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D'un 8 mars a un 8 mars, d'une fiesta a une autre
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 03 - 03 - 2016

Que dire encore de plus sur ce jour pas comme les autres. Les fêtes ne sont jamais innocentes. Ce qui est certain, c'est qu'il y aura celles qui vont s'amuser, celles qui vont pleurer et celles qui ne verront que 24h séparant le 7 du 9 mars. Si aucun malheur ne vient les frapper.
Quant au bonheur, elles ont cessé d'y rêver sauf façon « Le Meilleur des Mondes ». Merci pour le chapelet de satellites, madame est bien servie. Imaginons l'enfer au féminin si la télévision n'existait pas. Imaginons l'avenir des magasins et espaces commerciaux si la gent féminine cessait de les fréquenter. Bien qu'avec la chute des prix du pétrole, la fiesta s'annonce moins rentable. Les femmes seront visibles, c'est certain. Elles ne manifesteront pas leur joie avec des youyous aux autorités qui leur réservent en cette occasion l'oxygène des rues. Puisque les manifestations sont interdites, elles ne sauront jamais si elles auraient pu manifester leur reconnaissance au Rais pour avoir relooké le Code de la famille à l'image de la récente Constitution. Un service minimum payé d'avance au maximum. Que faire ? Faut-il se résigner et dire comme Camus : le ver est dans le cœur. De plus en plus, l'idiote perd son utilité.
On ne sait plus à quoi ça sert une femme à part perpétuer l'espèce. Ce maillon sans intérêt ne cache plus sa démission, sa lassitude, ses névroses quand elle ne sombre pas dans le mal de Parkinson. Entre Aristote et Freud, entre Avicenne et Galien, l'éternelle question : la femme n'est-elle pas « un acte manqué ? » (1) Pourtant, la science a fini par donner raison à Simone de Beauvoir : on ne nait pas femme, on le devient. Exemple, une expérience faite sur des bébés. Des chercheurs les déposent sur une table qu'ils inclinent progressivement. Les petits cobayes effrayés essayent de grimper pour éviter de tomber. Résultat : un taux de réussite égal chez les deux sexes. Avant de recommencer l'expérience en présence des mères, ils demandent à ces dernières leur pronostic sur les capacités réussite de leur bébé.
Quand c'est un garçon, la mère a tendance à les exagérer au minimum 65 %, pour les filles c'est l'inverse, maximum 35 %. La femme est déjà assassinée au berceau par celle qui l'a mise au monde. Pourtant, qui mieux que le corps maternel est témoin que l'absence du chromosome Y n'empêche pas le fœtus de fabriquer os muscles cervelle sans aucune aide. On soupçonne même que la différence de taille entre les deux sexes est due à une malnutrition millénaire. En règle générale notamment en temps de disette, la mère a tendance à favoriser le garçon. Privant ainsi sa fille d'éléments vitaux pour son développement. Plus petite, la femme est plus vulnérable notamment quand elle donne la vie. C'est le même principe qui a permis aux Japonais de jouir de forêts miniaturisées dans leur jardin. Voilà comment on transforme la moitié de l'humanité en fardeau pour l'autre.
La psychologie lie la violence à la dépendance.
Plus on dépend de quelqu'un plus on risque de subir sa colère. La démocratie s'installe là où le peuple dépend le moins possible de ses dirigeants. Ces derniers ont intérêt à éviter la violence s'ils veulent durer. En Algérie, la violence exercée par le Pouvoir sur la masse a généré celle de la masse contre elle-même.
Une boite de Pandore enceinte de son clone. Le sociologue algérien Slimane Medhar écrit : « Le milieu familial est animé d'une rare violence…garçons et filles sont très tôt incités à évoluer dans des espaces contigus. Les premiers sont régulièrement injectés à l'extérieur, les secondes sont souvent immobilisées dans la sphère d'influence domestique. Dès qu'ils sortent de l'enfance, leurs contacts sont accidentels, furtifs, superficiels… La hantise du sexe paralyse leurs échanges lorsqu'elle ne les incite pas à les sexualiser à outrance…La structuration sociale et l'agencement mental sont tels que le rapprochement masculin-féminin ne peut être suscité que par le désir sexuel dont la satisfaction n'est admise qu'après le consentement et sous le contrôle des groupes familiaux… » Pour combattre la violence sexiste, il vaut mieux donc protéger la victime de la mendicité que de promulguer des lois pour punir le bourreau.
D'après la presse nationale, le pourcentage de la participation des femmes à l'économie nationale ne cesse de régresser entre 16 et 17 %. Ces étudiantes qui occupent 60 % des sièges dans les amphis des universités sont-elles tous des cerveaux volés ou en fuite ? Comment expliquer qu'elles finissent femmes au foyer et en plus incapables de faire le millième de ce que faisaient leurs aïeules indigènes et analphabètes ? Elles se nourrissent s'habillent chaussent se maquillent se coiffent se détendent cuisinent pensent s'expriment rêvent… étranger. Même la Syrie éclatée y contribue au bien-être de l'Algérienne. À constater l'anomalie de la régression, il est impossible que le conjoint, le père, le frère soit seul responsable. Fatalement, à un moment donné, épuisée et désenchantée, la femme s'était demandée : « A quoi ça sert ? Pourquoi ne pas lâcher ? Pourquoi résister quand on est si peu de chose ? Comment guérir d'une migraine quand on ne sait pas d'où elle vient ? Comment vaincre une malédiction divine ? ... » En 1972, le psychologue Daco écrivait : « Autrefois, combien étaient grands le pouvoir et la puissance de la femme lorsqu'elle agissait hors de la vie publique. Son intervention contrebalançait les erreurs masculines…Et les plateaux de la balance se redressaient. Car autrefois, la courtisane, une épouse ou une maitresse de roi étaient 100000 plus souterrainement efficientes que les fourmis de maintenant… » Que dire de ces fourmis quand dans leur histoire, il n'y a que la concubine du harem qui pense (si elle pense) que l'erreur c'est elle et qu'elle doit la corriger pour plaire à son sultan. Et pourtant en ce 8 mars 2016, l'homme algérien a un besoin urgent de cette femme qui a enlevé son haïk, pulvérisé les murs, faisant fi du consentement paternelle pour monter au maquis alors qu'elle n'en connaissait même pas le chemin. Rien ne lui a été épargné : Utilisée (la guerre de libération), volée (les bijoux de la Caisse de solidarité), formatée (l'école pour tous), sanctionnée (le Code de la famille), traumatisée (le terrorisme).
Le psychologue ajoute : « Qu'elles aient 18 ans ou 80 ans, qu'elles travaillent ou non, à l'extérieur, les femmes cherchent une réponse au fait d'avoir, de tous temps, été dupées. Et elles demeurent grugées aujourd'hui plus que jamais ; elles le ressentent, malgré les cadeaux dorés qu'on leur apporte. Ballotées de gauche à droite, culpabilisées de partout, elles ont entamé un dangereux mouvement pendulaire…Jamais, à travers les siècles, notre univers ne fut aussi glacé, ennuyeux, désanimé, guerrier, violent, agressif, individualiste, dressé, percutant, vertical, uniforme, destructeur. Jamais il ne fut à ce point hyper-virilisé. » (2)
Le sort réservé à l'Algérienne de 1962 à 2016 lui a ôté toutes les possibilités de rectifier la balance. Combien de secondes, la Régence d'Alger tiendrait si elle se mettait à copier les droits des Norvégiennes, des Israéliennes et même des Tunisiennes ? Le pire c'est que son écroulement n'implique pas forcément la résurrection espérée. Pavlov l'a bien compris : le temps rend le dressage plus fort que la nature. En 1972, l'ethnologue Mahmoud Bennoune signalait déjà le malaise, la perte d'illusions des enseignantes de l'université d'Alger. On ne le dira jamais assez que le régime algérien a fait beaucoup plus que ses compères arabes. Pas facile de transformer la révolutionnaire en objet. Avec la bénédiction du « pape » saoudien, l'empire musulman a enterré la femme sous la chape de la charia faisant porté sur les fragiles épaules le poids d'une religion aussi prestigieuse triomphante virilisée que l'Islam . Pendant que les téléprédicateurs aux ordres, à longueur de journée, affirment avec sérieux que la femme n'est pas fiable (naksa dine) et débile ( naksa aakle).
On voit que la misogynie du législateur l'emporte sur sa piété puisqu'il exclut la charia de tous les autres codes. Si elle avait donné autant de droits aux hommes qu'aux femmes, quel est l'intérêt d'un Code de la famille ? Ce qui est certain c'est que la femme a peur, ses épaules ne tremblent pas simplement sous le poids du codage. Elle ne se sent plus en sécurité dans son pays. L'homme censé la protéger n'arrive plus à se protéger lui-même. Elle apparait tel un poil chargé de puces qu'un rat aurait abandonné au-dessus d'une soupe empoisonnée. Faut-il craindre la peste ou le poison ? Elle a peur comme l'Algérie a peur et fait peur. « Cette suprématie (masculine) que la politique coloniale ne songe guère à mettre en doute, encore moins à ébranler… l'homme diminué dans la vie publique, prend sa revanche dans sa vie intime…La liberté que la Française a su bien acquérir…la musulmane ne l'atteint pas…Devant une telle situation, elle a recours au fétichisme, à la sorcellerie et à toutes sortes de croyances et pratiques magiques pour essayer de compenser son impuissance et amoindrir sa souffrance…la femme en état d'infériorité devant l'homme, son père, son frère, son mari, et devant le monde extérieur apparait la sphère féminine…monde clos…dans lequel les femmes se soutiennent, s'avertissent, se défendent contre l'homme…par de petites ruses, des omissions, d'où peuvent jaillir entre époux des conflits relatifs aux visites aux parents, aux amies, aux voisins, voire des répudiations. » (3) C'est vers la fin des années 50, après le déclenchement de la guerre de libération, que l'Algérie française s'était intéressée aux femmes indigènes. Elle n'a pas eu le reflexe de l'Oncle Sam imposant aux Japonaises, les droits des Américaines malgré le double cataclysme atomique. Japonaises, les femmes les plus admirées au monde, à l'origine du miracle de leur pays. Si un jour, une cause forcément naturelle risquerait de faire disparaitre le Japon, quel pays assez fou fermerait ses frontières à ce genre de migrants ? On ne sait pas ce qu'aurait été le pays avec des Algériennes debout, vraiment debout pas vacillantes.
On sait simplement que l'immigration algérien ne, quasi exclusivement masculine, fait peur... En cette journée, l'une fera la fiesta en compagnie de l'Aimé, de l'élu, l'autre aura la preuve de ce qu'elle soupçonnait depuis longtemps : l'époux a une autre vie. On la ferait rire si on lui disait : « Rassure-toi, il ne pourra pas épouser cette garce sans ton consentement. Hamdoullilah , le Rais avant de tomber malade a changé le Code en faveur des femmes. » Et la garce, jeune louve aux dents longues, experte en système D (la débrouille) a bien l'intention de profiter de l'occasion. Oui pour coucher, seul moyen d'avoir un logement social pour la smala qui végète dans un bidonville depuis sa venue au monde. Oui pour se marier avec ce vieux riche qui lui fait battre le cœur quand il lui offre des cadeaux en or et lui susurre que le filon n'a pas de fond. Elle l'écoute, fait l'idiote alors qu'elle a tout saisi. Tout compris, tout assumé quand elle a dit non à son jeune amoureux dont le seul défaut : des poches vides. Oui, elle aura une villa pour elle ou à partager qu'importe. Elle se débrouillera pour accueillir une mère abandonnée par un père dont elle a oublié le visage. Elle dira oui à cet homme important qui est prêt à toutes les folies pour la séduire. Il la protégera de la violence du jeune voyou de la rue, du frère drogué, des crises d'une mère traumatisée par le terrorisme, détraquée par l'incapacité d'un mari incapable d'assurer le minimum, de la déprime de la sœur universitaire qui ni n'a ni boulot ni mari… S'unir au diable pour éviter de se retrouver un déchet piétiné. …L'Algérie sauvée sans les Algériennes, fait unique dans l'histoire de l'humanité. Un homme décollant avec un pied, le droit forcément. S'il arrive marcher, tous les rampants y arrivent chez n'importe quelle espèce. Certes l'Empire musulman s'est bâtie sans les femmes.
On ne sait pas quelle est la responsabilité de cette absence dans sa disparition. Les historiens n'en parlent pas, ils s'en fichent, seuls les intéressent le sultan et les courtisans.
La question qui normalement doit se poser en ce 8 mars 2016 c'est : doit-on libérer la femme de ses chaines pour qu'elle puisse aider ou ressusciter le califat avec ou sans ses Mille et une nuits ? L'homme a perdu son intelligence, la femme est en train de la perdre, affirme Daco.
La langue amazighe, le seul héritage de nos ancêtres, c'est les mères qui l'ont protégée des Beni Hilal. Qu'elle soit langue nationale ou pas, il est déjà trop tard pour s'en inquiéter. L'arabe et le français qu'on peine à maitriser sont déjà menacés par l'anglais. Dans le monde Arabe, on ne perd aucune intelligence, elle n'existe pas. Daco est un grand psychologue, il a fait des prodiges, mais il est passé aux oubliettes. Désormais, c'est Gustave le Bon avec sa psychologie des foules qui fait les prodiges. Parmi ses meilleurs élèves, Hitler et aussi de grands noms : de Gaulle, Roosevelt ; des génies comme Poincaré, Paul Valéry, des philosophes des psychiatres de renom etc. On ne risque pas de rencontrer ses idées dans l'école publique. Par contre, elles sont omniprésentes dans les écoles où on forme les militaires, les politiciens, les journalistes, les faiseurs d'opinion, les détenteurs du bâton et des clés de la prison. Ceux qui ne font jamais face à une foule sans un décor étudié, un maquillage savant et pour seule spécialité : l'hypnose. Le but, ensorceler la foule, modeler les tripes qui lui servent de cerveau. Et cela marche spécialement en bas de l'échelle. C'est les Saoudiennes fières de leur pays représentant les Droits de l'Homme. C'est les étudiantes koweitiennes se battant pour défendre la polygamie. C'est les milliers de filles qui rejoignent Daech. C'est le million (ou deux) d'Algériennes que le FIS menaçait de faire sortir pour soutenir (ou durcir) le Code de la famille… Toutes ces femmes de la masse déconnectées d'elle et issues de pays à la traîne. Allergiques au pessimisme. Décolorées au propre et au figuré. Programmées pour voir le paradis partout. Et qu'on ne peut s'empêcher d'envier au milieu de l'enfer quotidien. Elles profiteront de leur fête jusqu'au bout avec la conscience tranquille du maboul à qui on a oublié d'ôter la camisole. Il faudrait un choc, plus vraisemblablement l'accumulation de plusieurs pour provoquer le réveil qui devient de plus en plus urgent.
(1) Le Racisme, mythes et sciences ( Madeleine Jeay)
(2) Comprendre les Femmes (Pierre Daco)
(3) La Vie Musulmane en Algérie ( Jean-Paul Charnay) du livre les Algériennes , Mahfoud Bennoune.


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