Dans la Médina de Sousse, Ali Soltani feuillette rageusement un journal à la recherche de détails sur l'attentat sanglant qui a frappé un hôtel de la région, la veille. « Il n'y a plus d'espoir. C'est un coup mortel pour le tourisme», lâche le commerçant tunisien. Pas moins de 38 personnes, dont un grand nombre de touristes britanniques, ont été tuées, vendredi, lorsqu'un étudiant tunisien se faisant passer, selon les autorités, pour un vacancier, a ouvert le feu dans un hôtel de la station balnéaire de Port El Kantaoui, à une vingtaine de kilomètres de Sousse. Un carnage revendiqué par le groupe Etat islamique (Daech) qui a, profondément, choqué les Tunisiens, et fait craindre à de nombreux habitants de Sousse, grande ville touristique du centre-est du pays, des années noires, pour ce secteur vital de l'économie tunisienne (400.000 emplois). « Je ne réalise pas encore ce qui s'est passé hier», avoue M. Soltani. «C'est plus qu'une catastrophe, il n'y a plus d'espoir pour plusieurs années». «Je n'ai plus le goût de travailler. Depuis hier, on se regarde comme des bêtes, sans rien pouvoir faire». «Nous ne sommes pas habitués à ces carnages! », renchérit Kamel Ben Sadok, qui travaille le cuivre, non loin de là. Beaucoup se disent incrédules de voir le pays frappé, deux fois, en 3 mois, par des attentats sanglants, contre des civils étrangers. Le 18 mars, 22 personnes (21 touristes et 1 policier tunisien) avaient été tuées dans le musée du Bardo, à Tunis, par 2 jeunes Tunisiens armés. L'EI avait, alors, revendiqué l'attaque. «Ça fait très mal. Nous étions encore en train de panser les plaies du Bardo lorsque nous avons reçu un coup, encore plus fort», déplore Alya, une habitante de Sousse. «PASSER DES VACANCES OU MOURIR ?» Beaucoup disent comprendre que les touristes boudent la Tunisie, pendant quelque temps. « A leur place, je ne mettrais plus les pieds en Tunisie en cette période. C'est normal qu'ils quittent rapidement le pays après cette catastrophe. Est-ce qu'ils viennent pour passer des vacances ou pour mourir? », lance Imed Triki, un commerçant. Pour lui, ce qui se passe en Tunisie est «le résultat d'une situation chaotique, dans tous les secteurs, depuis la révolution» de janvier 2011, qui a mis fin à la dictature de Zine El Abidine Ben Ali. «Il suffit de voir le comportement des gens dans les rues, des hommes politiques sur les plateaux de télévision et des fonctionnaires dans les administrations pour constater que rien ne marche dans le pays: ni sécurité, ni économie, ni politique», dit-il avec amertume. D'ordinaire, des dizaines de touristes visitent, chaque jour, sa boutique mais «depuis, hier (vendredi), c'est le désert». Et «ce ne sont pas les Tunisiens qui vont sauver la saison touristique, alors que les touristes vont nous bouder pour une longue période », soupire le commerçant. Dans la Médina, seuls quelques touristes visitaient les boutiques, samedi matin. «Il me reste trois jours à passer en Tunisie et j'ai décidé de ne pas aller à la plage par précaution, mais je veux, quand même, aller jusqu'au bout de mes vacances malgré les coups de fil et la pression de ma famille pour rentrer», raconte Merry, une Britannique accompagnée de son mari. Malgré l'attentat de vendredi, des dizaines de Tunisiens profitaient de la mer sur la plage de la zone touristique d'El Kantaoui. Mais aucun touriste étranger n'était visible parmi eux. « Le peu qui reste des touristes est à l'hôtel. Ils ne veulent sortir que pour aller à l'aéroport », explique Salem, qui travaille dans un hôtel près du lieu du massacre. Des voyagistes ont commencé dès vendredi, à évacuer leurs clients, comme le Belge Jetair qui a indiqué que 2.000 personnes devaient être rapatriées, en Belgique, d'ici samedi soir.