Les institutions et autorités de régulation économique et d'exercice de la concurrence sont «inopérantes» en Algérie. Le Conseil de la concurrence, qui a eu à traiter une vingtaine d'affaires portant sur des pratiques anticoncurrentielles ou restrictives de la concurrence, n'écarte pas le risque de «comportements monopolistiques susceptibles de constituer des abus de position dominante, tant de la part d'entreprises privées que publiques». Cherif Bennaceur - Alger (Le Soir) Les institutions et autorités de régulation économique et d'exercice de la concurrence (au nombre de 8 en Algérie) sont «inopérantes», relève Mme Mahtout, Maître de conférences à la Faculté de droit à l'Université de Tizi-Ouzou. Intervenant lors d'une journée d'études organisée hier à la Résidence El-Mithak par le Conseil de la concurrence (CC), cette universitaire, qui a évoqué dans sa conférence «le rôle d'une économie régulée dans la performance et la compétitivité des entreprises», a expliqué cette inopérance par «le manque de moyens», notamment financiers, ainsi que par le «manque d'autonomie» par rapport aux pouvoirs publics. Un manque d'action qui caractérise ainsi le Conseil de la concurrence, institué dès 1995 mais resté inactif durant plus d'une décade avant d'être relancé dès janvier 2013. En ce sens, Mme Mahtout notera qu'en matière de régulation, l'Algérie est «très en retard», dans la mesure où le principe de liberté de commerce et d'industrie n'a été consacré constitutionnellement qu'en 1996. Mais aussi dans le contexte où la culture de la concurrence reste faible en Algérie, pour des raisons d'ordre social, sociétal et d'«habitudes», selon ce maître de conférences même si elle concédera que la régulation n'est qu'au stade «du début». En outre, cette inopérance, ce retard s'accompagnent par «les incohérences des textes», les hésitations, voire l'«hésitance» institutionnelle, la méfiance des pouvoirs publics mais aussi des entreprises. Une analyse sur la régulation que le président de l'Association des producteurs algériens de boissons (Apab), Ali Hamani, partagera, évoquant «une situation difficile» en raison de «déséquilibres» constatés dans le domaine du commerce extérieur et de la prégnance de l'informel. Pour autant, la diffusion de la culture de la concurrence et la lutte contre les pratiques restrictives de la concurrence, sont des missions que le CC entend assumer pleinement, assure son président Amara Zitouni qui précise que son instance «est en train d'apprendre», développe une vocation d'«advocacy» (plaidoyer) en faveur d'une pratique économique, concurrentielle et entrepreneuriale saine et a engagé un «audit» de la réglementation algérienne en partenariat avec la Cnuced. Engagé dans une intense activité consultative et juridictionnelle en 2014, le CC a eu ainsi à donner son avis, généralement positif, dans trois dossiers (opération d'acquisition de 51% du capital de la société Orascom Telecom Algérie, la conformité de la réglementation interne de l'Association des concessionnaires automobiles d'Algérie AC2A ainsi qu'une plainte introduite contre Algérie Télécom et son traitement par l'Autorité de régulation de la poste et des télécommunications). Par ailleurs, le Collège du Conseil de la concurrence a traité une vingtaine d'affaires, introduites durant l'année 2014 et dont la plus grande partie remonte à la période d'avant 2013. Notons dans ce cadre que 40% des saisines, soit 8 affaires, portent sur des abus de position dominante, 15% (3 affaires) sur des offres de prix ou pratiques de prix de vente abusivement bas, 10% (2 affaires) concernent l'exploitation abusive de l'état de dépendance et 5% (une seule affaire) portant sur une entente illicite. Le Conseil cite également deux affaires, soit 10%, de pratiques commerciales déloyales, trois affaires (15%) de violation du code des marchés publics et une affaire de demande d'attestation négative. A ce titre, le Collège du CC a pris quatorze décisions de rejet dont deux concernent la demande de mesures provisoires, quatre décisions d'irrecevabilité, une décision de sanction pécuniaire et une décision d'absence de fondement juridique relative à une demande d'attestation négative. Ce faisant, le nombre relativement bas des saisines, estime-t-on, ne reflète pas la réalité des pratiques anticoncurrentielles qui sévissent sur le marché national. A contrario, le Conseil de la concurrence estime que ce bilan «donne les premiers signes indiquant la présence potentielle de comportements monopolistiques susceptibles de constituer des abus de position dominante, tant de la part d'entreprises privées que publiques». Une assertion que l'institution explicitera par le fait que 55% des saisines concernent l'abus de position dominante avec un taux de fréquence de 40% et l'exploitation abusive d'une situation de dépendance (soit un taux de 10%).