L'école algérienne est devenue un vaste chantier. Un laboratoire. Et les élèves des cobayes pour des expériences nouvelles qui veulent gommer d'un trait un système vieux de presque deux siècles. C'est-à-dire depuis l'occupation française qui y a introduit son modèle d'éducation. En gros, l'école algérienne a donc toujours fonctionné selon les standards du modèle français autant dans la hiérarchisation des enseignants que dans la catégorisation des années scolaires. Fatalement, le système d'évaluation des connaissances de l'élève est basé sur une notation quantitative et non pas qualitative. Or, ce système d'enseignement diffère de l'anglo-saxon qui se base sur une évaluation plutôt qualitative des compétences de l'élève. Schématiquement, le système français se base sur une notation de 0 à 10 ou de 0 à 20. Ailleurs, comme pour les Anglais ou les Américains, c'est une évaluation différente. Les compétences de l'élève sont estimées de A à D. Or, ce que propose sans le dévoiler véritablement la ministre de l'Education nationale, c'est la migration vers le système anglo-saxon, appliqué également par les pays nordiques. Or, le problème pour les enseignants et les élèves réside dans la prise en compte psychologique d'un modèle inconnu et son introduction hâtive, rapide, à un moment où sont enregistrés des bouleversements successifs et parfois précipités dans le système éducatif algérien. Benghebrit veut aller vite et loin et, surtout, revoir en profondeur le fonctionnement de l'école algérienne. Le problème qui se pose autant pour les enseignants que pour les élèves est de savoir si ces réformes sont venues à temps corriger des imperfections ou si, au contraire, elles sont inoculées à petites doses pour, non pas rénover l'école algérienne selon les nouveaux standards, mais plutôt servir de tubes à essai pour des expériences, des projets, des desseins personnels. Comme pour gérer une conjoncture, quitte à ce que l'on revienne après à la période «anté», si l'expérience aura échoué. Avant Benghebrit, l'école algérienne avait connu d'amères expériences entre 1990 et 2010, avec l'introduction de plusieurs expériences plus désastreuses les unes que les autres. Au point que l'on parle aujourd'hui de dérive de l'école algérienne. Sinon, comment interpréter cette précipitation, en pleine période scolaire, à introduire un nouveau mécanisme d'évaluation des compétences des élèves, sans au préalable démocratiser le processus en consultant les enseignants sur le projet au lieu de les mettre dos au mur en leur soumettant un projet dont ils sont au départ exclus ? En réalité, si le projet de refonte du système d'évaluation des connaissances de l'élève, en passant de la note quantifiée (en chiffres) à celle qualitative (en lettres), est porteur de nouveautés, il n'en reste pas moins à l'état d'expérience, un projet que l'on impose à un système éducatif bâti sur d'autres principes qui, eux, doivent d'abord être rénovés, ou réformés. C'est comme si on donnait à un boxeur les gants d'un gardien de but. L'école algérienne a mal dans sa peau, a mal de ces changements brusques, rapides, intempestifs, peut-être juste pour satisfaire l'ego des uns et des autres. Laissant le fond du problème inexploré. Le danger, c'est de vouloir faire table rase de deux siècles d'enseignement «non-stop» selon le modèle de l'école française pour sauter sur un autre modèle inconnu ici, sans repères, et le mettre en pratique sans étapes d'adaptation, sans transition.