Le collectif Nabni (notre Algérie bâtie sur de nouvelles idées) est revenu hier sur un certain nombre de problèmes qui bloquent l'émergence d'une véritable économie en Algérie, un pays qui dispose pourtant d'un potentiel extraordinaire. La réforme économique doit absolument passer par un «signal politique» fort des gouvernants pour gagner la confiance, non seulement des opérateurs économiques mais aussi de tous les Algériens, de l'avis de l'un des membres de Nabni, à l'occasion d'une rencontre-débat organisée au cercle Frantz Fanon à Riadh El Feth dans la capitale. Le choc sera terrible d'ici 4 à 5 années si l'Etat s'accroche encore à la rente pétrolière, selon l'analyse de l'un des experts de ce collectif qui rappelle que l'Algérie dort sur son potentiel pour cause d'absence de gouvernance. «La conception de la richesse doit changer», dira Zoubir Benhamouche qui souligne qu'il ne suffit pas d'investir massivement dans un pays dont les règles ne sont pas claires. Cela bloque toute velléité de croissance de l'économie. «Le problème de fond est un problème de gouvernance», dira pour sa part l'ancien ministre de la Communication Abdelaziz Rahabi qui fait allusion à une gestion archaïque des affaires de l'Etat alors que le monde autour de nous avance à une vitesse effrénée. Dans un document intitulé : «Iceberg en vue ! L'urgence n'est pas de freiner, mais d'engager de longs virages», le collectif Nabni tire la sonnette d'alarme et prévient contre un danger imminent si la politique économique observée jusqu'ici est maintenue et surtout si de véritables réformes ne sont pas engagées au risque de provoquer un mécontentement populaire. «L'effondrement récent du prix du baril constitue une sonnette d'alarme bien plus audible que les avertissements de la société civile», prévient Nabni qui compare l'Algérie au Titanic, le paquebot qui a coulé en 1912, en dépit de sa «grandeur» et sa «splendeur» en ce temps-là. «Concernant les réformes, l'histoire semble pour le moment se répéter : aucune mesure de fond n'est annoncée, aucune ambition de changement profond n'est affichée», est-il noté dans un document remis à la presse. Nabni explique que le «virage économique» à prendre devra être amorcé par un plan d'urgence qui marquera les premiers jalons du changement de cap et jettera les fondations d'une transformation profonde de notre ordre économique. «L'objet du plan d'urgence que publiera Nabni prochainement n'est pas de proposer de simples mesures de réduction des dépenses des importations. Il s'agit d'identifier les réformes nécessaires et fondamentales, de court terme, qui permettront de créer les conditions d'une sortie de l'économie de rente», note la même source qui explique en ce sens qu'il s'agit aussi de s'inscrire dans la durée et de penser la sortie de l'économie de rente sur environ 15 années. «C'est l'horizon sur lequel on doit penser notre transition fiscale, notre transition budgétaire, la diversification des exportations et la ré-industrialisation du pays», poursuit-on dans le même document qui soutient que la réponse à des problèmes conjoncturels de court terme sans opérer de vrais changements est inutile. Nabni pense savoir en outre que la conjoncture actuelle concentre les débats sur la transition économique, les difficultés budgétaires et notre dépendance aux recettes des hydrocarbures alors que des transitions tout aussi urgentes et majeures s'imposent au pays au cours des deux prochaines décennies, faute de quoi, la transition économique échouera. La transition énergétique passe, de l'avis du collectif de Nabni, par le changement de notre mix de consommation énergétique et notre engagement total dans le développement d'énergies renouvelables en imposant l'efficacité énergétique dans l'industrie, le transport, la construction et en augmentant les prix à la consommation d'énergie. Il faut rappeler que le gouvernement a toujours refusé de procéder à la hausse de la facture d'électricité et de gaz des Algériens. Même si ce que suggère Nabni résulte de la logique même, il n'en demeure pas moins que le risque d'un tel scénario (augmentation de la facture de l'énergie) pourrait provoquer des troubles alors que le pouvoir en place est déjà malmené par des manifestations sporadiques dans nombreuses régions. Cela y va en fait de la «survie» d'un système qui tire sa force des milliards injectés ici et là pour maintenir un semblant de cohésion sociale. Ceci étant, Nabni suggère dans son document de s'attaquer à d'autres problèmes, notamment «une transition de notre système de redistribution sociale», «une transition du système de santé publique», «une transition environnementale et de développement durable», «la refonte du système éducatif et du savoir», et insiste par ailleurs sur la réforme de la gouvernance qui constitue, selon le collectif, le socle du changement de cap. «L'heure n'est plus aux logiques de court terme. Il faut agir aujourd'hui pour éviter à la décennie 2020 le risque de très sérieuses difficultés», avertissent les membres du collectif Nabni qui rappellent enfin que la chute du prix du baril de pétrole n'est en fait qu'une sonnette d'alarme malheureuse et que l'urgence et le besoin d'entamer ces changements, tout comme leur contenu, restent exactement les mêmes que lorsque le baril était à 120 dollars.