Le conclave Gouvernement-Walis, le 13ème du nom, meublé en grande partie par les discours pompeux de certains ministres qu'ils aiment à tenir lorsqu'ils veulent se montrer soucieux de l'essor économique des collectivités locales, s'est achevé, selon certains observateurs, sur un air de déjà vu et de déjà entendu. Interrogé à ce propos par journalistes, le ministre de l'Intérieur et des Collectivités Locales, Noureddine Bedoui, s'en est défendu en précisant, au contraire, que les travaux des ateliers, ont constitué « une force de propositions » plus qu'appréciable ! Dans ce sens, il a annoncé la mise en place, par le gouvernement d'une commission «qui sera chargée du suivi et de l'application des recommandations desdits ateliers». Pour le ministre de l'Intérieur et des Collectivités Locales, la rencontre Gouvernement-Walis a été, non seulement, couronnée de succès, mais aussi, fructueuse dans le sens où tous les intervenants dans le monde des collectivités locales ont été mis en face de leurs responsabilités. L'administration locale par exemple, est contrainte aujourd'hui, de s'adapter à la conjoncture induite par la baisse du pétrole, à travers une intensification des activités économiques productives, l'instauration d'un système adapté des finances et de la fiscalité et une gestion efficiente des services publics. Les collectivités locales doivent par ailleurs, penser à accroître l'offre financière destinée à l'investissement, à développer le secteur agricole, à simplifier et à décentraliser les décisions et les autorisations administratives liées à l'investissement, notamment dans le secteur du tourisme. Dorénavant, a dit Noureddine Bedoui, les communes seront, totalement, impliquées dans le recouvrement des taxes et impôts, ainsi que la collecte des produits domaniaux. Et en matière de service public, un nouveau cadre juridique sera mis en place pour un partenariat public-privé. Un défi pour des responsables locaux habitués aux ordres du pouvoir central et, surtout, à dépenser sans compter ! À leur décharge, faut-il le rappeler, les pouvoirs publics n'ont pas économisé leurs efforts pour renforcer les financements propres des communes, en peine perdue sommes-nous tentés de le dire ! Ces dernières restent excessivement dépendantes du budget de l'Etat. Plus de la moitié d'entre-elles, soit 62%, sont déficitaires, alors que les communes les plus riches ne représentent que 7% de l'ensemble des APC. Quant au reste, elles « vivotent » comme elles peuvent et le service public s'en ressent bien sûr ! Un chiffre pour illustrer ce propos : le rendement des biens immobiliers des communes ne dépasse pas les 7% des ressources locales ! Une vérité aussi : il faut arrêter de croire que la commune, en Algérie, a des vertus « créatrices de valeurs » tout comme une entreprise, dès lors que ce ne sont pas les mêmes règles commerciales, comptables et juridiques qui les régissent ! Elles ne disposent également ni de l'expertise ni du professionnalisme des entreprises et de leurs gestionnaires. Du côté de l'administration du MICL, on le répète à l'envi : les communes vont souffrir cette année pour cause de crise, et plus précisément à cause de la baisse du taux de la taxe sur l'activité professionnelle (TAP). Ce qui impacte gravement leur trésorerie. En valeur absolue, c'est une perte de près de 80 milliards de dinars ! Pour la précision, rappelons que 58% des recettes communales proviennent de la TAP, 35% de la TVA et que les autres impôts ne représentent que 4% de la fiscalité locale. Toutefois, il faut rappeler cette vérité : les communes ne disposent pas, contrairement à ce qu'on pense, du pouvoir fiscal. Elles sont tributaires de la redistribution de la fiscalité ordinaire par le biais du Fonds commun des collectivités locales qui s'est transformé entre temps en Caisse des garantie des collectivités locales, tout en gardant ses vieilles habitudes et sa frilosité légendaire. Il y a aussi ces inadéquations entre cette redistribution et les missions attribuées aux communes, dont la plupart trouvent d'énormes difficultés pour financer des projets, et surtout à prendre en charge l'entretien des établissements scolaires et autres centres de santé. Avec la situation de crise marquée par la baisse des recettes en devises, l'Etat n'est plus en mesure de supporter les charges des collectivités locales comme cela a été le cas jusqu'à présent, a déclaré Noureddine Bedoui. Désormais, a-t-il dit, les responsables locaux devront faire face, seuls, à toutes les dépenses budgétaires. Ils doivent trouver comment innover et gérer leur budget. Loin des subventions d'équilibre octroyées jusque-là très généreusement par les pouvoirs publics. Il faudrait pour cela, crise oblige, rogner sur les budgets, reporter des projets non prioritaires et surtout chercher de l'argent pour investir et créer de l'emploi localement. Les Walis pour leur part, ou du moins certains d'entre-eux qui se sont confiés en « off », à l'occasion de leur regroupement, n'ont pas caché leurs inquiétudes : * pour faire adhérer, massivement, la population de ma wilaya à la démarche du gouvernement, a dit l'un d'entre-eux, l'implication des élus est indispensable ; or ces derniers ne sont pas toujours en phase avec l'exécutif de wilaya, et de ce fait, l'objectif recherché devient quasiment impossible, à moins qu'il n'y ait une forme de réconciliation à l'approche des prochaines échéances électorales entre les différentes forces du pays. * on ne peut pas réussir en 3ans, ce que nos prédécesseurs n'ont pas réalisé en 50 ans, a ajouté un 2éme Wali, faisant allusion au cap fixé par le Premier Ministre. Aujourd'hui, les Walis s'en sont retournés dans leurs wilayas après s'être vu répéter qu'ils doivent prendre des initiatives. Les plus anciens, blasés par les discours creux retomberont dans leur routine, quant à ceux nouvellement nommés, ils vont essayer de se décarcasser au mieux. Mais déjà, il faut se poser la question de savoir : 1. comment sont nommés les walis? Leur nomination n'obéit pas à des principes fixes. D'ailleurs, il n'existe nulle part et, a fortiori, dans la fonction publique, un profil de carrière-type, contrairement à l'entreprise où l'actionnaire principal désigne son dirigeant, ce qui n'a en soi rien de scandaleux. La façon dont sont désignés les walis relève donc de la plus grande opacité. Quelqu'un disait que la sélection des promus reste indéchiffrable : elle participe de l'illisible et de l'invisible ! On met en avant, pour couper court à toute spéculation, le principe du pouvoir discrétionnaire qui échoit à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui n'a pas à justifier son choix. D'ailleurs, dans le communiqué qui est rendu public, il n'est expliqué ni le choix ayant présidé à la désignation, ni le motif justifiant la mutation, encore moins la nature des griefs prévalant à la cessation de fonctions des walis. Quant à leurs bilans, ils ne sont ni publiés ni publiables, ce qui rend impossible toute évaluation citoyenne. 2. Mais quels sont réellement les critères d'évaluation d'un wali ? Sont-ce les logements réalisés, les emplois ouverts, les PME/PMI créées, les zones d'activités réceptionnées, les écoles et les lycées équipés, ou encore les postes de travail ouverts ? Est-ce vraiment raisonnable d'additionner ces éléments, un à un et de les imputer comme seules prouesses d'un seul homme, fût-il wali ? Assurément non, dans le sens où il s'agit d'une œuvre collective à laquelle participent, d'amont en aval, tout ce que compte la wilaya comme personnels technique, administratif et d'encadrement, sans omettre les élus et surtout les services de sécurité, sans lesquels on ne peut parler de développement local, si on tient compte du fait qu'il subsistait encore dans un passé très récent, certains points du territoire inaccessibles aux entreprises de réalisation. Noureddine Bedoui, le fringant ministre de l'intérieur, qui a été lui-même plusieurs fois walis, se plait, d'ailleurs, à le répéter : « une œuvre n'est qu'un recommencement itératif et perpétuel d'une autre œuvre à achever ; elle n'est jamais terminée en termes absolus. S'agissant d'un tout, d'un programme, d'un plan de développement, il ne peut y avoir que des phases, des niveaux ou des tranches à réceptionner. On achève celles qui ont été lancées par les prédécesseurs, d'autres finissent celles qui ont été relancées par ceux auxquels ils ont succédé à la tête de la wilaya et ainsi de suite ». Alors, prétendre s'approprier la paternité d'un programme de 20 000 logements, d'un tronçon routier, d'un aéroport, d'un hôpital, voire même d'un barrage hydraulique, participe non seulement de l'usurpation mais certainement aussi de la mauvaise foi? De ce qui précède, la formulation « la réalisation du wali » est à prendre sous toute réserve et, en tous les cas, pas comme un critère de sélection. 3. Quel serait, alors, le profil du wali idéal? Un journaliste s'est interrogé dans ce sens: « N'a-t-on pas dans nos escarcelles des grands corps d'Etat, des walis à même d'égaler dans la créativité œuvrière ceux ayant marqué les annales françaises tels Berthelot de Rambuteau, qui est à l'origine du projet de la grande avenue des Champs Elysées, ou Eugène Hausmann promoteur de la chaussée et des trottoirs de Paris ?» En réponse, il a cité l'exemple du gouverneur d'Alger, Chérif Rahmani, qui a osé, selon lui, « consacrer au moins une route centrale dédiée, éternellement, aux piétons». Et la liste reste ouverte pour tous ceux, parmi les walis, qui veulent inscrire leur nom dans ce « panthéon » ! Ceci étant dit, les commentaires sur les mouvements des walis sont à double ressort, et personne ne se prive, en fonction de sa propre analyse, de citer tel ou tel cas d'abus, de favoritisme, même si cela peut relever parfois du domaine anecdotique. Rappelons pour conclure que, lors de la dernière rencontre gouvernement-walis, tenue en 2015, le Premier ministre lui-même a insisté lourdement sur la nécessité de l'établissement de « contrats de performances entre les maires et les walis », les uns et les autres sont, en principe, tenus de rendre compte, non seulement, des taux de consommation des crédits mais aussi et surtout, de la valeur ajoutée en matière d'investissement, de postes créés en matière d'emploi, de ressources propres valorisées et de nombre de problèmes réglé C'est cela en fait qu'il faut mettre en pratique : assigner aux responsables des collectivités locales « des objectifs » et les évaluer sur la base «des performances réalisées». Gageons qu'au ministère de l'intérieur, les responsables se feront un devoir de mettre en place « un contrat-type » qui engagera chaque wali à tenir ses engagements. À faire le boulot, en dehors des caméras, nous rappelant en cela la formule du regretté wali Rachid Merazi, qui donne du wali la description suivante : « le wali en Algérie est un homme de lumière dans ce qu'il fait d'anecdotique et un homme de l'ombre dans ce qu'il fait d'important ! ».