Comme d'habitude, c'est Amar Rouaï qui nous a annoncé la triste nouvelle. Ce n'est guère une coïncidence, car l'ancien meneur de jeu du SCO Angers est constamment à l'écoute de ses derniers compagnons de la glorieuse équipe du FLN, celle qui a transmis au monde le message de l'Algérie combattante. Soukane Abderrahmane est donc décédé le 5 juillet 2015, une journée commémorative pour notre pays. On savait qu'il souffrait depuis plusieurs années de la même maladie que Mustapha Zitouni, mais on pensait que sa constitution d'ancien sportif de haut niveau allait l'aider à résister encore quelques années. Lors de ce bref entretien, Rouaï, la gorge nouée par l'émotion, n'a pu retenir ses larmes. C'est que Rouaï a fait chambre commune avec Soukane Abderrahmane lors de la fameuse épopée, durant ces quatre années inoubliables et qui figureront à jamais dans l'histoire du football et de l'histoire tout court. Il ne reste que quelques survivants des 32 glorieux rebelles de l'équipe FLN, car la plupart ont quitté ce monde. C'est la raison qui fait qu'un rapprochement s'est effectué entre ceux qui sont encore en vie. On n'oubliera pas le "pacte" généreusement proposé par Hadj Saïd Amara à ses compagnons de la fondation FLN. Rachid Mekhloufi, rend souvent visite à Amar Rouaï où que ce dernier se trouve, à Aïn El-Turck ou en France. Il faut préciser que Mekhloufi a été touché autant que Rouaï, car avec Soukane, il a vécu des moments inoubliables en dehors et sur le terrain, et on rappellera que le défunt fut l'adjoint de Rachid lors du triomphe des JM 1975 et au Mondial 82. En outre, ces deux hommes avaient le même âge, étant nés en 1936, tout comme Kerroum et Maouche, Mohamed Oudjani étant le cadet de l'équipe (1937). Personnellement, nous avons découvert Soukane le 17 juin 1965 à Oran lors du fameux match contre le Brésil de Pelé, Garrincha et des deux Santos, Nilson et Djalma, champions du monde en Suède. Soukane a évolué au milieu aux côtés de Mekhloufi. A l'instar de son aîné Mohamed, Abderrahmane était un surdoué ayant figuré en équipe senior dans l'équipe de la JS El-Biar alors qu'il était cadet. Sa carrière professionnelle débute au Havre, aux côtés de son aîné Abderrahmane et de l'autre future équipier du FLN, Bouchache Chérif. A l'appel de la patrie, il n'hésite pas une seconde et déserte les rangs de l'armée française où il figurait comme appelé avec tenue et bagages, ce qui lui vaut une condamnation de dix ans de prison infligée par le tribunal militaire de Rennes. En 1962, il renoue avec le football pro au Havre, à Toulouse sous les ordres de Firoud Abdelkader puis au Red Star de Paris, avant de terminer sa carrière de joueur à l'USMBA, où il a fait rêver les fans d'El-Khadra par sa technique et son sens du but. En équipe nationale, il a porté les couleurs à sept reprises, face à des adversaires de haut niveau. Les observateurs sont d'accord pour reconnaître que Soukane Abderrahmane aurait effectué un parcours exemplaire s'il avait opté pour des clubs ambitieux. Il n'empêche que celui qui fut surnommé le " joyau d'El-Biar " a laissé des souvenirs impérissables, tant par sa classe que sa personnalité. Il repose à présent au cimetière de Ben Aknoun où il a été accompagné par une foule immense et, parmi cette assistance, ses camarades, derniers survivants d'une aventure humaine et sportive à nulle autre pareille.