Dans notre pays au climat semi-aride, voire aride dans la majeure partie, la survenance d'inondations ne peut-être qu'un paradoxe, mais quand cela se produit, l'impact est dramatique autant sur les personnes que sur les biens. Si certaines régions, comme la capitale ou l'est du pays, sont concernés par ce risque, tout le territoire est, en définitive, sensible à ce genre de catastrophes naturelles : Bordj Bou-Arréridj (1994), Bab El-Oued (novembre 2001), Adrar (octobre 2004 et janvier 2009), Bechar (2008), Ghardaïa (2008) et Biskra (2009) ont en fait les frais et leurs habitants ont gardé, à ce jour, des séquelles indélébiles. En conséquence, la problématique des inondations doit être, à l'orée de cette basse saison, une priorité pour le gouvernement et, par extension, une urgence pour les walis qui seront en conclave dès ce vendredi. Les communes, quant à elles, seront au premier plan en termes de prévention, d'intervention et de secours aux populations menacées par ces catastrophes naturelles. Se sont-elles, pour autant, préparées à ces échéances ? La réponse nous a été donnée, en partie, par un responsable du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales qui avait fait la déclaration suivante : « Quelque 600 communes sur les 1541 que compte le pays nécessitent des opérations de mise à niveau en matière de moyens d'intervention et de lutte contre les risques majeurs ». Edifiant, n'est-ce pas ? Le même responsable, poursuivant son propos, a ajouté : « Les inondations survenues à Bechar, par exemple, auraient pu être évitées si l'on avait pris la précaution de curer et de nettoyer l'oued qui traverse la ville !» Citant des recommandations onusiennes, le même responsable à tenu aussi à rappeler que « l'investissement dans la prévention des risques représente 1/10 des pertes, selon des analyses chiffrées, et s'agissant des inondations survenues dans le pays depuis les années 2000, le coût des dégâts est estimé à 2700 milliards, dont 200 milliards ont été consacrés, en 2012, à Ghardaïa, Bab El-Oued et Bechar ». Autrement dit, les multiples plans d'action visant à protéger les villes algériennes contre, notamment, les inondations sont restés lettre morte, tout comme les BMS (bulletins météo spéciaux) émis en pure perte à voir la réaction de certains walis et autres maires qui ne prennent pas les dispositions préventives qui s'imposent en matière d'alerte ou de réquisition des moyens d'intervention et de secours ! Et pourtant, nos maires, du temps de Noureddine Zerhouni, avaient bénéficié d'une formation de 5 semaines à l'Ecole Nationale d'Administration, en matière de management opérationnel et de gestion des risques. A son époque, ce responsable, n'avait d'ailleurs, de cesse de dire que « les communes devraient fonctionner comme des entreprises ». C'est dans cet objectif qu'il avait décidé de les doter de tous les équipements et autres engins à même de leur permettre tout d'abord de suivre et de réaliser leurs projets d'équipement et de développement local, mais aussi, en cas de besoin, pouvoir intervenir pour dégager les voies de circulation et réaliser les opérations de secours ». Rappelons à ce propos que les engins et véhicules ont été acquis auprès de la SNVI de Rouïba, sur instructions fermes de Si Yazid, soucieux qu'il était de donner un « plan de charge » à cette entreprise publique qui battait sérieusement de l'aile ! L'homme, en visionnaire qu'il était, et c'est le cas de le dire, n'a pas attendu que le slogan « Consommons algérien » fasse florès, ici et ailleurs, pour le mettre lui-même en pratique ! Sa politique des collectivités locales ne s'est pas arrêtée là, car en plus de ces dotations importantes et combien utiles, les 1541 communes du pays ont bénéficié du renforcement de leurs ressources humaines d'encadrement grâce à l'apport de cadres techniques de haut niveau : 1000 architectes et ingénieurs ont été, ainsi, recrutés et déployés dans les collectivités locales. Que sont-ils devenus depuis ? Le ministère de l'Intérieur gagnerait à mener sa petite enquête : allez savoir dans quel placard ils ont été enfermés par certains de nos édiles connus pour être réfractaires à tout ce qui symbolise l'intelligence et l'innovation ! Aujourd'hui, force est de constater qu'en l'absence de toute stratégie d'intervention des communes à moyen et à long termes, les mêmes erreurs et les mêmes défaillances se reproduisent de manière cyclique, avec leur lot de drames humains et de dégâts matériels comme à Bordj Bou-Arréridj cette semaine, Constantine, au Khroub et Ali-Mendjeli où il y a eu mort d'homme ! Même le Sud n'a pas été épargné par les éléments, à Adrar et In Salah notamment où les populations n'ont dû leur salut qu'en fuyant hors de leurs habitations qui se sont effondrées. Le laisser-aller, l'absence parfois de plans Orsec et les interventions conjoncturelles d'un personnel non formé pour la circonstance aggravent la situation, quand la catastrophe se produit. Les opérations d'entretien préventif, quand elles ont lieu, ne doivent pas, en principe, s'inscrire dans un calendrier saisonnier, dans la mesure où les calamités sont imprévisibles, n'ont cessé de répéter tous les spécialistes de la question qui, par ailleurs, font remarquer qu'en matière d'intervention, la coordination interministérielle doit revêtir, obligatoirement, un caractère intersectoriel, ce qui n'est pas souvent le cas et les résultats s'en ressentent. Il y a aussi le manque d'informations concernant la consistance et l'état des moyens à mobiliser à l'échelon national et aussi des ressources humaines à réquisitionner quand la catastrophe touche une ou plusieurs wilayas, ce qui laisse perplexe les responsables en charge de coordonner les secours, en l'absence d'un fichier central informatisé et mis à jour par le ministère de l'intérieur. Dans ce registre, un responsable du ministère des Ressources en Eau avait annoncé, il y a quelque temps, qu'un Plan national de protection des villes contre les inondations avait été établi, dans le cadre d'une stratégie allant jusqu'à 2030 ». Pourquoi n'a-t-il pas été vulgarisé, rendu public ou diffusé dans les collectivités locales ? La question reste sans réponse. Plus encore, on a entendu parler « d'une étude sur le phénomène des inondations en Algérie et les moyens de réduire leur impact », financée par l'Union européenne pour un coût de 1,2 million d'euros, qui sera, a-t-on dit, bientôt lancée et ses conclusions devaient être rendues publiques courant 2015. On y est et c'est peut-être le moment de la mettre en pratique ou pour le moins l'exhumer ! Simples effet d'annonce ou projets concrets, toujours est-il qu'au jour d'aujourd'hui, les inquiétudes demeurent et l'esprit des citoyens est encore hanté par : 1. Les inondations de Bab El-Oued (10 novembre 2001) et les torrents de boue qui se sont déversés dans l'oued principal du Frais-Vallon faisant 1000 victimes et aucun responsable n'a été inquiété ! 2. Celles de Ghardaïa en 2008, quand des pluies diluviennes se sont abattues sur la région pendant 48 heures. En amont, elles ont trouvé comme réceptacle des oueds et de là, les eaux ont déferlé, débordé et emporté tout sur leur passage, à travers huit communes, dont celle située dans la vallée du M'zab, Ghardaïa ! Le bilan s'est soldé par 49 morts, des dizaines de blessés et autant de personnes traumatisées. Aucun responsable n'a eu à rendre compte ! Les autorités locales ont été très vite débordées par la catastrophe. Même si, par la suite, l'Etat, faut-il le dire, a mobilisé tous les moyens ainsi que ceux des autres wilayas solidaires dont les premiers convois de médicaments, couvertures et autres produits de consommation ont été acheminés, en urgence, à destination du M'zab et des communes sinistrées. Tout était à reconstruire à Ghardaïa où 3000 maisons ont été endommagées tout comme les vestiges historiques qui, semble-t-il, ont été définitivement perdus; les inondations ont détruit les cultures, mais également les commerces dont seulement 5 propriétaires sur les 500 recensés étaient assurés, pour dire que les citoyens se passent, non seulement, d'assurance pourtant obligatoire comme la CATNAT, mais n'hésitent pas aussi à se débarrasser de leurs gravats, au nez et à la barbe des autorités communales, n'importe où, ce qui a pour effet de boucher toutes les conduites d'évacuation, d'aggraver la situation et partant, alourdir le bilan de la catastrophe ! En un temps record, Ghardaïa pour cette fois-ci, a été bien pris en charge ! Un budget de 4 000 milliards de dinars lui a été alloué ; 20 725 chalets préfabriqués y ont été installés et 2 000 logements sociaux ainsi que 3 000 logements ruraux ont été construits et affectés aux sinistrés, sans exclusive ! Pouvait-on dire pour autant que cela a été suffisant pour effacer cette catastrophe des esprits ? Non, ont dit certains, élus de leur état, qui précisent « qu'il y a eu une responsabilité humaine, par exemple, dans les inondations qui ont touché Ghardaïa ! » ; selon eux, « l'effondrement d'une retenue collinaire construite en 2005 à l'oued Laadhira, dans la région de Djaref, à 20 km du chef-lieu de wilaya, serait à l'origine de cette catastrophe, les normes requises n'auraient pas été respectées dans la construction de ladite retenue, faite en gabionnage ». Cette accusation, faut-il le rappeler, n'a pas été prise en compte par les pouvoirs publics ! Faut-il alors considérer le dossier clos et ne retenir que le « déchaînement des éléments » comme responsable de ce qui s'est passé à Ghardaïa, mais aussi à Bab El-Oued, à Chlef ou encore à Boumerdès où des cités « flambant neuves » se sont affaissées suite aux séismes, telles des châteaux de cartes, sans que la responsabilité des promoteurs, du CTC ou encore d'autres décideurs locaux ne soit engagée ? Peut-être bien, contrairement à ce qui s'est passé en France, par exemple, où il en a été autrement de la responsabilité d'élus poursuivis par la justice de leur pays dans l'affaire dite du « Procès Xynthia », la tempête qui a fait 29 morts dans cette station balnéaire de Vendée en février 2010. Le maire et son adjointe ont été mis en examen « pour avoir signé des permis de construire pour des maisons de plain-pied qui auraient dû comporter un seul étage, en raison du risque fort de submersion de la digue censée protéger les habitations ». Les victimes se sont même portées partie civile ! Les deux anciens élus « ont prétendu n'avoir pas pris connaissance du risque d'inondation, car celui-ci n'a jamais été, clairement, expliqué par les services de l'Etat, qui avaient, en outre, validé des permis de construire avant qu'ils ne soient autorisés par la commune ». Le jugement, après un réquisitoire des plus sévères, a été rendu le 12 décembre 2014 et les élus ont écopé de condamnations. En Algérie, pas de procès, encore moins de jugement car, en définitive, tout le monde est responsable mais personne n'est coupable dans ce type d'affaires ! Mais si, à Dieu ne plaise, il venait à se produire une quelconque catastrophe dans une région où on aurait fermé les yeux sur des habitations édifiées sur des conduites de gaz, ou des bâtisses construites dans des lits d'oueds, ou plus encore des travaux de réalisation ou de réfection bâclés par des entreprises non compétentes et qui auraient impacté, gravement, sur des citoyens ou leurs biens, chaque responsable, direct ou indirect, de cette situation aurait à répondre de sa gestion, pour ne pas dire négligence. Les walis se réunissent ce vendredi et l'occasion est propice pour le Premier ministre de les sensibiliser sur la crise économique qui est à nos portes mais aussi sur la nécessité de veiller à la protection des personnes et des biens à l'entame de cette saison automnale qui a annoncé la couleur en matière d'intempéries et de crues ! Et au ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales de les haranguer sur leur responsabilités et celles des maires en la matière et de profiter de la tribune pour leur rappeler deux dispositions du code communal qui leurs sont opposables : 1. La première est contenue dans l'article 145 qui stipule : « Toute décision prise par le président de l'Assemblée populaire communale, ne tenant pas compte des avis, dûment exprimés par les services techniques habilités, entraînant des préjudices au citoyen, à la commune et/ou à l'Etat, font encourir à son auteur les sanctions prévues par la législation en vigueur ». 2. La seconde est libellée dans l'article 147 qui précise : « qu'en cas de catastrophe naturelle, la responsabilité de la commune n'est pas engagée à l'égard de l'Etat et des citoyens s'il s'avère que la commune a pris les précautions prévues à sa charge par la législation et la réglementation en vigueur ». Voilà qui est dit. Et aux walis dont la carrière ne tient, peut être, qu'à un simple « BMS » non pris en compte, d'en tirer toutes les conclusions utiles !