Dans quelles conditions est né le Festival International du Film de Cannes ? Petite histoire en forme de feuilleton (2/4). Pour contrer la Mostra de Venise devenue ouvertement fasciste, la France décide dès 1938 de lancer son propre Festival International du Cinéma, avec l'appui des britanniques et des Studios Américains. La décision est politique, il faut faire vite et frapper fort. Mais où planter le chapiteau ? De préférence au bord de la mer pour inciter les habitués du Festival de Venise à venir plutôt en France. Plusieurs hypothèses sont étudiées : Biarritz ? Vichy ? Cannes ? Et pourquoi pas Alger lance un des initiateurs français... Alger ? La première ville pressentie était Biarritz, mais la municipalité n'a pas mesuré l'opportunité que pouvait représenter une telle manifestation, estimant même que cela risquait de faire fuir les clients habituels de la station. Pendant ce temps là, les bruits de bottes se font de plus en plus entendre et l'Italie de Mussolini revendique la Tunisie, Djibouti et la Corse. Si le Duce se garde bien de demander officiellement l'annexion de ces territoires, il laisse la presse fasciste le faire à sa place, celle-ci ajoute même «Nice et la Savoie». Pour contrecarrer cette politique agressive, la France se positionne en tant qu'Empire (de Dunkerque à Tamanrasset, on connait la chanson). L'équipe chargée de la préparation du Festival français sous l'égide de Jean Zay «ministre du cinéma», réalise a cet effet un documentaire «La France est un Empire» destiné à l'exposition universelle de New York en juillet 1939, avec l'intention de le projeter durant le Festival de cinéma en train de naître. Et donc pourquoi pas Alger pour appuyer le contenu et répondre aux provocations italo-allemandes ? L'hypothèse a été retenue quelques jours, avant que le choix de Cannes ne s'impose. Outre l'équipement en salles de cinéma, Cannes est la ville qui compte déjà 150 hôtels. La petite ville de la Côte d'Azur bénéficie par ailleurs de la lumière la plus idéale, à l'époque, pour filmer dans de bonnes conditions. Deux chefs d'oeuvres y ont été déjà réalisés sur place : «Les Enfants du Paradis» et «Les Visiteurs du soir» de Marcel Carné. Mais surtout les directeurs des grands établissements comme le Grand Hôtel ou le Palm Beach feront le nécessaire pour que la municipalité ne laisse pas filer cette belle opportunité que représente le Festival. Très vite l'affiche est dessinée, les dates décidées (du 1er au 20 septembre 1939), les Américains acceptent de venir en force pour lancer les festivités avec des films comme «Le Magicien d'Oz» de Victor Flemming ou «Pacific Express» de Cecil B. Demille. Pour que les stars Gary Cooper, Tyronne Power et Annabella Norma Shearer puissent participer à cette première édition, la MGM se dit prête à affréter un bateau. Pour faire la nique à Venise, le premier Festival de Cannes s'annonce dans le faste des fêtes somptueuses minutieusement préparées. Mais il n'aura pas lieu finalement, et on devine pourquoi... (à suivre)