En cet été chaud sur maints fronts où ceux qui se permettent une virée touristique en dehors de nos frontières, même si le dinar fond, il est peut être utile d'effectuer une excursion virtuelle vers d'autres lieux, entre pantouflards ou profanes, façon d'avoir une idée sur la place des langues, de comparer, même si comparaison n'est pas toujours raison, et d'espérer que nos compétences scientifiques et non pas nos hommes politiques, s'expriment publiquement, pour nous éclairer sur des questions liées à la problématique linguistique, car pour l' instant, seule une poignée de spécialistes s'est manifestée. Est-ce à dire qu'il n'y en a pas d'autres, dans nos nombreuses universités, sous d'autres cieux, et dans nos centres de recherche ? Pour commencer l'excursion, il est clair que l'arabe est un élément de notre patrimoine. Plus que cela, il existe des chaires de langue et civilisation arabes en France, en Israël, en Allemagne, aux Pays-Bas et ailleurs dans les pays du Nord, où la création de certaines remonte à plusieurs siècles. Du côté de nos cousins, la langue arabe et l'hébreu sont des langues officielles, même si elles ne sont pas logées à la même enseigne. Mais, depuis la rentrée scolaire 2011, les cours d'arabe sont obligatoires dans le primaire en Israël, tout cela par nécessité stratégique, et non par amour fou envers nos frères Palestiniens, l'hébreu contrairement à l'arabe étant d'un usage géographiquement et numériquement limité. Pour l'ONU, l'anglais, l'arabe, l'espa-gnol, le français, le mandarin et le russe, cités par ordre alphabétique, sont des langues officielles, car les plus largement comprises dans le monde. Même là où certaines ne sont pas parlées spontanément, tel l'arabe classique. Oui, pas spontanément. Comme en Algérie. Comme dans tous les pays de la sphère arabo-islamique. Et si tous les travaux et débats à l'ONU sont retranscrits dans ces six langues, seuls l'anglais et le français sont considérés, dans cette organisation, comme langues de travail, c'est à dire de moyens de communication, pour la rédaction et la conversation usuelles. Puis, selon les estimations, il existe environ 6000 langues dans le monde. Nous pouvons donc affirmer que si l'ONU a officialisé six langues en son sein, c'est qu'elles ont toutes les six, le meilleur poids, comparativement à des milliers d'autres. D'autre part, nous pouvons nous in-terroger sur le niveau éducatif ou de développement et son éventuel rapport avec l'agencement linguistique dans des pays, dont ceux anglophones en particulier. Notons alors que tous les pays où l'anglais fut une langue coloniale, ont très probablement conservé celle-ci en tant que langue officielle ou d'enseignement, ou de langue véhiculaire très présente. Et si nous nous limitons aux pays arabo-islamiques du Proche et Moyen-Orient, où la langue officielle est l'arabe classique, ils utilisent tous, sans exception aucune, à grande échelle, les dialectes locaux et l'anglais. Et parmi les pays arabo-islamiques seulement quatre figurent dans le classement PISA 2012, avec en tête les Emirats arabes unis (EAU), suivis de la Tunisie, la Jordanie et le Qatar. Les Emirats arabes unis, ce pays de 9,35 millions d'habitants, où l'anglais est largement présent comme langue véhiculaire et comme langue d'enseignement, dans ses meilleures écoles et universités. Faisons une escale du côté du groupe des BRICS, c'est à dire un pays émergent qui n'est autre que l'Afrique du Sud. Ainsi, avec ses 50 millions d'âmes, le pays de Mandela comprend onze langues officielles, avec l'anglais dominant, suivi de l'afrikaans, et de neuf langues maternelles. Que retenir alors ? L'anglais aux Emirats arabes unis et en Afrique du Sud n'a pas été négligé. De même pour l'afrikaans chez Mister Mandela. En somme, les langues coloniales s'imposent. Alors autrement dit : colonisable, tout colonisé ou ex colonisé n'a pas choisi ses colonisateurs. Il s'agit donc de différencier entre le colon et sa langue. Ne pas rejeter une langue parce que c'est celle du colon ou de l'ennemi. Et, pour revenir au bercail, c'est ce qui a été intentionnellement injecté dans la petite tête de nos enfants, par notre école, pour le français, ce qui ne leur a pas permis pour autant d'améliorer leurs connaissances en langue arabe. A cet effet, il faut relever une aile radicale (car il en existe au moins une autre) qui nous propose de démolir l'usage du français pour le transplanter par l'anglais, au motif séduisant et vrai, que c'est la langue scientifique par excellence. Et aucun politique n'a réagi à cette exigence démagogique de démolition/transplantation. N'oublions pas également que cette langue est pratiquée par la communauté algérienne immigrée la plus importante, celle qui réside en France, au nombre d'au moins cinq millions ( estimation 2012) dont 23.000 étudiants (2015), ces chiffres n'incluant pas la troisième génération et les suivantes, ni l'immigration illégale, ni les harkis et leurs descendants. Il ne s'agit pas de négliger la pratique de l'anglais en Algérie, surtout qu'elle est indispensable pour des études supérieures poussées, donc pour une élite, donc une minorité. Mais la langue française, plantée chez nous depuis bientôt deux siècles et ayant des racines, il est raisonnablement, objectivement, financièrement et matériellement plus rentable d'améliorer son enseignement, pour encadrer des disciplines à l'université que de tout angliciser. Ainsi, avec des réformes éducatives où la politique politicarde est évacuée, et où seule la compétence prime, on peut espérer la maitrise d'au moins les trois langues que sont l'arabe, le français puis l'anglais, par nos bacheliers .Et c'est déjà beaucoup. On pourrait peut- être ajouter que les EAU disposent de quatre lycées français, à l'instar d'autres pays arabes du Proche et Moyen-Orient où l'anglais est la langue coloniale. Et d'ajouter qu'aux EAU, il existe également une université francophone de type public appelée Université Paris-Sorbonne-Abou Dabi. Sinon, le multilinguisme est une richesse, opposer donc les arabophones aux francophones, relève d'un débat clos et faux. Je vérifie cela à l'université puisque des arabophones enseignent en français et inversement, selon les disciplines enseignées et puisque nos grands écrivains et des journalistes ont des affinités indépendantes de la langue d'écriture. Je le vérifie quand je constate que des intellectuels dont des écrivains, décédés ou encore en vie, jonglent avec les deux langues, l'arabe classique et le français et quand les recommandations de la conférence sur l'école ont été soutenues par des francophones et des universitaires parfaitement arabophones et connus qui se sont publiquement prononcés. Et je le vérifie, parce que tout simplement, ceux qu'on appelait les francophones, sont aujourd'hui minoritaires, aussi bien à l'université que dans d'autres secteurs d'activité, sinon en retraite pour beaucoup d'entre eux. Enfin, beaucoup de nos aînés ont libéré le pays, en usant d'une arme puissante, celle de la langue, celle de Victor Hugo notamment. Concernant tout débat, il doit tout d'abord respecter des formes, pour pouvoir traiter sereinement le fond sur lequel il peut y avoir des désaccords, et c'est normal comme disent les jeunes. Et là aussi, aucun homme politique n'a apparemment réagi au viol des formes du débat qui devait être recadré. S'accommoder des formes bafouées et ne pas les désapprouver, comme feindre d'ignorer les incessantes injures auxquelles est soumise madame Benghabrit depuis sa nomination, cela est injuste. Reprocher à la ministre une ou des imperfections, même vraies, et juste pour l'enfoncer encore plus, puis la rendre responsable d'un tintamarre, cela n'est pas objectif. Attribuer également la paternité des recommandations sur l'école, uniquement à une personne, alors qu'elles sont le fruit des groupes de travail, lors de la conférence sur l'école, cela n'est pas objectif. Si une quelconque recommandation est contestable, il s'agit de la démonter par des arguments, pas par des réactions épidermiques. Je suis donc plus rassuré en écoutant des hommes de science que des politiques. Pour ce qui est donc des langues maternelles qui existent de facto et cette recommandation « chahutée », il est précisé qu'il ne s'agit pas d'enseigner la derja, mais d'enseigner en derja. Juste en début de scolarité, pour un accompagnement de l'enfant. Si cette mesure permet d'améliorer les compétences scientifiques et linguistiques de nos élèves, pourquoi la contester et s'en effrayer? Maintenir donc le statut quo ne nous fera pas avancer et ne fera que reporter un problème, pendant que d'autres nations avancent en sciences. Dès lors, les jeunes continueront à parler, écrire comme ils l'entendent dans un système de communication fabriqué par eux-mêmes et incontrôlé qui va les amener à n'assimiler aucune langue, notamment l'arabe scolaire, dans cette école qui a détruit toute motivation à nos enfants. Et puis les enseignants algériens continueront, dans tous les cycles de l'éducation, à utiliser le dialectal avec leurs élèves, comme au niveau de la sphère arabo-musulmane. Et les « défenseurs » de l'arabité, ceux notamment dont les enfants ne sont pas scolarisés dans nos écoles publiques, ou ceux ayant deux pieds, un sur chaque rive de la Méditerranée, et qui viennent nous causer constantes nationales et patriotisme, s'exprimeront surtout ou en dialectal. Et nos respectables académiciens de la langue arabe, continueront tous, chez eux, entre eux et dans d'autres lieux à s'exprimer spontanément, c'est à dire en dialectal. Enfin, quand pour faire mouche, pour mieux communiquer avec les Algériens, nos hommes politiques les plus en vue, dont des chefs d'Etat, dans quelle langue alors se sont-ils exprimés ? Au passage, le taux d'alphabétisation relevé en 2014 est de 86 %. Il y a donc un grand malaise. En dehors d'un dicton populaire bien de chez nous et connu par tous, un autre affirme qu'on ne peut cacher le soleil avec une main.