«Si Oran a été choisie pour les Jeux Méditerranéens de 2021, c'est par rapport à son cachet architectural méditerranéen et son vieux bâti, la vraie âme d'Oran ou du moins ce qui en reste d'elle, qui a été décisif dans le classement de notre belle Oran, d'où l'importance de conserver ce patrimoine. Au Maroc, le tourisme représente à lui seul presque 9% du PIB; nos amis marocains ont donc saisi le truc, ils te disent que « Fès el Ekdim yekhdem aala Fès ejdid », c'est-à-dire qu'en matière de tourisme, le vieux Fès est plus rentable que le nouveau ». Oran la radieuse, Oran la joyeuse n'est plus celle que l'on connaissait jadis, elle a grandi, terriblement grandi, mais de quelle façon ? Le béton, et oui, toujours lui, le premier et dernier coupable ! Il y fait sa loi. Comme un cancer métastatique, il se prolifère anarchiquement, il bouffe les assiettes foncières du littoral, du centre-ville, il asphyxie le paysage et rien ne semble lui résister. Des assiettes qui pouvaient être aménagées d'une façon futuriste et plus intelligente. Des cités telles que 'El Akid Lotfi'' ou les ghettos réalisés à Haï Essabah, El Yasamine ou Haï El Nour, etc., en sont un exemple frappant. Un mélange d'architecture complémentent désordonnée, incohérente, avec en plus des malfaçons qui sautent aux yeux et qui témoignent de ce très mauvais goût architectural, une marque d'urbanisme de très basse gamme. Oran sans le vieux bâti n'est pas Oran ! Au centre-ville, le béton semble en marche; des monstres en béton s'érigent et viennent étouffer tout le paysage y compris les superbes édifices coloniaux d'à-côté qu'ils leur ont bouffé l'air et l'espace. Des anciens immeubles rachetés par des particuliers sont démolis, des villas garages prennent place avec des balcons saillants, qui cassent l'alignement, brisent l'harmonie architecturale du centre-ville et faussent son cachet authentique. Les sublimes portes en bois massif sont remplacées par de vulgaires portes en tôle noire, les superbes balcons en fer forgé et les façades garnies de gargouilles sont tout bonnement perdus à jamais. Aucun goût, aucun raffinement. C'est vraiment ahurissant ! Depuis 2003, par mes écrits, je n'ai cessé de crier au danger que court le vieux bâti du centre-ville oranais, de l'abandon et du délaissement des cinémas comme le REX de l'avenue Tlemcen, entres autres, qui s'effritent. Une OPGI, qui par manque de main-d'œuvre qualifiée, de moyens matériels et surtout, la contribution positive du citoyen, locataire ou copropriétaire à remettre de l'ordre dans ces immeubles et les gérer comme il se doit. Des édifices dont la structure fondamentale est endommagée. Des profilés de fer en »T» ou en «H» qui constituent l'essentiel des voûtes, des dalles, des planchers et des poutrelles se trouvent détériorés par la corrosion des eaux de pluie mais, surtout, par les infiltrations des eaux du lave sol quotidien qui, jour après jour, passent à travers le carrelage et usent la structure ferreuse de la dalle support. Ce vice caché est une menace pour la sécurité des habitants, car la dalle qui se trouve souvent occultée par un faux plafond risque de céder brusquement et sans crier gare. Des immeubles qui donnent l'apparence d'être bien conservés, en réalité sont structurellement effrités et doivent donc faire l'objet d'une évacuation, suivie d'une restauration approfondie, et non seulement une intervention de nature esthétique sur leurs façades, comme elle se fait actuellement. Ainsi, beaucoup d'immeubles classés rouges, et dont les façades méritent ce genre d'interventions, doivent être traités et récupérés afin de préserver le patrimoine architectural d'Oran pour les futures générations. Il faut dire la vérité; l'architecte algérien n'arrive pas à créer des centres-villes où il fait bon vivre, en plus, avons-nous vraiment des vrais urbanistes qui «pensent la ville» ? J'en doute ! « Mel guitone le béton », l'esprit paysan a fait ce qu'il voulait de nos villes, il a commis des massacres urbanistiques irréparables; des gens qui n'ont pas la moindre idée de comment doit être géré un douar, se retrouvent du jour au lendemain et par œuvre de magie politicienne, en train de gérer des villes de l'envergure d'Oran ou d'Alger. Cet esprit «déculturé» qui veut se venger d'un occupant qui n'est plus parmi nous, qui s'attaque donc au pierres que celui-ci a laissées derrière lui, qui n'a aucun respect pour son vieux bâti et ne le voit que ruines, oubliant que sans ces pierres, il n'y aura plus de villes, plus de boulevards. Naître à Oran, à Alger ou à Tiaret ne signifie pas être citadin et civilisé. «Ma ekhlaha we draha ghi ouled ebladha», comme dit l'adage populaire. Certes, il y en a ceux qui font leur boulot convenablement et ont le cœur brisé pour leur ville, ils font ce qu'ils peuvent dans la mesure de ce qui leur est permis, ces gens-là, je les salue de tout cœur et les encourage. L'environnement, le bien-être et la tranquillité du citoyen et sa sécurité ne trouvent chez eux aucun écho, ils ne veulent rien dire pour lui, c'est lamentable ! Cet état des lieux n'est pas propre à Oran, hélas ! C'est toute l'Algérie qui est en train de perdre son âme, s'effrite devant nos yeux, sans que nous puissions faire quelque chose. La mauvaise paysannerie nous impose son mode de vie, de culte et même la façon et où l'on doit être enterré après notre mort. Cette acculturation du citadin par le rural, qui a fini par «ruraliser» nos belles villes, s'est faite avec facilité, car il est bien connu que les bonnes manières s'apprennent via un travail d'éducation de longue halène, donc difficilement, contrairement aux mauvaises mœurs. Des édifices historiques abandonnés à leur triste sort. La forteresse de «Mers el-Kébir» érigée sur ordre du roi Philippe II et refaite en 1563 par l'architecte Joan Batiste Antonelli, et celui du 18e siècle fut Don Antonio Gaver, le principal architecte. Des superbes immeubles datés, dont les balcons faits en fer forgé et de balustrades qui n'ont rien à envier à ceux que l'on voit à Paris, à Barcelone ou à Madrid. De plus, c'est dans cette forteresse que le plat favori des Oranais, la karentica (la calientita en espagnol), c'est-à-dire la modérément chaude, a été improvisé par un cuisinier espagnol, lors du siège des troupes du bey de Tlemcen; les Espagnols n'avaient rien à mettre sous la dent. D'autres sources parlent de «Bordj Lahmar» ou encore Châteauneuf. Les Espagnols furent bloqués dans la ville jusqu'en 1708. En 1732, ils entrèrent de nouveau en Algérie à la suite de la victoire remportée à Aïn El-Turck par le comte Montémar, pour en sortir définitivement en 1792, suite au tremblement de terre qui détruisit Oran en 1790. Oran a choisi la modernité avec des immeubles flambant neufs, du vitré, du placage métallique plutôt que son histoire, son vieux bâti, son âme quoi ! Tout ce qui fait d'Oran Oran. Je crains que, finalement, Oran ne réussira ni l'un ni l'autre et c'est bien dommage !