Face à l'urgence imposée par les catastrophes, une des premières décisions prises par le gouvernement, en 2003, a été de confier à un comité national, composé de spécialistes et d'experts algériens et présidé par le ministre de l'Aménagement du territoire et de l'Environnement, Cherif Rahmani, la tâche de faire sortir le pays de cette situation dominée par le risque sismique. Les experts ont travaillé sans relâche et élaboré un important document-rapport que le Conseil des ministres a approuvé. Le document des experts consiste en des recommandations et des conclusions qui permettront, à l'avenir, de superposer la carte de développement et de peuplement et la carte des risques naturels. Il s'agit d'une approche en rupture avec la culture de l'urgence. Et pour mettre en application ces recommandations, le ministre de l'Aménagement du territoire a proposé, en 2004, la loi n° 04-20 relative à la prévention des risques majeurs et la gestion des catastrophes dans le cadre d'un développement durable. Ce texte de loi, étudié puis adopté par le Conseil de la nation, propose d'améliorer les textes législatifs et organisationnels en fonction des nouveautés qui interviennent. Il propose aussi que la nouvelle stratégie comporte, désormais, deux volets, à savoir la prévention des risques majeurs et la gestion des catastrophes. Cette loi est, certes, très importante du moment qu'elle prévoit la promotion de l'information et la généralisation de la formation dans les institutions scolaires et qu'elle impose l'étude de tous les risques et une préparation des plans d'intervention et de prévention. Mais, et il faut le dire, avec sa promulgation, toutes dispositions contraires à celles de cette loi sont abrogées. Heureusement qu'il est spécifié que les dispositions régissant les aspects liés à la prévention des risques majeurs demeurent en vigueur jusqu'à publication des textes d'application. Parce qu'il faut préciser que cinq ans après la promulgation, les textes d'application ne sont toujours pas connus ! Dans la nouvelle loi, la planification des secours pour la prise en charge des catastrophes, notamment celles résultant de la survenance de risques majeurs, dénommée «plans ORSEC», a connu des changements. Il est spécifié que selon l'importance de la catastrophe, les plans ORSEC se subdivisent en différentes catégories : des plans ORSEC nationaux ; interwilaya ; de wilaya ; communaux ou encore des plans ORSEC des sites sensibles. Ces plans peuvent se combiner, notamment lorsqu'il s'agit d'une catastrophe nationale. Reste à connaître les modalités de mise en place, de gestion et de règles particulières de déclenchement de ces plans ORSEC qui ne sont toujours pas fixées. La nouveauté de l'organisation des secours réside dans la composition du plan ORSEC en plusieurs modules visant à prendre en charge et à gérer chaque aspect particulier d'une catastrophe. Jusqu'à aujourd'hui, seuls les éléments de l'Armée nationale populaire (ANP) et la Protection civile sont chargés d'intervenir lors de catastrophe naturelles comme cela a été le cas lors des inondations de Bab El Oued ou encore du tremblement de terre du 21 mai 2003 à Boumerdès. Ces deux corps se retrouvent généralement chargés des secours mais aussi d'assurer la nourriture et l'hébergement des sinistrés. D'autres organismes interviennent, certes, mais cela provoque une certaine anarchie au point que personne ne sait plus qui est chargé de qui ou de quoi. Avec la loi de 2004, les choses reprennent leur place et chaque organisme a à sa charge une mission précise et claire. Il est ainsi précisé que l'organisation et la planification des opérations de secours doivent être conçues de manière à prendre en charge par ordre de priorité les segments d'intervention suivants : le sauvetage et le secours des personnes, la mise en place de sites d'hébergement provisoires sécurisés, la gestion rationnelle des aides, la sécurité et la santé des sinistrés et de leurs biens, l'alimentation en eau potable, la mise en place d'alimentation en énergie. Donc, avec la loi 2004, la Protection civile et l'ANP ne devront intervenir que lors de la phase dite d'urgence ou phase «rouge». La phase d'évaluation et de contrôle ainsi que la phase de réhabilitation et de reconstruction devront être prises en charge dorénavant par d'autres secteurs : les collectivités locales, le ministère de la Santé, les ONG, le ministère de la Solidarité nationale…. Il est regrettable que les textes d'application de cette loi ne soient toujours pas connus vu que ces derniers prévoient un système national d'alerte permettant l'information des citoyens quant à la probabilité ou à l'imminence de la survenance d'un aléa ou d'un risque majeur. Ce système d'alerte aurait pu, rappelons-le, éviter la catastrophe survenue à Ghardaïa. Dans la loi, des prescriptions particulières en matière de prévention des inondations sont prévues. Il s'agit d'un plan général de prévention qui doit comporter une carte nationale d'inondabilité précisant l'ensemble des zones inondables, y compris les lits d'oued et les périmètres situés en aval des barrages et exposés à ce titre en cas de rupture de barrage. Il doit comporter également les seuils, conditions, modalités et procédures de déclenchement des préalertes et des alertes pour chacun de ces aléas, ainsi que les procédures de suspension des alertes. A préciser par ailleurs que, dans le texte législatif, les risques industriels ne sont pas en reste puisque la loi oblige les institutions industrielles à étudier les risques possibles, à penser à tous les moyens de prévention et d'intervention possibles et à essayer de limiter les risques de pollution. Ces institutions sont toutes obligées d'élaborer des plans de secours et d'intervention d'urgence. Le texte prévoit aussi le phénomène de la désertification, qui n'est plus une menace uniquement pour la région des Hauts Plateaux, mais constitue, désormais, un danger pour les régions du Nord, surtout côtières, qui voient leurs superficies se dégrader. D'autres risques majeurs sont pris en charge par des dispositifs de prévention dans le texte de loi à l'exemple des feux de forêt, des risques radiologiques et nucléaires, des risques portant sur la santé humaine, des risques portant sur la santé animale et végétale, des pollutions atmosphériques, telluriques, marines ou hydriques ou encore des catastrophes dues à des regroupements humains importants. Il est clair qu'avec la promulgation d'une telle loi, l'Etat vise à prévenir et à prendre en charge les effets des risques majeurs sur les établissements humains, leurs activités et leur environnement dans un objectif de préservation et de sécurisation du développement et du patrimoine des générations futures. En décidant d'aller vers une prévention, qui entre dans le cadre du développement durable, il démontre son souci de constituer un système global, mis en œuvre par les institutions publiques et les collectivités territoriales dans le cadre de leurs compétences respectives, en concertation avec les opérateurs économiques, sociaux et scientifiques, et en associant les citoyens. Les textes d'application, une fois connus et les responsabilités de chacun, une fois définies, il restera à savoir si ce mécanisme va fonctionner sans qu'aucun grain de sable ne vienne faire grincer ses rouages. H. Y.