Les bonnes nouvelles sont rares en Algérie. Quand elles surviennent, il convient de les saluer ! Jusqu'à l'année dernière, une virée à la plage pouvait virer au cauchemar. Souvenez-vous Vu d'en haut, le spectacle n'avait rien d'engageant : des centaines de parasols aux couleurs criardes, des tables et des chaises enchevêtrées, des haut-parleurs déversant des flots de décibels Il fallait descendre un escalier jonché de détritus. Au pied de cet escalier, vous étiez attendus par un homme armé d'un gourdin harmonieusement surmonté d'un coupe-chou qui vous intimait l'ordre de le suivre jusqu'à l'ensemble parasol-chaises Louis XV qu'il vous avait généreusement dévolu. Vous tentiez une timide protestation en rappelant qu'aux termes de la loi, l'accès libre à la plage et patati et patata Vous n'aviez pas le temps de finir votre dissertation citoyenne que le coupe-chou se mettait à s'agiter dangereusement devant votre visage. Souvent, vous cédiez en vous maudissant intérieurement d'avoir craqué. Oh ! Il ne s'agissait pas d'un manque de courage, mais se faire balafrer par un « plagiste » venu d'une lointaine planète n'aurait pas donné à votre aventure le souffle de l'épopée. Si vous persistiez à refuser d'utiliser le superbe « matériel » vanté par le coupe-chou, il y avait quelques chances que le « patron » rapplique et accepte de coincer votre misérable parasol personnel à une place où il fallait vous caler entre les reliefs de pastèques, bouteilles vides et autres sachets de chips éventrés. Vous y jouissiez d'une vue imprenable sur toute la gamme colorée des boissons sucrées faisant les délices d'une armée de guêpes vrombissantes sur la musique peu symphonique de différents transistors. A hauteur des imposants arrière-trains participant à ces agapes, vous pouviez témoigner en faveur de la solidité du matériel que vous vous étiez obstiné à refuser. Quant à la mer, vous la voyiez plus tard, beaucoup plus tard, quand la nuit tombait Eh bien, cela a changé ! Sous nos serviettes et nos parasols, un sable pur et propre La plage enfin redécouverte. Envolés, les coupe-choux, la « musique » criarde. La mer, révélée, offerte dans son immensité splendide, une image que l'on croyait perdue à jamais. Retrouvé, le plaisir simple des conversations amicales, des enfants qui barbotent sous vos yeux sans danger, des lentes déambulations le long de la grève, de la douceur de l'air marin par une chaude après-midi d'été. Que le bonheur est simple ! Tout n'est certes pas réglé. Il y a encore des progrès à faire. Peut-être finira-t-on par réaliser qu'il n'est pas absolument indispensable de maintenir une population de sacs en plastique en suspension dans l'eau claire. La même remarque vaut pour les tessons de bouteilles qui s'obstinent à accompagner l'estivant dans sa descente. Si c'est pour faire couleur locale, il y a sans doute mieux ! Il y a aussi le parking. On y retrouve (sans vraiment de nostalgie) l'ordre des choses d'avant. Sitôt garé, un individu patibulaire se plante devant votre voiture en vous considérant avec la même « amabilité » que si vous étiez l'assassin de ses père et mère. C'est 150 dinars, décrète-t-il, sans prendre la peine de vous indiquer le service qu'il compte vous rendre en échange de cette obole. Pour faire « régulier », il a un carnet de tickets à souche, de ceux qu'on trouve chez le plus obscur des libraires. Le carnet en question est moins convaincant que la mine de celui qui l'agite sous votre nez. Là, pas moyen de tergiverser : il faut payer. Autrement, vos pneus pourraient en pâtir. Peut-être que la mairie de Bousfer, la wilaya d'Oran, la force publique, les commandos aéroportés, la menace d'une explosion nucléaire pourraient aider à résoudre ce minuscule problème ?