Les entretiens algéro-sénégalais sont prévus à tous les niveaux de responsabilités politiques et économiques aux fins d'inverser des tendances politico-économiques jugées aujourd'hui d'arrière-garde. Arrivé hier dans l'après midi à l'aéroport d'Alger, le président sénégalais s'est dirigé vers l'hôtel El Aurassi pour inaugurer un forum regroupant la communauté algérienne des affaires. L'objectif étant pour les responsables sénégalais de présenter aux Algériens le dispositif d'investissement de leur pays aux fins de les convaincre d'investir chez eux. Pour rappel, les hommes d'affaires algériens peuvent désormais le faire à l'étranger légalement puisque la loi sur la monnaie et le crédit le leur permet bien depuis l'année dernière. L'on note que sans cela, il existe depuis longtemps des investissements algériens au Sénégal à l'exemple de la société privée Arômes d'Algérie. Des privés exportent aussi des dattes vers ce pays. Des instituts publics fournissent aux sénégalais des livres scolaires. Hier, le président sénégalais et le ministre algérien de l'industrie et des mines ont assisté à la signature d'une Joint-venture associant du côté algérien, IMC (Industrie médico-chirurgicale) et du côté sénégalais CMS (Carrefour médical du Sénégal). Ce projet mixte algéro-sénégalais prévoit la fabrication de dispositifs médicaux destinés aux besoins hospitaliers notamment de l'hémodialyse. L'unité de production de ces dispositifs sera implantée à Dakar, la capitale sénégalaise. Evalué à 9 millions d'euros, cette association devait être signée il y a longtemps mais les deux pays ont choisi de la faire coïncider avec la visite d'Etat du président sénégalais. La JV se décline en trois sous-projets à savoir la construction d'une première unité pour la production de concentré de dialyse pour un montant de deux millions d'euros, une autre pour le montage et la stérilisation des dispositifs pour le même coût et une troisième destinée à la production de solutés Massis pour un montant d'un peu plus de 4 millions d'euros. Le contrat charge IMC l'Algérienne du transfert de technologie et de savoir-faire aux Sénégalais. UNE JOINT-VENTURE POUR REANIMER UN PARTENARIAT D'autres projets sont en cours de maturation dans divers secteurs d'activités. Les Algériens sont conscients que le Sénégal a de grands besoins en différents produits industriels. « Nous pouvons leur exporter de la peinture, de l'électroménager, des motocycles et produits plastiques, » nous disent des hommes d'affaires algériens. « La JV algéro-sénégalaise conclue hier, constitue la symbolique d'un partenariat d'échanges économiques et commerciaux qui pourra s'intensifier si les hommes d'affaires algériens y mettent les efforts qu'il faut, » nous dit un responsable d'une institution. Le président sénégalais affiche bien des dispositions de son pays à cet effet. L'ère de Macky Sall semble différer quelque peu de celle où Wade dirigeait le pays. Wade voulait plus concurrencer l'Algérie dans son rôle de leader africain pour lequel elle déploie d'énormes efforts. Il l'a fait lorsqu'elle a été considérée comme initiatrice du Nepad (Nouveau partenariat pour l'Afrique) au même titre que l'Afrique du Sud et le Nigéria. Le Sénégal voulait absolument être compté parmi ces trois leaders pour agir et décider au même titre qu'eux. Aujourd'hui, le Nepad n'est plus ce qu'il a été pendant les quelques années après sa naissance, c'est à dire une initiative qui intéressait tout le monde. Pratiquement gelé par ceux-là même qui l'ont créée et ceux des Occidentaux qui l'ont applaudi, soutenu et même financé quelque peu, il semble avoir été étouffé par les jeux politiques, les conflits et les complots qui malmènent la région. Le président sénégalais a quand même tenu à ramener avec lui son ministre chargé du MAEP (Mécanisme africain d'évaluation par les pairs) un dispositif inscrit dans la matrice du Nepad pour obliger les pays africains à soumettre, leur gouvernance et leurs politiques de gestion à une évaluation purement africaine. Il est possible qu'un point de situation sera fait par ce responsable sénégalais et Abdelkader Messahel, ministre des affaires maghrébines et africaines, considéré comme véritable spécialiste de toutes ses questions. DES TENDANCES A INVERSER Il est alors question pour l'Algérie de tenter d'inverser des tendances jusque là confirmées et préservées mais jugées aujourd'hui d'arrière-garde. Celle politique et diplomatique en plus de celle économique sur laquelle nos voisins marocains ont une grande main mise. Au temps de Wade, les relations entre le Sénégal et le Maroc se sont fortement renforcées. « Il y a beaucoup d'intérêts sénégalais au Maroc et réciproquement, » nous affirment des diplomates. Il est clair que le Maroc a toujours voulu se rapprocher des pays de la région pour conforter ses choix géostratégiques comme sa ténacité à garder le Sahara occidental sous son règne. Le Sénégal lui est proche puisqu'il touche les côtes mauritaniennes. Ce qui laisserait probablement penser le Royaume qu'il pourrait lui aussi constituer un prolongement naturel à ses territoires. Reste qu'Alger et Dakar ont toujours eu de bons rapports entre eux. Historiquement, les deux pays sont liés par des liens solides. La visite de quatre jours de Macky Sall et sa rencontre avec Bouteflika et plusieurs autres personnalités du pays aura certainement tendance à le confirmer. Ne serait-ce que pour rapprocher les avis et positions sur les grandes questions comme la situation au Sahel, les conflits au Mali, la crise libyenne et autres la lutte contre le terrorisme, la contrebande et le crime transnational.