Abdelmalek Sellal a reçu, ce vendredi, à Alger, Nacer Bourita, envoyé spécial du Roi du Maroc, Mohamed VI, porteur d'un message au président de la République. Selon le communiqué des services du Premier ministre, l'audience accordée au ministre délégué marocain aux Affaires étrangères a porté sur «les relations bilatérales» et permis «un échange de vues sur les défis auxquels sont confrontés l'Afrique et le monde arabe». La même source précise que «la sécurité régionale, notamment la lutte contre le terrorisme et le crime transnational organisé, les questions liées à la migration et la problématique du développement», ont été au centre des discussions. Selon ledit communiqué, le ministre des Affaires maghrébines, de l'Union africaine et de la Ligue des Etats arabes, Abdelkader Messahel, et le conseiller auprès du président de la République, chargé de la coordination des Services de sécurité, Athmane Tartag, ont assisté à cette rencontre, alors que du côté marocain, on notait la présence du directeur général des Etudes et de la Documentation, Yacine El Mansouri, le patron du contre-espionnage marocain, et l'ambassadeur du Maroc, en Algérie, Abdallah Belkeziz. Cette visite «épistolaire» revêt toute son importance, à la lumière des dossiers bilatéraux et surtout de la question sahraouie et des dernières péripéties qu'elle a connue et de la volonté prêtée au Maroc de réintégrer le giron de l'Union africaine (UA). En effet, si l'information n'a, pour le moment, pas été officialisée, le Maroc devrait officialiser son retour au sein de l'UA, lors du 27ème Sommet de l'organisation qui s'ouvrira demain, à Kigali, au Rwanda, selon la presse marocaine. La diplomatie alaouite a déjà préparé le terrain avec le périple africain de son ministre des Affaires étrangères, Salaheddine Mezouar qui a visité la Libye, l'Egypte, la Tunisie, l'Ethiopie et le Soudan, en l'espace d'une semaine et la présence de Nacer Bourita, en Zambie et Alger. Selon Mezouar, ces pays lui ont proposé, justement, le retour du Maroc au sein de l'Organisation. Le ministre des AE a précisé que le «Maroc doit répondre à ces appels lorsque les conditions sont réunies». A quelles conditions fait-il allusion alors que le Royaume avait quitté l'Organisation de l'Unité africaine, devenue depuis l'UA, en 1984, après l'admission de la République arabe sahraouie démocratique, en son sein ? L'UA montre-t-elle des signes de mollesse devant le dossier sahraoui ou y a-t-il un prix à payer pour le Maroc pour la réintégrer ? Si l'Union africaine avait réitéré, dans un rapport publié le 27 mars dernier, son appui à l'élargissement du mandat de la Minurso, à la surveillance des droits de l'Homme, le Maroc, lui, a mis en place toute une stratégie d'approche des pays membres de l'UA, en vue de les influencer. Ce retour semble répondre à une logique de bras de fer à engager de l'intérieur même de la citadelle africaine pour gagner, en influence et en poids. Ce retour est également l'aboutissement de la stratégie africaine du Maroc trahie par les câbles diplomatiques confidentiels publiés par le cyber-activiste qui se présente sous le pseudo de chris_coleman24 sur son compte Twitter, le Snowden marocain. On y découvre que la direction des Affaires africaines considère que «les pays d'Afrique de l'Ouest et centrale sont considérés comme les pays « amis » ou le « pré-carré traditionnel » ; ceux de l'Afrique de l'Est et Australe comme plutôt « hostiles », tandis qu'une troisième catégorie « regroupe les pays dits « fragiles », dont les positions sont, globalement, influencées par les pays dominants, dans chaque région, Algérie, Afrique du Sud, Ethiopie et Nigeria notamment». Dans une note de synthèse sur la stratégie du Maroc envers l'Union africaine du 3 juin 2013, cette même direction rallonge la liste, après que le Rwanda, l'île Maurice et le Botswana ont «montré une certaine neutralité, lors des derniers débats au Conseil exécutif de l'Union africaine», recommandant d'«entreprendre des actions envers ces pays pour obtenir leur ralliement au processus onusien au Sahara et leur demander de retirer leur reconnaissance de la RASD ». Cette stratégie cherche à renforcer les relations marocaines avec les pays africains en devenant le trait d'union privilégié pour un rapprochement entre l'Europe et l'Afrique. L'accueil d'étudiants africains, la gestion du religieux, la promotion du concept de consacrer une «place» à l'Afrique, dans tous les festivals organisés au Maroc, le libre accès au marché marocain pour les produits originaires des Pays les moins avancés (PMA) africains et l'annulation de leurs dettes, l'ouverture des ambassades en Namibie, au Botswana, en Zambie, en Tanzanie, au Mozambique et au Malawi pour renforcer la présence diplomatique marocaine, en Afrique de l'Est et australe participent à cette vaste OPA. L'ensemble de ces actions envisagées est de «casser l'axe Alger-Abuja-Pretoria, en s'appuyant sur la diplomatie parallèle parlementaire et des partis politiques et en investissant les réseaux informels d'influence et de lobbying, notamment, vis-à-vis de l'Afrique du Sud qui cherche à s'imposer comme puissance régionale africaine».