La révolution des textes de lois est bien là, mais il faudrait attendre encore l'évolution des esprits et des mentalités pour atteindre les «nobles objectifs» visés par le nouveau Code de procédure pénale (CPP), publié dans le Journal officiel le 23 juillet et passé au stade de l'application il y a tout juste une vingtaine de jours. Unanimes, les magistrats, les avocats et les services de sécurité (DGSN et Gendarmerie nationale), qui ont participé au séminaire organisé, hier à Constantine, autour de ce thème des nouvelles dispositions du CPP, ont reconnu que les libertés, les droits de la défense, les droits de l'Homme et l'état de droit ont été renforcés, mais tous ces acteurs intimement impliqués dans la consécration du nouveau texte de l'ordonnance portant Code de procédure pénale, n°15-02, datée du 23 juillet 2015, modifiant et complétant l'ordonnance n°66-155, datée du 8 juin 1966, qui a été publiée au J.O du 23 juillet 2015, restent sur leurs gardes. Sur le terrain, les différents intervenants sur ce champ sensible du dispositif pénal commencent à ressentir les embûches et les difficultés rencontrées dans la pratique courante de l'application des amendements introduits sur le CPP. Le bâtonnier régional de Constantine, Mostefa Lenouar, a plaidé pour «le dialogue, le débat et la sensibilisation» pour concrétiser les visées «hautement humaines» du nouveau CPP. «Il ne faut surtout pas se confondre dans la béatitude négative, réduire le nouveau dispositif à des statistiques et dire que c'est excellent, sans aller dans le fond de l'application de la nouvelle ordonnance», a-t-il considéré. Pour les magistrats et les officiers de la Police judiciaire, il faudrait surtout qu'ils soient à la hauteur en faisant valoir leurs compétences, estiment encore plusieurs avocats qui appréhendent sérieusement d'affronter la «médiocrité» ou des esprits «tordus» qui refuseraient de suivre cette «remarquable évolution» empruntée par l'Etat. Le débat a été, en tout cas, très riche et, surtout, très instructif. Beaucoup de questions ont été soumises par les intervenants, notamment l'épineuse démarche relative à l'assistance du gardé à vue par l'avocat. Les robes noires manifestent leur désaccord face aux règles qui «vident de leur sens» tout ce qui est recherché par les nouvelles dispositions du CPP. Pour la première fois dans l'histoire, l'avocat a le droit de pénétrer dans les commissariats pour assister son client, mais cette assistance n'aura aucun sens si elle intervient 48 heures après la mise en détention du gardé à vue dans la geôle du commissariat de police ou de la brigade de gendarmerie. Après 48 heures, le gardé à vue aura été «lessivé», estime à cet effet un avocat. Sur ce point, on apprendra que l'Union nationale des bâtonnats algériens (UNBA) se prépare à la riposte et la décision de «boycotter» cette assistance aux gardés à vue dans les commissariats est sérieusement envisagée. Même le droit du citoyen à l'information est «malmené» quelque part avec cet article qui «ligote» les officiers de la Police judiciaire. En effet, selon l'article 11, ces derniers ne peuvent rien divulguer aux médias sur des sujets dont les évènements touchent la sensibilité de l'opinion publique sans l'accord préalable du parquet. Pour rappel, les quatre grandes «nouveautés» introduites dans le nouveau CPP sont la comparution immédiate, la médiation et la mesure de placement sous surveillance électronique (PSE), dispositif plus connu sous le nom de « bracelet électronique ». Enfin, selon des sources bien informées, il y a lieu de relever que le ministre de la Justice, garde des Sceaux, a admis lors d'une rencontre avec les représentants de l'UNBA que l'application des nouvelles dispositions pourrait rencontrer des difficultés, soulignant dans ce sens qu'il faudrait enregistrer tous les obstacles et les présenter à la tutelle pour trouver les solutions les mieux indiquées.