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Quels walis pour 2014 ?
Publié dans Liberté le 02 - 02 - 2014

L'année 2013 a été marquée par deux événements qui ont fait l'actualité : il s'agit du remaniement ministériel et du mouvement dans le corps des walis, dont quatre d'entre ces derniers ont été promus ministres.
Ce n'est certainement pas le fruit du hasard, car à ce niveau l'heureux lauréat doit émerger, sortir du lot et présenter un palmarès éloquent conjugué à une probité et une compétence sans égales, c'est-à-dire hors normes. Quelqu'un disait, pourtant, que la sélection des walis à promouvoir reste indéchiffrable : elle participe de l'illisible et de l'invisible. Et puis de quel palmarès parle-t-on ? Sont-ce les logements réalisés, les emplois ouverts, les PME/PMI créées, les zones d'activités réceptionnées, les écoles et les lycées équipés, ou encore les postes de travail ouverts ? Est-ce vraiment raisonnable d'additionner ces éléments, un à un et de les imputer comme seules prouesses d'un seul homme, fut-il wali ? Assurément non, dans le sens où il s'agit d'une œuvre collective à laquelle participent, d'amont en aval, tout ce que compte la wilaya comme personnels techniques, administratifs et d'encadrement, sans omettre les élus et surtout les services de sécurité, sans lesquels on ne peut parler de développement local, si on tient compte du fait qu'il subsistait encore dans un passé très récent, certains points du territoire inaccessibles aux entreprises de réalisation. Sans omettre, bien évidemment, les budgets ouverts à partir des administrations centrales.
Il est certes vrai que le wali est tenu de donner toute l'impulsion voulue aux chantiers pour leur imprimer le rythme permettant leur achèvement dans les délais impartis. Quelqu'un disait, d'ailleurs, qu'une œuvre n'est qu'un recommencement itératif et perpétuel d'une autre œuvre à achever. Elle n'est jamais terminée en termes absolus. S'agissant d'un tout, d'un programme, d'un plan de développement, il ne peut y avoir que des phases, des niveaux ou des tranches à réceptionner. On achève celles qui ont été lancées par les prédécesseurs.
D'autres finissent celles qui ont été relancées par ceux auxquels ils ont succédé à la tête de la wilaya et ainsi de suite. Alors, prétendre s'approprier la paternité d'un programme de 20 000 logements, d'un tronçon routier, d'un aéroport, d'un hôpital, voire même d'un barrage hydraulique participe non seulement de l'usurpation mais certainement aussi de la mauvaise foi. De ce qui précède, la formulation "la réalisation du wali" est à prendre sous toute réserve et, en tous les cas, pas comme un critère de sélection.
Quel serait, alors, le profil du wali idéal ?
Un journaliste s'est interrogé dans ce sens : "N'a-t-on pas dans nos escarcelles des grands corps d'Etat des walis à même d'égaler dans la créativité œuvrière, ceux ayant marqué les annales françaises tels Berthelot de Rambuteau, qui est à l'origine du projet de la grande avenue des champs Elysées, ou Eugène Hausmann promoteur de la chaussée et des trottoirs de Paris ?" En réponse, il a cité l'exemple du gouverneur d'Alger, Chérif Rahmani, qui a osé, selon lui, "consacrer au moins une route centrale dédiée éternellement aux piétons." Il faut dire cependant que la piétonnière, car c'est de cela qu'il s'agit, n'a pas résisté longtemps aux tenants du marché informel et qu'elle a fini, au grand dam de ses usagers, par reprendre sa vocation initiale : la circulation automobile. Allez, puisqu'on est dans le registre des grands commis de l'Etat qui ont marqué leur passage, citons pour le fun, quelques uns d'entre eux :
* Mohamed Kebir Addou, wali d'Alger appelé à d'autres fonctions, a imaginé la fameuse "ligne bleue" sensée faciliter le trafic routier sur l'axe Alger-Tipasa. Elle s'est estompée avec le temps, les intempéries et la gomme des pneumatiques et avec elle la polémique qui s'en est suivie.
Débordant d'imagination, notre wali, faiseur de walis par ailleurs, ne s'est pas découragé pour autant et nous a surpris avec l'implantation, presque à l'infini, de palmiers ornant de part et d'autre, le principal axe routier de la capitale. Dans la foulée, il nous a même promis, à terme, une récolte dattière en rapport.
Plus sérieusement, le wali d'Alger a, incontestablement, marqué de son empreinte la ville, ne serait-ce que par rapport au projet ambitieux de faire de la Capitale, de sa baie et de l'oued El-Harrach des endroits où il fera bon vivre à l'avenir. Il a mis le curseur très haut, et gageons que son successeur, Abdelkader Zoukh, en l'occurrence, aura fort à faire de ses journées, voire même de ses nuits, ne serait-ce que pour inciter les élus de tous bords à prendre en charge la propreté des rues, l'assainissement, l'embellissement, les voies de circulation qui posent encore d'énormes problèmes aux citoyens, sans parler des espaces de loisirs en nombre très restreint.
Dans ce registre des walis ayant marqué leur passage, il est permis de citer, à titre non exhaustif et pour l'histoire :
* Madoui Abdelaziz pour sa mise en œuvre du programme spécial dans la wilaya de Saïda notamment.
* Ghazi Ahmed a qui on doit les pénétrantes résultant des études du Comedor.
* Khatib Djelloul et son programme ambitieux "Oran 2025"
* Aktouf Rachid qui a pris à cœur la reconstruction de Chlef de l'après-séisme et aussi pilote à ses heures.
* Abdelmalek Sellal, lui aussi, était wali en son temps, notamment à Adrar où il a entrepris dernièrement une visite officielle.
Comment aussi ne pas évoquer Ahmed Adli, nouvellement promu secrétaire général du ministère de l'Intérieur, qui a été "missionné", en sa qualité d'ancien wali de Ghardaïa, par Tayeb Belaïz, le ministre d'Etat, pour "calmer les esprits" en ces lieux, preuve s'il en est de son savoir-faire, de sa parfaite connaissance des us et des hommes qui y vivent et surtout parce que ce haut fonctionnaire, promu à juste titre, a laissé très bonne impression de son passage dans cette wilaya qui mériterait d'être rassurée et de retrouver sa stabilité. Au registre des souvenirs, outre le regretté wali de Tissemsilt, Bellal, victime du terrorisme, il faut se remémorer, également, les 15 premiers préfets d'Algérie, Abdellah Fadhel, Abderrezak Bouhara, Slimane Hoffman, Souiyah et tous ceux qui, comme eux, ne sont plus de ce monde mais qui ont laissé des marques indélébiles, de celles des bâtisseurs, à une époque où le pays ne disposait pas des moyens et des budgets d'aujourd'hui.
Dans cet ordre d'idées, ayant une pensée particulière pour Chaâbane Aït Abderrahim, truculent wali d'Alger, qui a entre autres animé une émission, en direct s'il vous plaît, sur les ondes de la radio nationale, qui a rencontré un succès certain auprès des administrés et qui a permis le règlement de pas mal de problèmes en souffrance. Voilà une idée à reprendre si l'on prétend, comme on l'affirme du côté du palais du gouvernement et du ministère en charge de la réforme du service public, donner un sens à ce même service public, privilégier l'écoute, renforcer la proximité, travailler avec les associations et, partant, mettre en avant cette démocratie participative tant louée. Aujourd'hui, force est d'admettre qu'on est loin des walis quatre étoiles dont faisaient partie Baghdadi Laalaouna, Khelifa Bendjedid ou Merazi Rachid, pour ne citer que ceux-là.
Ce dernier d'ailleurs a eu cette très belle formule pour définir la fonction : "Le wali en Algérie est un homme de lumière dans ce qu'il fait d'anecdotique et un homme de l'ombre dans ce qu'il fait d'important." De ce qui précède, disons que la nomination des walis n'obéit pas à des principes fixes. D'ailleurs, il n'existe nulle part et, a fortiori, dans la fonction publique, un profil de carrière-type, contrairement à l'entreprise où l'actionnaire principal désigne son dirigeant, ce qui n'a en soi rien de scandaleux.
La façon dont ils sont désignés relève, donc, de la plus grande opacité. On met en avant, pour couper court à toute spéculation, le principe du pouvoir discrétionnaire qui échoit à l'autorité investie du pouvoir de nomination qui n'a pas à justifier son choix. D'ailleurs, dans le communiqué qui est rendu public, il n'est expliqué ni le choix ayant présidé à la désignation, ni le motif justifiant la mutation, encore moins la nature des griefs prévalant à la cessation de fonctions des walis. Quant à leurs bilans, ils ne sont ni publiés ni publiables, ce qui rend impossible toute évaluation citoyenne. Ceci étant dit, les commentaires sur le dernier mouvement des walis sont à double ressort, et personne ne se prive, en fonction de sa propre analyse, de citer tel ou tel cas d'abus, de favoritisme, même si cela peut relever, parfois, du domaine anecdotique.
Et des oublis, par exemple, dans le dernier mouvement des walis, il y en a eu au moins trois : les secrétaires généraux de Annaba, de Tipasa tout comme celui de Ghardaïa, ce dernier ayant été souvent nominé mais jamais élu, avaient largement leurs places, mais les voies de la promotion sont impénétrables. Donc, disais-je, pour tout mouvement, deux avantages, au moins, sont systématiquement avancés sur le plan stratégique :
1. Le mouvement provoque des disponibilités et des ouvertures de carrière en chaîne.
2. Il introduit de la souplesse et crée une nouvelle dynamique dans la sphère où il est opéré C'est, peut-être, vrai pour la première affirmation, cela l'est moins concernant la deuxième assertion, car, en fait de dynamisme, l'on tente, plutôt, de renforcer une corporation, celle des énarques par exemple qui ont préempté le corps, ou gonfler les rangs d'un clan au détriment d'un autre ou, autre exemple, on tente de promouvoir les commis les plus obéissants et pas forcément les plus méritants.
A ce niveau de l'article, j'ai une pensée particulière pour Kasmi M'hand, cadre aussi compétent que valeureux, très tôt parti, désabusé et aussi dégoûté de la haute administration dont il pensait ceci, le jour où il rédigeait sa lettre d'adieu à Abdelkrim Drissi, le défunt Drag de Mascara (*) : "Pour être secrétaire général ou wali, il eut fallu te résoudre à prendre exemple sur l'itinéraire supersonique de certains walis qui ne le sont que par la grâce de courbettes et autres garde-à-vous à leurs chefs du moment ; la seule et unique fois où j'ai vu un wali passer à une position de garde-à-vous intégral, c'est quand la ligne de souveraineté de ce même wali avait sonné, avec au bout du fil une dame qu'on devinait avoir droit de vie ou de mort sur les walis : ses seules paroles Hadja... Hadja, titre religieux de son interlocutrice, répété à tue-tête, presque chanté et conjugué à tous les temps de la supplique et de l'obséquiosité de circonstance." Et dire qu'un quotidien arabophone a affublé cette Hadja mise dernièrement à la retraite d'office, de "Dame de fer", faisant ainsi injure à Margaret Thatcher qui doit se retourner dans sa tombe, elle qui a hérité de ce surnom à force de travail et d'abnégation au service de sa gracieuse majesté, la Reine d'Angleterre. Pour conclure cette réflexion autour du mouvement des walis, dont le dernier en date avait même, et c'était une première, inclus la mise à la retraite d'office du secrétaire général du ministère de l'Intérieur d'alors, qu'on disait pourtant "ministrable", on peut s'autoriser à dire que n'étant consultés ni sur leur compétence ni sur le mode de leur désignation, encore moins sur leur reconduction ou leur éviction, nous sommes dispensés, en définitive, de la tâche d'évaluer ou de contrôler leur gouvernance.
Et pourtant, ils exercent leur tutelle sur les élus, gèrent les finances publiques locales, parlent et décident du développement local, au nom des citoyens. Mais, nonobstant une rente importante, ils continuent à gérer le quotidien par des méthodes qui gagneraient à être revues, car elles se caractérisent par un sérieux déficit de communication, malgré les exhortations du Premier ministre Abdelmalek Sellal, qui aimerait les voir investir le terrain en managers du développement, en médiateurs de la République et, surtout, se rapprocher de la population tout le temps et non pas le temps d'une visite officielle.
En attendant juin 2014 et le mouvement promis par le ministre d'Etat, ministre de l'Intérieur et des Collectivités locales Tayeb Belaïz, le compte à rebours a peut-être déjà commencé pour un certain nombre d'entre eux !
C. A.
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(*) Le Soir d'Algérie du
samedi 4 mai 2013, article intitulé
"Retour sur le suicide du Drag de Mascara"
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