Des systèmes alimentaires efficaces sont la clé de la paix, de la stabilité et de la croissance inclusive dans les pays de la Méditerranée Sud et Est. Les 5 et 6 mai 2015, Barcelone accueillera un événement international axé sur le secteur privé et la sécurité alimentaire dans les pays de la Méditerranée Sud et Est (MSE). Organisé par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Union pour la Méditerranée (UPM), ce forum, auquel participent de hauts responsables gouvernementaux et des dirigeants d'entreprises privées, devrait déboucher sur des recommandations pour améliorer la sécurité alimentaire et le commerce agricole en MSE grâce à un meilleur soutien aux agriculteurs et aux petites, moyennes et grandes entreprises agroalimentaires. La sécurité alimentaire est essentielle pour assurer la paix et la stabilité en MSE. Les preuves abondent qui démontrent que les pénuries alimentaires et les hausses des prix des denrées de base sont à l'origine de troubles d'ordre social et politique ancrés dans des revendications politiques plus larges. Le «printemps arabe» a commencé dans les zones rurales pauvres, marginalisées et démunies avant de se transposer dans les villes. L'insécurité alimentaire et le taux élevé du chômage -en particulier chez les jeunes- sont en grande partie les conséquences de politiques ayant négligé les investissements dans l'agriculture et le développement rural. Aujourd'hui, l'agriculture et les systèmes alimentaires dans leur ensemble pourraient représenter une grande partie de la solution en créant des emplois et de la valeur ajoutée, à condition toutefois qu'un environnement propice et des incitations politiques judicieuses soient mis en place. Les raisons sous-jacentes de cette promesse sont simples. La population de la région MSE devrait passer de 280 millions de personnes aujourd'hui à 350 millions en 2030 et à 400 millions en 2050. La demande de produits alimentaires de qualité devrait augmenter à mesure que les revenus s'améliorent et que les populations urbaines deviennent plus instruites. En d'autres termes, les marchés alimentaires devraient continuer à se développer, créant davantage de possibilités économiques et entrepreneuriales. Les pays de la Méditerranée Sud et Est sont confrontés à un défi de sécurité alimentaire et nutritionnelle spécifique découlant de la pauvreté, à savoir des niveaux élevés de malnutrition et des problèmes d'obésité croissants. La pauvreté alliée à la hausse des prix des produits alimentaires depuis 2008 menace la sécurité alimentaire et nutritionnelle des plus vulnérables, ce qui entraîne, à son tour, un climat d'instabilité sociale et politique. En Egypte, 31 pour cent des enfants de moins de cinq ans présentent un déficit pondéral, alors qu'en Jordanie, en Tunisie et au Maroc, ces taux sont respectivement de 8, 10 et 15 pour cent. L'obésité dans tous les groupes d'âge et de statut socioéconomique a également atteint des niveaux alarmants, la proportion d'enfants en surpoids ayant doublé en dix ans. Tous les pays de la région, à l'exception de la Turquie, ont de grands déficits commerciaux agroalimentaires et qui vont s'aggravant, l'Egypte et l'Algérie figurant parmi les plus grands importateurs de céréales dans le monde. Ces déficits les rendent très vulnérables aux fluctuations des cours mondiaux des denrées alimentaires. Mais si certains de ces pays ont un avantage comparatif faible en ce qui concerne la production céréalière, ils peuvent avoir un avantage comparatif élevé en ce qui a trait à la production de fruits, légumes et denrées alimentaires transformées. Dans cette perspective, une meilleure intégration des échanges interrégionaux et des systèmes d'importation plus efficaces pourrait renforcer la sécurité alimentaire au double niveau national et régional. L'utilisation efficace des ressources naturelles, en particulier le sol et l'eau, devrait guider les investissements dans l'agriculture locale. Les faibles ressources en eau douce de la région ont diminué de deux tiers au cours des 40 dernières années et devraient régresser de plus de 50 pour cent d'ici 2050. La région utilise déjà plus de 85 pour cent de la totalité de l'eau douce disponible. Presque toutes les terres se trouvent dans des zones arides et 45 pour cent des sols sont dégradés. Des investissements visant, d'une part, à réduire le gaspillage et les pertes à tous les niveaux et, d'autre part, à améliorer l'efficacité de l'eau dans le contexte du changement climatique, sont essentiels pour la sécurité alimentaire et la durabilité environnementale. Dans les pays de la MSE, l'agriculture emploie près de 25 pour cent de la main-d'œuvre et la moitié de la population vit encore dans les zones rurales. Plus de 60 pour cent de la population ont moins de 30 ans et le taux de chômage des jeunes dépasse 25 pour cent. Entraînés par les exploitations familiales et les petites et moyennes entreprises (PME), l'agriculture locale et les systèmes alimentaires ont toutefois un potentiel élevé de développement et de croissance susceptible d'offrir des possibilités d'emploi aux jeunes. Les micro-entreprises et autres entreprises de petite taille se taillent la part du lion dans la création d'emplois et l'esprit d'entreprenariat de la population est notoire. Les pays doivent donc promouvoir des politiques et des incitations appropriées offrant au secteur privé (fermes familiales, entreprises, PME ou sociétés) un meilleur accès à l'information, aux technologies, au savoir-faire et aux marchés. En contrepartie, le secteur privé doit intensifier ses investissements pour favoriser la croissance et la création d'emplois. Et pour développer l'emploi des jeunes, il faudrait rendre la vie plus attrayante dans les zones rurales. A cet effet, il conviendrait à la fois d'améliorer la productivité pour générer des revenus supplémentaires et augmenter les investissements publics dans les infrastructures et les services sociaux. Les gouvernements et les parlementaires doivent établir un dialogue avec les acteurs privés (notamment les agriculteurs) dans le cadre des négociations politiques en vue de créer un environnement plus favorable aux investissements privés. Le dialogue peut être organisé autour de chaînes de valeur spécifiques en matière d'agriculture et d'alimentation tout en explorant les moyens d'investir plus et mieux afin de générer plus de richesse et d'emplois et améliorer la sécurité alimentaire et la nutrition aussi bien des consommateurs que des producteurs. Les défis pour les pays de la Méditerranée Sud et Est consistent à produire de la nourriture en plus grande quantité et de meilleure qualité, à accroître la rentabilité de l'import-export sur la base des avantages comparatifs, à minimiser les pertes et à améliorer l'efficacité des ressources, en particulier l'eau. Pour relever tous ces défis, il convient surtout d'investir dans les systèmes agricoles et alimentaires. La FAO, en collaboration avec la BERD et d'autres institutions internationales et nationales, continuera à se tenir aux côtés des gouvernements pour contribuer à libérer le potentiel des agriculteurs et des entrepreneurs privés qui tiennent entre leurs mains l'avenir de la sécurité alimentaire et d'une bonne nutrition pour tous. * Sous-directeur général de la FAO, responsable du Département de la Coopération technique, et Mohamed Mansouri, Chef de service Europe, Amérique latine et Caraïbes, Proche-Orient et Afrique du Nord, Centre d'investissement de la FAO