Amar Benyounès continue à déclarer la guerre aux importateurs « suspects». Il persiste en réaffirmant devant la presse que « personne ne m'arrêtera pour assainir le commerce extérieur, sauf le président de la République». Le ministre du Commerce a affirmé hier, lors du lancement d'une opération visant l'organisation de marchés spécifiques pour assurer l'approvisionnement direct des citoyens en produits de large consommation durant le mois de Ramadhan, que les « lobbies de l'importation sont très forts ». « Mais, dit-il, si on me force à choisir entre les lobbies et l'Algérie, je choisirai l'Algérie ». Le ministre affirme que les discussions sur les licences d'importation se poursuivent avec la commission économique au sein de l'APN pour exposer le dossier en séance plénière devant les parlementaires. Amara Benyounès a indiqué qu'il ne privera pas les Algériens de la consommation des bananes et des kiwis. En précisant qu'il faut se rendre à l'évidence que le principe de la liberté du commerce est irrévocable. Et de souligner que son département a ciblé certains produits qui nécessitent des sommes importantes et qui entraînent un déséquilibre à la balance commerciale. Le ministre annonce l'introduction des licences d'importation pour des filières dans le secteur agricole, industriel, de la pêche et les ressources halieutiques, ainsi que le secteur de l'artisanat. Amara Benyounès précise : «Nous ne pouvons plus continuer à ce rythme des importations. Nous importons 600 millions de dollars de ciment, 1,6 milliards de dollars d'aliment de bétail, sachant que la facture des importations des véhicules s'élève à 5 milliards de dollars». Si le ministre du Commerce veut assainir à tout prix le commerce extérieur, ses déclarations sur la flambée des prix à l'approche et pendant le mois de Ramadhan, témoignent d'une incapacité de trouver une marge de manœuvre pour réguler le marché local. Le ministre du Commerce n'écarte pas une éventuelle flambée des prix des produits de base, durant la première semaine du mois de Ramadhan. Et croit dur comme fer que cette situation ne changera pas si les citoyens continueront à stoker et à gaspiller les produits alimentaires, quelques jours avant le mois sacré et durant ce mois. Il a rappelé que les Algériens ont jeté, durant le mois sacré de l'année 2013, 120 millions de baguettes de pain. Et de préciser que si les Algériens ne changent pas leur mode de consommation durant ce mois, ils seront fatalement confrontés à une augmentation des prix. Exactement comme ses prédécesseurs, Amara Benyounès s'en lave les mains, en précisant que les prix obéissent aux lois fondamentales de l'offre et de la demande. N'ayant pas de solution magique contre la flambée des prix qui ne se limite pas seulement au mois de Ramadhan, le ministre annonce le lancement des marchés spéciaux Ramadhan. Il a affirmé qu'après plusieurs réunions avec les différents acteurs, à savoir le patronat, l'UGTA, ainsi que les services de l'Agriculture, il a été décidé de généraliser les «marchés du ramadhan 2015- consommons Algérien» à travers le pays. Le ministre a affirmé que 175 sites ont été dégagés. Et d'affirmer que les produits exposés seront exclusivement locaux en appelant les producteurs à faire un effort en réduisant leur prix, sachant que les sites aménagés à leur profit sont quasi-gratuits. A Alger, les producteurs nationaux exposeront leurs produits à la Centrale syndicale du 1er Mai et au pavillon central à la Safex. L'ETAT APPELE A JOUER SON ROLE DE REGULATEUR Mohamed Alioui, secrétaire général de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA), n'est pas allé par trente-six chemins pour analyser les hausses des prix souvent non justifiées. Il a affirmé devant le ministre du Commerce que les prix n'obéissent pas à la logique de l'offre et la demande, mais au diktat des intermédiaires et des spéculateurs. Il s'est interrogé : «qui est responsable de la flambée des prix des viandes ?». Et de poursuivre : «une filière qui s'est développée dans l'anarchie et qui continue dans cet état de fait depuis 20 ans ». Il affirme qu'en dépit des effets d'annonce, « nous ne disposons même pas d'un marché national, ni de marchés régionaux ». Pis, il affirme que le liquidateur d'OFLA (Office des fruits et légumes algérien) n'a toujours pas achevé son travail, et ce, depuis déjà 15 ans. Tout en rappelant le rôle de régulateur que doit jouer l'Etat et par ricochet, le ministère du Commerce, Alioui a appelé le ministre à s'engager dans des solutions durables et responsables. Il lui a demandé d'aller vers la politique de plafonnement des prix et vers la création de marché (agriculteurs-citoyens) sans intermédiaires, notamment dans les zones éloignées. Car pour Alioui, « le fellah travaille dur toute l'année pour que les spéculateurs qui, en s'appuyant sur les subventions de l'Etat et sur le Trésor public, s'enrichissent en clin d'œil » Le président de la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA), Habib Yousfi s'est dit tout à fait d'accord avec la campagne de sensibilisation contre le gaspillage, prôné par le ministère du Commerce, mais pour lui, cette politique ne résoudra pas la hausse des prix injustifiée. Il a rappelé que la régulation du marché est l'une des prérogatives du ministère du Commerce et de l'Etat. Il a appelé Benyounès à mettre de l'ordre dans le marché local car souvent « ce sont les intermédiaires et les spéculateurs qui créent une inflation des prix des produits de consommation.» Mehenni Abdelaziz, président de la Confédération des industriels et producteurs algériens (Cipa) a appelé le ministre du Commerce à fixer des marges de bénéfice à l'ensemble des intervenants pour épargner les producteurs et les citoyens de la folie des spéculateurs. « Sinon, on ne veut plus d'intermédiaires».