Avec l'accord signé à Bruxelles, qui s'ajoute à ceux, similaires, qu'ont paraphés le même jour la Géorgie et la Moldavie, s'évanouissent les rêves de Vladimir Poutine de voir entrer l'Ukraine dans l'union économique qu'il a créée avec d'autres pays de l'ex-URSS. La Russie aura finalement échoué à garder l'Ukraine dans son giron. Kiev a fini, en effet, par sceller hier à Bruxelles un accord d'association avec l'Union européenne (UE). «C'est un jour historique pour mon pays, le plus important depuis l'indépendance», avait déclaré M. Porochenko à Bruxelles, avant la signature de l'accord essentiellement commercial, qui vise en particulier à lever les barrières douanières entre les Etats de l'UE et l'Ukraine, pays de quelque 45 millions d'habitants doté d'une forte industrie métallurgique et important exportateur agricole. La décision de Kiev de renoncer à signer cet accord en novembre dernier avait été à l'origine, rappelle-t-on, du renversement du pouvoir prorusse à Kiev et de l'insurrection dans l'Est qui a fait plus de 400 morts. «C'est un grand jour pour l'Europe (...) L'Union européenne se tient à vos côtés, aujourd'hui plus que jamais», a souligné, de son côté, Herman Van Rompuy, président du Conseil européen. Ainsi qu'il fallait s'y attendre, cet accord a suscité de vives réactions en Russie, qui ont vite pris l'allure de menaces, près de deux semaines après la coupure du gaz russe à l'Ukraine faute d'accord sur le remboursement d'une dette. «Le coup d'Etat anticonstitutionnel à Kiev et les tentatives d'imposer au peuple ukrainien un choix artificiel entre l'Europe et la Russie ont poussé la société vers une scission et une confrontation interne douloureuse», a déclaré M. Poutine à la télévision russe, soulignant au passage qu'il ne reconnaissait toujours pas la légitimité des autorités pro-européennes de Kiev. Le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Grigori Karassine, a averti, pour sa part, que cela aurait des «conséquences graves» sur les relations commerciales avec l'Ukraine. Les enjeux d'un accord Avec l'accord signé à Bruxelles, qui s'ajoute à ceux similaires qu'ont paraphés le même jour la Géorgie et la Moldavie, s'évanouissent les rêves de Vladimir Poutine de voir entrer l'Ukraine dans l'Union économique qu'il a créée avec d'autres pays de l'ex-URSS — le Bélarus et le Kazakhstan — au moment où il cherche à rétablir l'influence de Moscou dans la zone. La Russie craint par ailleurs une arrivée de produits fabriqués dans l'UE, via ce pays, au détriment de sa production nationale, et estime que Kiev ne peut pas bénéficier de conditions commerciales privilégiées à la fois avec Bruxelles et Moscou. Concernant la crise que vivent les régions de l'est de l'Ukraine, le président Porochenko — qui s'est notamment entretenu avec son homologue français François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel — s'est dit prêt à conclure un accord de paix avec Vladimir Poutine. «Je suis prêt à faire la paix avec tout le monde», a-t-il déclaré dans un entretien, jeudi soir, avec la chaîne de télévision américaine CNN. Sur le terrain, des représentants de Kiev et des responsables séparatistes ont poursuivi hier une troisième série de négociations indirectes à Donetsk, mais les combats se sont poursuivis ces derniers jours dans le bassin industriel russophone du Donbass. Pour donner toutes ses chances à la paix, le président ukrainien Petro Porochenko a tout de même proposé de proroger le cessez-le-feu qu'il a ordonné à ses troupes de mettre en oeuvre dans les régions orientales. Il a néanmoins exigé la libération des otages détenus par les insurgés pro-russes et la fin des «infiltrations» d'armes et de combattants, a révélé une source diplomatique européenne. La fragile trêve, acceptée par les insurgés mais ponctuée de combats sporadiques, a expiré hier à 19h GMT. Selon l'agence de presse Interfax, le président ukrainien a déclaré qu'il prendrait sa décision finale à son retour à Kiev. De leur côté, les dirigeants de l'UE, réunis à Bruxelles, ont donné trois jours à la Russie pour engager des actions concrètes destinées à faire baisser les tensions dans l'est de l'Ukraine, sous peine de nouvelles sanctions. L'UE pose quatre conditions devant être remplies d'ici à lundi à la mi-journée, dont «l'ouverture de négociations de fond sur l'application du plan de paix du président Porochenko», selon les conclusions du Conseil. Vladimir Poutine obtempérera-t-il ou optera-t-il pour le pourrissement ? Quelle que soit sa décision, il n'est pas certain que Moscou dispose actuellement des moyens suffisants pour défier les Occidentaux sur la durée. La cause ? Son économie, basée essentiellement sur les exportations d'hydrocarbures, est encore trop dépendante de l'extérieur. Mais cela dit, Moscou aura toujours son mot à dire dans la région.