Bien que le Conseil de la concurrence jouisse aujourd'hui de larges prérogatives en tant qu'un acteur dans la régulation du marché, cette autorité « autonome » n'a pas encore engagé une enquête sur la hausse des prix « injustifiée» des produits alimentaires dont les cours connaissent une baisse sur les marchés internationaux. Les raisons de cet immobilisme est simple, le Conseil de la concurrence n'a reçu de plainte ni de la part du ministère du Commerce, ni d'une association des consommateurs, ou une association professionnelle ou syndicale, ni d'un agent économique ou entreprise, comme le stipule la loi. « On attend le dépôt de plainte, car rien ne nous empêche de contrôler ou d'enquêter sur ce sujet, bien que notre pays dispose d'organismes spécialisés en la matière», dira le président du conseil, M. Amara Zitouni, lors d'une conférence de presse animée hier à l'hôtel Aurassi. Mais, il y a, semble-t-il, des conditions à respecter. «La dénonciation ou la plainte doit être accompagnée d'un dossier contenant des détails vérifiables et des preuves tangibles. Autrement dit, un dossier très bien argumenté ». Faut-il le rappeler, le conseil de la concurrence a été créé dans le but de stimuler l'efficience économique et améliorer le bien-être des consommateurs. Il est habilité à analyser des marchés dans le domaine de la concurrence, la réalisation et du suivi des enquêtes sur les conditions d'application des textes législatifs et réglementaires liés à la concurrence, et ce dans l'ensemble des secteurs. Le conseil adresse un rapport annuel d'activités à l'instance législative (APN-Sénat), au Premier ministre et au ministre chargé du Commerce. Au-delà des missions de contrôle et de sanction contre les pratiques restrictives à la concurrence, le conseil est chargé d'une mission consultative. Il donne son avis sur toutes les questions concernant la concurrence. Il entreprend des enquêtes, des études et des expertises. Le conseil de la concurrence s'est penché sur trois principaux dossiers dans lesquels il a fait part de son avis, durant l'exercice 2014. Le président du conseil, Amara Zitouni, a cité le dossier relatif à l'acquisition de 51 % du capital de la Société Orascom Telecom Algérie par l'Etat. Il a affirmé que son conseil a été sollicité par le Fonds national d'investissement et Global Telecom Holding (S.A.E) pour un avis sur les risques relatifs à la concurrence. La réponse du conseil a été reprise par le directeur : « Le conseil de la concurrence ayant fait preuve de discernement entre la participation dans le capital et la cession des parts de marché, ainsi que l'existence des trois opérateurs de Téléphonie mobile dont aucun ne dispose a priori d'une position dominante ». Le conseil a été également sollicité par l'association des concessionnaires automobiles et leur agents agréés d'Algérie (AC2A) au sujet de la conformité des statuts, règlement intérieur et la charte déontologique avec les dispositifs relatifs à la concurrence. Et par l'autorité de régulation des postes et de télécommunication (ARPT) qui voulait avoir un avis sur une plainte introduite par la SARL « SERI » contre Algérie Telecom auprès du conseil de la concurrence. Le directeur a indiqué que le gouvernement a sollicité dernièrement le conseil de la concurrence sur le projet des licences d'importation. «L'exécutif veut s'assurer s'il n'y aura pas d'impact négatif sur le plan de la concurrence». M. Zitouni a précisé que le conseil est consulté aussi sur tout projet de texte législatif ou réglementaire touchant à la concurrence. Concernant les missions de contrôle et de sanction, notre interlocuteur a affirmé que son institution a traité une vingtaine d'affaires portant sur des pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de la concurrence. La prédominance des infractions porte sur des affaires de comportements monopolistiques susceptibles de constituer des abus de position dominante ( 8 affaires du genre traitées). Et d'autres portent sur des affaires où les offres de prix ou pratiques de prix de vente abusivement bas. Le conférencier a reconnu que le nombre relativement bas des saisines « ne peut refléter la réalité des pratiques anticoncurrentielles qui sévissent sur le marché national, mais il donne les premiers signaux indiquant la présence potentielle de comportements monopolistiques susceptibles de constituer des abus de position dominante, tant de la part d'entreprises privées ou publiques». Avec réserve, le directeur du conseil a annoncé que son organisme est en train d'effectuer une étude thématique sur le marché, sans citer le domaine ou le produit ciblé. Il a évoqué le marché du ciment, mais sans confirmer si l'enquête porte sur ce produit ou d'autres. Il a précisé dans ce sens que la publication des résultats suscitera certainement des remous. Le conférencier a regretté par ailleurs l'ignorance des entreprises algériennes des règles et pratiques concurrentielles. «Certaines entreprises algériennes ignorent totalement notre existence», a-t-il avoué en précisant que le conseil est beaucoup consulté par des entreprises étrangères. «On a été sollicité par Lafarge, Sanofi et Renault et par d'autres groupes étrangers. Ils se rapprochent de notre organisme car le conseil de la concurrence dans leurs pays respectifs est très valorisé, et les lois de la concurrence sont mieux respectées et les règles de grande importance ». Le même responsable a saisi l'occasion encore une fois pour rappeler que le conseil est toujours sans siège propre à lui. «On travaille avec 30 éléments dans un espace très réduit au sein du ministère du Travail, alors que nous avons besoin de 150 éléments, mais on n'arrive pas à recruter en l'absence d'espace». Il a également soulevé le manque de moyens, l'absence de magistrat et avocat et surtout les incohérences et les contradictions relevées dans la loi régissant le conseil. «On veut une loi qui approche les standards internationaux, ne serait-ce que par rapport à nos voisins Tunisiens et Marocains », a-t-il réclamé.