Vendredi, l'Otan lance un avertissement à la Russie pour son implication dans la crise en Ukraine. Samedi, un Sommet européen menace Moscou de sanctions supplémentaires conséquentes. Vladimir Poutine ne cille pas. La crise s'aggrave. Retour à la case départ, dans la crise ukrainienne: après l'Accord d'association économique et commercial proposé, aux conditions de l'Union européenne (UE), à l'Ukraine, en novembre 2013 et qui a ouvert la voie à la crise actuelle, voilà l'Otan, l'autre «Cercle américano- européen», qui se lance dans une deuxième «offre» à Kiev pour l'accueillir, en son sein. Si la Russie de Vladimir Poutine a répliqué avec les moyens que l'on sait, au premier plan européen, de vouloir intégrer l'Ukraine au marché européen, il ne se laissera pas faire à la deuxième offre, plus stratégique, celle d'intégrer l'Ukraine à l'Otan, en tant que membre, à part entière. Le forcing occidental pour infléchir la Russie s'est accentué, la fin du week-end, à Bruxelles. Vendredi, c'étaient les ambassadeurs des pays membres de l'Otan qui ont répondu, favorablement, à la volonté du gouvernement de Kiev de vouloir intégrer l'Organisation transatlantique. Lors du point de presse, tenu à l'issue de la réunion, le S.G de l'Otan, le Danois Fogh Rasmussen, a averti la Russie de graves conséquences si elle ne retirait pas ses hommes et armes de l'Est ukrainien, l'accusant, au passage, de «mépriser d'une manière permanente ses propres obligations internationales». Ce à quoi, le président russe a répondu que son pays réagirait, en conséquence, à «toute provocation de l'Otan, en Ukraine». Il a signalé, lors d'une rencontre avec des organisations de jeunesse russes, que son pays a modernisé son armement nucléaire. Traduisez que la Russie est prête à un affrontement militaire d'envergure avec les Occidentaux et leur organisation militaire (Otan). Cela se peut-il ? Pas si sûr que le langage guerrier le laisse entendre. D'abord une intégration de l'Ukraine à l'Otan prendra, au mois, une dizaine d'années, si telle est la volonté de Kiev. Il faudra, en plus du changement de tout l'armement ukrainien qui est à 100 % russe, les adaptations opérationnelles des armées ukrainiennes à celles des Occidentaux. D'où l'offre de l'Otan apparaît, plus, comme une provocation d'ordre tactique et politique, contre la Russie qu'une vraie perspective de complémentarité militaire avec l'Ukraine. Samedi, ce fût au tour des 28 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, réunis à Bruxelles, de brandir un énième train de sanctions économiques et commerciales contre la Russie. Apparemment, la leçon n'a pas été bien retenue par les Européens: les conséquences sur leurs propres économies. La Russie a répondu aux premières sanctions par un embargo total sur les produits agricoles européens, pour une durée d'un an. Les agriculteurs européens, autant que les distributeurs et nombreux intermédiaires du secteur agro-alimentaire sont en alerte et subissent de grosses pertes financières et pertes d'emplois. La Commission européenne a débloqué quelque 160 millions d'euros, dans l'urgence, pour calmer le secteur agricole. D'autres entreprises de construction (industrie et bâtiment) sont touchées, à leur tour. Du coup, la croissance économique, déjà au seuil négatif, en Europe, risque d'amener l'Europe à la déflation et à une explosion du chômage. Dans ces conditions, l'entêtement des Occidentaux à vouloir faire «plier» Vladimir Poutine, en Ukraine, n'obéit à aucune logique pour faire sortir l'Europe de sa crise économique, ni d'aider à garantir la paix aux frontières communes avec la Russie. Dans cette logique d'affrontement, seuls les USA tirent leur épingle du jeu et récupèrent sur les pertes européennes. Ils sont loin, géographiquement, et leurs échanges commerciaux avec la Russie sont insignifiants. En revanche, la Russie est le prolongement géographique de l'Europe et leurs interdépendances économiques sont intenses. D'ailleurs, Vladimir Poutine n'hésitera pas à user de l'arme énergétique (gaz), en hiver, s'il est mis sous pression supplémentaire. Au final, cet affrontement Russie-Occident par Ukraine interposé, risque d'être plus destructeur pour les économies européennes que russe (et américaine). Quant aux analystes qui tablent sur des manifestations populaires en Russie, par manque de produits occidentaux, ils ne semblent pas connaître le caractère russe: les Russes sont capables de supporter des privations de consommations «de luxe», par fierté. Cela fait partie de «l'âme russe» dit-on. L'Européen, lui, est capable de se révolter pour un simple manque de confort, comme ne plus pouvoir se payer des vacances d'hiver, par exemple. Enfin, autre absurdité dans cette crise, celle du Conseil Otan-Russie (COR) dont la mission est de servir, au-delà de la coopération stratégique pour la «Paix» dans le monde, de canal de dialogue politique pour résoudre les crises. Pourquoi alors l'Otan en fait l'impasse et adopte-t-elle un ton provocateur ? Peut-être parce que l'ensemble des commandements interarmées sont sous la coupe des USA, comme les 90% des armements stratégiques. L'Europe doit méditer ce genre de données avant de suivre, immédiatement, la logique américaine.