Le tribunal criminel près la Cour de Blida, chargé du procès en appel de l'affaire Khalifa Bank, a continué, hier, à entendre les témoins appelés pour ce vingt-troisième jour et a commencé par M. Drider Boussaad, directeur des impôts et du contentieux à la direction des impôts de Cheraga. Il informe le tribunal que Khalifa Bank est redevable au fisc algérien de la somme de 3 milliards de dinars, un redressement fiscal pour la TVA, l'IRG et la TAP qui n'ont pas été payés de 1998 à 2002. Il explique aussi que Khalifa Bank bénéficiait d'une exonération de certaines taxes dans le cadre de la loi sur l'investissement. A une question du juge, le témoin explique que l'opération de vérification a commencé en 2003 et que l'administration des impôts intervient sur le chiffre d'affaires et non sur les bénéfices. Il déclare aussi que la banque était déficitaire durant les trois premières années mais qu'elle a réalisé un bénéfice de 75 millions de dinars durant l'exercice 2001/2002. Ce fut ensuite M. Taleb Ali, ex-directeur général des Moulins des Bibans, dépendant du groupe ERIAD, entre 2002 et avril 2003 qui présenta la situation de l'entreprise et les raisons qui ont poussé les responsables à chercher des débouchés divers, comme la location des silos et des espaces ainsi que le placement d'argent pour engranger des bénéfices substantiels qui leur permettent de payer les salaires des employés et de maintenir les finances de l'entreprise à un niveau acceptable. Comme le CPA auprès duquel ils avaient l'habitude de faire des placements avait revu ses taux d'intérêt à la baisse, le conseil d'administration opta pour Khalifa Bank qui offrait jusqu'à 10 %. Le président, M. Antar Menouar, lui demanda alors s'il n'aurait pas été plus judicieux d'investir cet argent au lieu de le placer en banque, ce à quoi le témoin répondit que c'était selon les circonstances du moment et l'investissement à cette époque était plutôt aléatoire. Il continua en indiquant que les Moulins des Bibans avaient déposé 100 millions de dinars auprès de Khalifa Bank, au taux de 9,5 % puis à celui de 10 % pour une période d'une année. Il déclara qu'il n'a jamais douté de cette banque car c'était une entreprise assez importante qui n'aurait pas dû arriver à cette situation, « mais, dès que nous avons su que la banque avait des difficultés, nous avons tout fait pour récupérer notre argent, même par le biais d'un huissier de justice », ajoute-t-il. Le procureur général lui rappela alors qu'il y a eu une note du président du holding pour leur rappeler que les dépôts à terme devaient se faire auprès de la BADR et non ailleurs. Le témoin déclare alors qu'il vient juste d'en entendre parler et il expliqua que le compte d'exploitation était au niveau de la BADR, et le DAT est totalement différent. Puis vint le tour de M. Boumali Abed, chef de département des finances et de la comptabilité auprès de l'Institut de Cartographie et des Mesures Terrestres qui annonça que l'institution qui l'employait avait fait un dépôt de 20 milliards de centimes auprès de l'agence de Cheraga au taux de 10 %. Le juge lui demande alors pourquoi les taux d'intérêt tombent si bas dans les banques publiques alors qu'ils s'élèvent dans les banques privées et le témoin lui répond que c'est une question d'économie. Toujours dans le même sens, M. Boumali affirme que son institution avait des comptes d'exploitation auprès du CPA et de la BEA mais qu'ils n'ont fait aucun retrait pour déposer l'argent auprès de Khalifa Bank. Enfin, il précise qu'ils n'avaient pas de conseil d'administration mais dépendaient directement de la tutelle qui était le ministère de la Défense nationale. Quant à M. Mohamed-Larbi Selim, qui était chauffeur du directeur de l'agence CNR de la wilaya d'Oum El Bouaghi, il déclara qu'il a accompagné le directeur, M. Djedidi Toufik, à l'agence Toyota d'Hussein Dey où ils ont rencontré un autre responsable de la CNR, M. Kerrar Slimane, et ils y ont retiré trois voitures, deux pour le compte de Djedidi et une autre pour Kerrar. Il annonce avoir conduit les trois véhicules, l'un après l'autre, vers un parking près de la CNR. M. Bendjoudi Mohamed-Tahar, ex-DG adjoint de la CNR, affirme pour sa part que, suite à une décision du conseil d'administration, la CNR a effectué un dépôt de 12 milliards de dinars desquels 8 milliards ont été retirés en octobre 2002, alors que les 4 milliards restants ont été perdus. Il annonça aussi que la décision de retrait a été prise suite à des informations faisant état de la fragilité de Khalifa Bank. Le président, M. Antar Menouar, demanda ensuite au témoin quel était le rôle de Kerrar dans la décision de dépôt des fonds de la CNR auprès de Khalifa Bank. Le juge continue ensuite en faisant remarquer au témoin que la décision de dépôt qui a été prise par le bureau du conseil était illégale car il fallait la présence d'au moins 29 membres de l'assemblée générale, ceci d'un côté, et, de l'autre, la tutelle n'a pas été informée ni n'a donné son accord, obligatoire dans ces cas. Le témoin annonce qu'il n'était pas au courant de ces dépôts car c'était Kerrar qui était responsable des mouvements des fonds. Un autre témoin, M. Tesia Lakhdar, ex-directeur de l'agence foncière de Batna, affirme qu'il a effectué un dépôt de 60 millions de dinars qu'il avait retiré du CPA car les taux d'intérêt sont passés de 18 à 1 % en l'espace de deux ou trois ans. Comme Khalifa Bank offrait plus de 9%, le choix était vite fait. D'autres témoins, parmi eux le directeur général de l'OPGI d'Ain Defla, celui de la brasserie d'Annaba et d'autres encore ont expliqué le pourquoi des dépôts de fonds auprès de Khalifa Bank, faisant toujours ressortir le taux d'intérêt beaucoup plus important que celui proposé par les banques publiques, ce qui a fait répéter au juge, M. Antar Menouar, plusieurs fois la question pour connaître les raisons de la baisse des taux d'intérêt dans les banques publiques à ces moments précis. Après une pause d'un quart d'heure, le juge reprit l'audience par la lecture des dépositions des témoins qui ne se sont pas présentés, parmi eux de hauts cadres de l'Etat. La première lecture a concerné M. Tebboune Abdelmadjid, ministre de l'Habitat qui a déclaré devant le juge d'instruction, concernant l'affaire Khalifa, qu'effectivement il a été ministre de l'Habitat entre 2001 et 2002, mais les OPGI avaient déjà commencé à faire des dépôts à Khalifa Bank lorsque son prédécesseur, M. Bounekrafe Abdelkader était en poste et se sont poursuivis durant son mandat et même au-delà avec son successeur, M. H'Mimid Mohamed-Nadhir. Concernant ces dépôts, il déclara que les OPGI avaient une personnalité morale et une indépendance financière leur permettant de faire des placements selon leurs besoins, mais il y avait quand même un conseil d'administration composé de membres issus de différents ministères qui contrôlent les finances de ces OPGI. Il précisa aussi qu'il n'a jamais donné d'instructions aux OPGI de déposer leurs avoirs auprès de Khalifa Bank, bien que la politique suivie à l'époque était de diversifier et d'améliorer les revenus par l'investissement et les dépôts. M. Tebboune reconnut aussi qu'il connaissait Rafik Abdelmoumène Khalifa qu'il a rencontré en 2001 et lui a demandé si sa banque effectuait des opérations de change car ses fils étaient en voyage. Khalifa lui proposa alors les cartes de crédit. Quelques jours plus tard, M. Tebboune rendit visite à Khalifa dans son bureau et lui remit la somme de 200 000 dinars et Khalifa lui donna alors une carte magnétique Master Card. Il utilisa cette carte pour payer les frais d'hospitalisation et d'hôtel en France. Il déclara aussi qu'il ne possédait aucun compte auprès de Khalifa Bank. Enfin, concernant l'agrément de Khalifa Construction qui n'avait aucune qualification, le ministre affirma qu'il n'a jamais octroyé d'agrément à cette entreprise, bien que Khalifa Abdelmoumène lui en ait parlé auparavant mais il lui a répondu par la négative. Ce fut ensuite la déposition de M. Bouterfa Noureddine, Président-Directeur Général de la Sonelgaz depuis 2004, qui affirma que son entreprise avait procédé à un dépôt de 200 millions de dinars auprès de Khalifa Bank, mais ceci avait été fait avant son arrivée, par son prédécesseur, M. Benghanem qui avait procédé à cette opération sans aviser le conseil d'administration. « Je ne connais pas les raisons de cette manière de procéder », déclara M. Bouterfa. Le juge, M. Antar Menouar continua de lire les autres dépositions des témoins qui ne se sont pas présentés.