La campagne électorale américaine a été d'une rare indigence. Pourtant, le résultat de l'élection aura un impact sur le monde entier. Mardi 8 novembre 2016, les Américains éliront un nouveau président de la République qui sera plus âgé que son prédécesseur. C'est la seule certitude de ce scrutin qui oppose Hillary Clinton, 69 ans, et Donald Trump, 70 ans, alors que Barak Obama est arrivé au pouvoir vingt ans plus jeune. Malgré ce décalage, le scrutin américain a réussi à captiver le monde, en dépit d'une incroyable indigence du débat politique dans la nation la plus puissante de ce début de siècle. Sur tous les autres volets, le mystère demeure, à quelques heures du début du scrutin. Première anomalie, Hillary Clinton est donnée gagnante en nombre de voix, mais elle pourrait perdre à cause du modèle électoral américain. Le système indirect pourrait donner à Donald Trump plus de grands électeurs s'il remporte la mise dans quelques Etats clés. Dans ce cas de figure, les Etats-Unis auraient le premier président «hors système» de leur histoire, élu sur les rangs républicains, alors que les démocrates promettent de faire élire la première femme à la Maison-Blanche, après avoir fait élire le premier noir à la magistrature suprême. Les démocrates réaliseraient aussi une autre première : ce serait la première fois que les deux membres d'un couple accèdent à la Maison-Blanche, à un quart de siècle d'intervalle, Bill Clinton ayant déjà assuré deux mandats au tournant du siècle. Opposition de styles A côté de ces curiosités, tout semble opposer les deux candidats. L'un est un milliardaire qui a fait fortune dans l'immobilier, devenu célèbre grâce à la téléréalité; l'autre est une professionnelle de la politique, sénatrice puis secrétaire d'Etat, sortie d'une grande université, avant de construire sa carrière à force d'opiniâtreté et de travail. Autant l'une est lisse, convenue, cherchant à être consensuelle, autant l'autre s'est imposé par des déclarations fracassantes, non conventionnelles, s'attaquant au système qui l'a fabriqué. C'est la première de la classe contre l'élève le plus turbulent. La campagne électorale américaine a d'ailleurs été marquée par les déclarations outrancières, frisant le racisme, proférées par Donald Trump. Un tel comportement de la part d'un personnage vulgaire, imprévisible, excellent pour une émission de type «guignols», devait permettre à son adversaire de gagner sans trop de peine. Mais Hillary Clinton semble tellement impopulaire, traînant tant de travers, avec des erreurs de débutante commises dans un système américain impitoyable, qu'elle a fini par se mettre sérieusement en difficulté. Indigence Autre marque de la campagne électorale américaine, elle a été d'un niveau tellement bas, dominée par des sujets sans rapport avec la politique, qu'elle fut la plus indigente de l'histoire de ce pays. L'Amérique s'est visiblement «trumpée». Convenons- en pour une fois : Amar Saadani et Djamel Ould Abbès n'ont pas fait pire. C'est totalement indigne d'un pays aussi influent que les Etats-Unis dont la moindre décision a un impact considérable sur tous les pays du monde. Comparés à ce qui se dit dans la campagne américaine, les débats menés par la droite française dans le cadre des primaires apparaissent comme une source de lumière. Pourtant, on y trouve des personnages aussi peu engageants que Nicolas Sarkozy et Jean-François Copé ! Est-ce le résultat du consensus anti-Trump qui s'est forgé aux Etats-Unis ? Plus le candidat républicain se trouvait acculé, plus il se cabrait, pour adopter des positions peu convenues jusqu'à s'aliéner une partie de l'appareil du parti républicain et la plupart des grands médias américains, traditionnellement plus réservés. Ce qui ne laisse pas d'intriguer : Donald Trump est-il vraiment le farfelu va-t-en-guerre, fascisant sur les bords, sans idéologie ni conviction, qui se contente de surfer sur une vague de populisme et sur le ras-le-bol populo, ou bien est-ce là une image véhiculée de manière consensuelle par des médias de l'establishment, précisément pour faire peur et s'en débarrasser ? L'Amérique et nous Pour un Algérien, pour un Maghrébin, pour ceux qui sont sensibles aux problèmes de l'Afrique et du Moyen-Orient, les vraies questions ne relèvent pas du caractère de Donald Trump, mais de l'attitude des Etats-Unis face à ces régions du monde. Et là, force est de constater que les différences sont bien minces entre les deux candidats à la présidence américaine. Certes, Donald Trump a promis de reconnaître El-Qods comme capitale d'Israël, mais dans le même temps, il a promis de retirer les troupes américaines des secteurs en guerre au Proche-Orient. Hillary Clinton a fait les mêmes promesses sous Obama, mais c'est sous son ministère que la Syrie s'est embrasée et que le champ de la violence s'est étendu jusqu'en Libye et au Sahel. Dans tous les cas de figure, aucun candidat n'a élaboré une démarche convaincante pour pacifier ces régions de manière raisonnable et convaincante. Ce qui amène à cette dernière remarque. Le système politique américain est complexe, avec un système de décision très compliqué, ce qui offre peu de marge au président. La dernière manifestation en date a été l'attitude de Barak Obama : c'est le président américain qui a eu les relations les plus tendues avec Israël, se faisant notamment humilier par Benjamin Netanyahou, ce qui ne l'a pas empêché, en fin de mandat, de porter l'aide américaine à Israël à des niveaux jamais atteints, près de 30 milliards de dollars pour la prochaine décennie. Entre les promesses électorales et les décisions qui seront prises, il y a un océan. Au final, le contemplateur algérien se trouve dubitatif. Il est, curieusement, dans la même position que l'électeur américain : quel est le candidat dont les décisions auront les effets les moins mauvais sur nos contrées ?