Un fait: en quatre jours, plus de 850 migrants africains sont parvenus à pénétrer depuis le Maroc dans l'enclave espagnole de Ceuta et donc dans l'Union européenne (UE) en forçant la barrière frontalière. Un constat: l'enclave de Ceuta constitue - avec celle de Melilla - la seule frontière terrestre entre le continent africain et l'UE et la surveillance de ces huit kilomètres est exercée conjointement par l'Espagne et le Maroc. Une lecture: depuis que Rabat s'est vue acculée sur la question des accords commerciaux avec Bruxelles, elle a vivement réagi devant la perspective de l'Europe de remettre en cause l'accord agricole signé avec le royaume en 2012. Confondu par l'arbitrage de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), fin 2016, qui excluait le territoire sahraoui dudit accord agricole, le Maroc n'a pas trouvé d'autres arguments à faire valoir que de menacer l'UE si elle n'exécutait pas «pleinement» les clauses contractuelles. Le royaume a prévenu qu'il pouvait à tout moment ouvrir le robinet du flux migratoire vers le Vieux Continent. Un chantage aux migrants qui prend toute sa mesure ces derniers jours au grand dam de Bruxelles. Si aucune réaction officielle n'est venue pour le moment, il est à se demander quelle sera la réaction de l'Europe devant ce passage à l'acte. Il n'y a aucun doute à avoir sur la volonté du Maroc de faire pression sur ses partenaires européens en appuyant là où ça fait mal. L'Europe, déjà divisée sur la question des migrants venus des pays en conflit, dossier à forte valeur ajoutée dans l'agenda électoral des partis d'extrême droite, ne peut pas se permettre d'être encore débordée sur son flanc ouest. Fera-t-elle pour autant des concessions alors que le Maroc menace encore de recourir à d'autres partenaires économiques plus avantageux à l'image de la Chine, la Russie, les Etats-Unis, des monarchies du Golfe ou l'Afrique, réputés peu regardants sur le chapitre du droit international ? La question reste posée d'autant plus que l'enjeu commercial est très important pour l'Europe. Un aspect non négligeable dans la balance de l'offre et de la demande, Rabat n'hésitant pas à offrir des concessions commerciales à ses partenaires, histoire de marquer de son empreinte le sol sahraoui. Les Marocains ont bien compris que les intérêts de l'Europe passent avant ceux du Polisario et c'est pour cette raison qu'ils multiplient les approches promotionnelles et les ventes concomitantes des réserves naturelles qui appartiennent à un pays colonisé. Et tant que l'ONU ne règle pas cette question, il est fort à parier que rien ne changera entre provocations, surenchères et bientôt un retour aux armes !