Européens et Américains se sont solidarisés pour soutenir et défendre les populations chrétiennes et «yazidies» d'Irak, menacées par l'avancée inexorable vers Baghdad des combattants de l'Etat islamique, le groupe terroriste local qui a réussi à vaincre Al-Qaïda. L'avancée des djihadistes de l'EI vers Baghdad, après avoir pris plusieurs villes du pays dont Kirkouk et Mossoul, sans vraiment rencontrer de résistance de l'armée irakienne, encore moins des Peshmergas kurdes, n'a pas autant suscité un grand intérêt des pays occidentaux jusqu'au moment où les communautés chrétiennes et des minorités religieuses locales comme les 'yazidis'' soient directement menacées. En moins de 48 heures, les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne ainsi que le Conseil de sécurité de l'ONU se mobilisent pour organiser les secours de ces minorités religieuses, alors que des dizaines de milliers de Palestiniens vivaient sous un déluge quotidien de bombes dans l'enclave de Ghaza, sans pouvoir s'en échapper. En Irak, le sort de milliers de chrétiens et yazidis en fuite dans le nord du pays a ainsi été plus convaincant pour les Américains dont le président Barack Obama s'est décidé à autoriser des frappes aériennes pour éviter un «génocide» et contrer l'avancée des djihadistes vers le Kurdistan irakien. Depuis dimanche dernier, des dizaines de milliers de personnes fuyaient l'arrivée des combattants de l'organisation terroriste de l'EI dans le nord du pays, qui approchaient dangereusement de la ville d'Erbil. L'EI s'est emparé jeudi dernier de Qaraqosh, la plus grande cité chrétienne d'Irak et d'autres zones près de Mossoul, la deuxième ville du pays. Selon le patriarche chaldéen, Louis Sako, 100.000 chrétiens sont jetés sur les routes. La plupart sont partis vers le Kurdistan, alors que dimanche, les combattants de l'EI avaient déjà pris le contrôle de Sinjar, bastion de la minorité yazidie, une communauté kurdophone considérée par les djihadistes comme «adoratrice du diable», poussant à la fuite quelque 200.000 civils selon l'ONU. C'est dans ces conditions chaotiques, où les informations sont devenues une denrée rare sur la réalité de la situation dans ces régions d'Irak, que les Etats-Unis ont annoncé hier dimanche plusieurs frappes aériennes contre des objectifs militaires de l'EI. Les premières frappes avaient commencé jeudi dernier et se sont poursuivies hier dimanche. FRAPPES US ET LARGAGES D'AIDE HUMANITAIRE Deux chasseurs-bombardiers américains avaient largué dimanche vers 13h45 (10h45 GMT) des bombes de 250 kg sur une pièce d'artillerie mobile de l'Etat islamique (EI), qui avait visé des forces kurdes à Erbil, a annoncé le porte-parole du Pentagone, l'amiral John Kirby. Aucune date n'a été avancée pour l'arrêt des bombardements de l'aviation américaine contre les positions de l'EI, alors que le chef de l'armée irakienne, Boubaker Zebari, a estimé que cet appui aérien allait permettre d'obtenir rapidement «d'énormes changements sur le terrain. «Les officiers de l'armée irakienne, les Peshmergas kurdes et des experts américains travaillent ensemble pour déterminer les cibles», a-t-il expliqué, évoquant également des frappes américaines dans la région de Sinjar, à l'ouest de Mossoul et des opérations prévues dans «des villes irakiennes contrôlées par l'EI». Quelque 150 combattants kurdes ont été tués et plus de 500 autres blessés dans les combats qui les ont opposés aux djihadistes de l'EI depuis le début de leur offensive en juin. En parallèle à ces actions militaires, des actions humanitaires sont organisées par la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et la France pour envoyer de la nourriture, de l'eau et des vêtements aux dizaines de milliers de réfugiés chrétiens et yazidis, qui avaient fui l'avancée des djihadistes de l'EI. Hier dimanche, les Etats-Uni ont largué de nouvelles cargaisons de vivres (l'équivalent de 52.000 repas) et des conteneurs d'eau après avoir déjà mené des opérations similaires jeudi et vendredi à destination des «milliers de citoyens» menacés sur les monts Sinjar, entre Mossoul et la frontière syrienne, a annoncé le Pentagone. Arrivé dimanche à Baghdad, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a appelé à la mise en place d'un gouvernement d'union «pour mener la bataille contre le terrorisme». «Il faut que tous les Irakiens se sentent représentés et puissent ensemble mener la bataille contre le terrorisme», a-t-il déclaré après une brève rencontre avec le ministre irakien des Affaires étrangères par intérim, Hussein Chahristani. L'EI ET LE CHAOS QUI MENACE L'IRAK L'Irak, où le chaos menace, est sans gouvernement depuis les élections de mai, qui ont consacré la victoire sur le fil de Nouri El Maliki, un chiite, mais qui n'a pas la majorité pour constituer un gouvernement. «Notre soutien est actuellement humanitaire. Actuellement, une intervention de type militaire n'est pas prévue par la France», a ajouté Fabius, qui s'est rendu à Erbil dans la même journée de dimanche pour superviser la livraison d'aide humanitaire française aux civils fuyant l'avancée des djihadistes de l'EI. L'Etat islamique (EI, auparavant Etat islamique en Irak et au Levant-EIIL) est dirigé par Abou Bakr Al Baghdaddi, un sunnite, qui s'est autoproclamé, lors de la prise de la ville de Mossoul, khalife de tous les musulmans dans le monde, et a réclamé lors d'un prêche à la mosquée de cette ville l'allégeance de tous les musulmans. Créé en 2004, le groupe Al-Qaïda en Mésopotamie, son appellation d'origine, est éjecté par Al-Qaïda en 2007. Il prend alors le nom d'''Etat islamique en Irak'' (EII), puis au Levant lorsqu'il s'immisce en 2013 dans le conflit syrien, certains estimant pour le compte des monarchies du Golfe. L'EI groupe se distingue par sa brutalité, ses rackets et taxes qu'il impose aux populations des territoires qu'il contrôle. Lorsqu'il a pris Mossoul, le groupe d'Al Baghdadi s'est aussi emparé de l'argent de la Banque centrale de la ville, quelque 425 millions de dollars devenant le groupe terroriste le plus riche du monde avec une fortune estimée entre 1,5 et 2,3 milliards de dollars.