime civil, la démocratie et l'alternance au pouvoir n'ont pas réglés les problèmes de ces pays.
Donc, quel est le vrai point commun entre tous ces pays qui les empêche de se développés? Je reviens toujours à ma thèse centrale qui envisage que la réponse à cette question se trouve dans « l'engrenage de dénuement » dans lequel on est enfermé (voir mon article au quotidien d'Oran du 15 mai 2014). Je teins à souligner toutefois que ma thèse ne signifier aucune pensée fataliste, au contraire, c'est un discours porteur de beaucoup d'optimisme car il préconise de revoir nos façons d'analyser notre réalité dans sa profondeur afin d'arriver au réveil collectifs tant attendu.
POURQUOI TANT DE HAINE !
Il ne faut pas être fin d'esprit pour déceler les nuances entre les différents régimes depuis l'indépendance, le Boumediénisme, Chadlisme, le régime endogène des année1990 et le Bouteflikisme, que ce soit au niveau de la structure même du pouvoir ou au niveaux des hommes ou même sur la méthode et le style. Dès lors, on peut conclure que ce méchant « système » qui continue depuis 1962 n'est pas un et indivisible dans la réalité, chaque période a connus ses hommes, sa méthode et même sa constitution.
Si on contemple bien la violence des propos et la posture de négation de certains opposants, on est dans l'obligation, si on va au bout de notre raisonnement, de mettre dans le débat deux suppositions essentielles : soit le pouvoir politique ne travaille pas pour les intérêts suprêmes de la nation ! Soit on est en guerre civile ! À mon avis seule une réponse positive à ces deux interrogations justifierait une telle haine.
Soyons sérieux, je pense que tout le monde est d'accord sur le fait que ce régime travaille effectivement pour les intérêts suprêmes de la nation. Personne ne peut être le seul dépositaire de l'amour de la patrie. Personne ne peut prétendre être le seul héros !
Il ne faut pas tomber dans le schéma caricatural qui stipule que les vrais patriotes, les beaux, les gentilles, les intelligents, les intègres sont dans l'opposition et les traitres, les moches, les méchants, les pervers, les salauds, les corrompus son tous au pouvoir. Cela à mon sens biaise totalement le débat. Ce serait donc très facile de comprendre l'équation. Est ce qu'après tout, ces gens qui sont aux manettes ne sont pas au bout du compte des cadres algériens ? Qui gèrent le pays tant bien que mal dans les contextes interne et international qu'on connaît tous. Au delà de ces conflits historiques, ces querelles de personnes, ces divergences d'idéologies, est-ce qu'on n'est pas subtile au point qu'on n'arrive même pas à comprendre enfin, qu'on n'est pas en guerre civil? Même les palestiniens et israéliens arrivent à se parler, à s'assoir autour d'une table et à se serrer les mains ! Pourquoi donc tant de haine ?
Ce qui conforte mon incompréhension de cette haine, c'est qu'on est tous d'accord sur les constantes, les fondamentaux de la nation. Islam arabité et amazighité. A cela on peut rajouter aussi le régime républicain car je ne connais pas beaucoup d'algériens qui demandent d'instaurer une monarchie. Puis la démocratie à savoir le multipartisme, liberté de paroles, …etc. Reste les divergences sur le fond, les méthodes, les politiques les programmes, les idéologies, les résultats, les instituions et les hommes qu'on peut critiquer. Tout cela ça se discute. C'est l'occasion, justement, qu'on s'assoie à une table pour discuter, proposer, dire ses mécontentements et ses divergences de point de vus.
Aujourd'hui en Algérie il y a, en fait, une marge de manouvre assez grande aux partis politiques pour qu'ils puissent mobiliser les populations autour de leurs programmes politiques. Car il n'y a pas de contraintes majeurs à cela c'est à dire la torture, les assassinats politiques, les interdictions arbitraires de la liberté de paroles. Il y a tout de même une grande liberté de la presse écrite. Dans le même sens, si on revient à la question de la corruption, nos journalistes ont un grand rôle à jouer. Ils peuvent éventuellement par des enquêtes journalistiques ciblées apporter des preuves matérielles et irréfutables sur beaucoup de scandales. Inspirons-nous de ce qu'il fait Edwy Plenel à MediaPart en France par exemple.
Y A-T-IL UN GRAND VAINQUEUR ?
L'opposition soupçonne le pouvoir en place de manœuvres politiciennes ou du non sérieux de sa démarche. Oui, il n'est pas tolérable, effectivement, qu'on troc le texte fondamental de l'état en un enjeu politicien stérile. Mais delà à demander a Bouteflika d'organiser une conférence nationale pour gérer une période transitoire, c'est revenir en 1994, c'est dire que les 15 ans de son régime n'ont rien servi. Cette proposition est vraiment excessive. De l'autre coté, dans la précipitation l'administration Bouteflika veut mettre l'opposition devant le fait accompli dans la logique d'apprendre ou à laisser ce qui est une vraie provocation pour notre opposition si orgueilleuse et si sensible aux attitudes parentalistes du « système ».
Mouloud Hamrouche se distingue par sa vision plus globale, plus ou moins original et beaucoup plus sérieuse. Néanmoins, il est moins original et il se trompe complètement quand il prédit « un effondrement tragique », au moment où on est entré dans une stabilité durable, où le pays commence à reprendre ses souffles après une tragédie nationale terrible. là où tous les fondamentaux de la macro économie sont très solides, au moment où la nouvelle génération n'aperçoit pas ces conflits fratricides historiques de la même manière que l'ancienne génération, au moment où l'union européenne publie un sondage d'opinion très sérieux et d'une rigueur méthodologique insoupçonnable qui conclu qu'il y a environ 76 % d'algériens sont satisfaits de la vie qu'ils mènent, l'ex fils du « système » nous donne une prophétie très défaitiste, très négative et complètement à coté des moments historique qu'on est entrain de vivre sur le plan géopolitique. Seulement, que par le dialogue qu'on peut exiger des articles dans la constitution sur la moralisation de la vie publique, de discriminer plus durement les « ripoux » de la république ceux qui touchent un seul sou de l'argent public, déterminer le rôle de chaque institution étatique dans le respect de la séparation des pouvoirs et plus d'indépendance de la justice. l'idée c'est de dire qu'on doit sortir de ce climat de méfiance et rentrer dans un débat de fond , pour sortir , enfin, de cet entêtement et cette discorde perpétuelle qui nous donne l'impression qu'on vit dans une guerre interminable. Pour, enfin, qu'il y ait un seul grand vainqueur… l'Algérie.
* Docteur en sociologie politique


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