La participation est, à chaque élection, une donnée importante ; signe de l'intérêt des électeurs pour la politique, elle peut aussi favoriser l'un ou l'autre des candidats. Lors des dernières législatives de 2012, le taux de participation n'était que de 42 % ce qui a permis au gouvernement d'exprimer sa satisfaction. Il a estimé en effet, que ce taux, plus qu'honorable, digne du niveau affiché en la circonstance par les pays occidentaux, était de nature à crédibiliser le scrutin. En réaction, les partis d'opposition, ceux notamment ayant appelé au boycott ont prétendu que l'abstention était, en réalité, plus forte que ce qui a été officialisé, et qu'en tous les cas, les électeurs ont répondu, massivement, à leur appel. Pour leur part, les politologues, ont observé que : 1. l'abstentionnisme peut revêtir le reflet d'une passivité ou d'une négligence des citoyens peu intéressés par la vie publique, ou en raison d'une insertion sociale limitée (jeunes électeurs sans diplômes, ou même diplômés mais sans emploi, femmes au foyer, population défavorisée des quartiers populaires par exemple). 2. Il peut, au contraire, revêtir un caractère actif et militant, lorsque c'est un acte politique, conscient et motivé. Il exprime alors, un refus de choisir ou une hostilité envers les hommes politiques en compétition. Et dans ces cas là, l'obligation de vote, telle qu'instituée dans certains pays, n'apparaît pas comme une solution. Certes, l'abstention a été forte en 2012, et pourtant, un message politique semble avoir échappé aux uns et aux autres. Et même aux médias : 18,25% d'électeurs, ont fait l'effort de se déplacer pour déposer un bulletin dans l'urne, lequel bulletin a été considéré comme « nul », en vertu de l'article 52 de la loi organique n° 16-10 du 22 Dhou El Kaâda 1437 correspondant au 25 août 2016 relative au régime électoral ! Ils étaient 1704 047 électeurs à s'être déplacés : leur vote a été pourtant annulé ; autant de voix passées sous silence ! Alors que si ça se trouve, un certain nombre d'entre eux, en l'absence d'un « bulletin blanc » approprié que la loi ne prévoit pas, ont, délibérément, glissé dans l'urne « une enveloppe sans bulletin ou le bulletin sans enveloppe », pour dire : qu'ils ne se reconnaissent pas dans les candidats .Qu'ils n'arrivent pas à choisir leur candidat. Qu'ils ne voteront pas pour les sortants. Qu'ils estiment ne pas être, suffisamment, informés des programmes des candidats On appelle cela un « vote blanc » qui est comptabilisé dans la rubrique des suffrages exprimés dans certains pays, notamment en Europe. La Suisse depuis 2003 comptabilise les votes blancs dans les élections au scrutin majoritaire. Mais au second tour, c'est la majorité relative qui est appliquée. L'Espagne et les Pays Bas considèrent les votes blancs valides à toutes les élections. Ils participent aux calculs des avantages. La Belgique à côté du vote obligatoire, dévoile une autre singularité, l'importance du nombre de votes blancs et nuls. En 2003, ils représentent 5,2% des bulletins dépouillés .En Amérique du Sud l'Uruguay reconnait le vote blanc mais applique le vote obligatoire. Au Pérou, lorsque 2/ 3 des électeurs votent blanc, le scrutin est annulé. En Colombie, le vote blanc est une expression valable de la dissidence à travers laquelle le vote blanc est reconnu ; il est comptabilisé dans les suffrages exprimés. Afrique et Moyen-Orient En Tunisie, lors des élections des membres de l'assemblée constituante, en 2011, les votes blancs ont été comptabilisés pour la détermination du nombre des sièges à obtenir par les listes électorales. Ce comportement électoral ne cesse, en réalité, de faire davantage d'émules, à mesure que les élections se succèdent, et ce au point de dépasser, régulièrement, les scores de bon nombre de formations politiques. Paradoxalement, l'attention médiatique portée à ces votes semble inversement proportionnelle à la progression du phénomène politique qu'ils représentent. Comment expliquer ce paradoxe ? La confusion entretenue par l'article 52 de la loi organique n° 16-10 du 22 Dhou El Kaâda 1437 correspondant au 25 août 2016 relative au régime électoral qui ne reconnaît que le « vote nul », compté mais pas comptabilisé, peut-elle constituer un élément de réponse ? Est-ce parce qu'il révèle une crise de l'offre politique qui met à mal les formations politiques dominantes que le vote blanc est ainsi masqué ? Jusqu'à quand tous ces électeurs passés sous silence qui expriment, volontairement, leur insatisfaction politique verront-ils leur vote passé par « pertes et profits » ? Victime d'une confusion statistique, le vote blanc est privé d'une visibilité propre. Déjà important lors des précédents scrutins et déjà largement ignoré, il a atteint en 2012, à l'occasion des dernières législatives, des proportions non entrevues depuis. Aujourd'hui, il n'est pas possible de distinguer les électeurs se trompant ou raturant leur bulletin-les votes nuls-et ceux qui, tout en jouant le jeu de la démocratie, vont aux urnes pour signifier qu'ils ne se reconnaissent en aucun des candidats, les votes blancs. L'heure n'est-elle pas venue de faire un bilan d'étape de la loi organique n° 16-10 du 22 Dhou El Kaâda 1437 correspondant au 25 août 2016 relative au régime électoral ? Dans le département ministériel de Noureddine Bedoui on accorde des largesses à des petits partis leur permettant, par exemple, sur simple signature de leurs chefs, de se regrouper, de fusionner pour dépasser le seuil fatidique des 4% et partant, participer aux élections ; en même temps, on prive un grand nombre d'électeurs à exercer leur droit à voter blanc ! La loi doit être revue pour permettre à ces derniers de s'inscrire dans une catégorie qui leur sera « spécialement » consacrée car la seule rubrique « votes nuls » est trop restrictive pour eux. De plus, l'enveloppe vide, comptée comme un vote nul, rebute un grand nombre d'Algériens qui craignent que la légèreté « matérielle » de leur vote ne les trahisse auprès des membres du bureau de vote capables de deviner la nature de celui-ci. La loi organique n° 16-10 du 22 Dhou El Kaâda 1437 correspondant au 25 août 2016 relative au régime électoral ne prévoyant pas la mise en place de bulletins blancs réglementaires, beaucoup d'électeurs semblent pêcher par incompétence ou, surtout se voient obligés de « parer au plus pressé » en écrivant « vote blanc » sur leur bulletin passant ainsi dans les votes nuls ! D'autres, refusant de se soumettre aux normes électorales, de faire allégeance aux partis et/ou lassés de ne pas voir le vote blanc être considéré comme un vote exprimé, choisissent de se le « réapproprier » en lui donnant une signification personnelle et en l'utilisant comme un étendard de leur propre volonté. Nombre de ces citoyens de toutes conditions, d'âges et de niveaux, continuent, en effet, de céder à la tentation de livrer des « bulletins blancs à message » : autrement dit, des votes nuls qui pourtant constituent un message très réfléchi ! Que faut-il faire ? Il faudrait, d'abord, lever la confusion entretenue par la loi organique n° 16-10 du 22 Dhou El Kaâda 1437 correspondant au 25 août 2016 relative au régime électoral en amendant l'article 52 pour différencier « Les bulletins nuls qui ne sont pas considérés comme des suffrages exprimés lors du dépouillement, des bulletins blancs qui seront pour leur part, comptabilisés ». En conséquence, et pour les législatives du 4 mai 2017, il faudrait mettre à la disposition de l'électeur, concomitamment aux autres bulletins des partis politiques et de leurs candidats, « un bulletin blanc spécialement confectionné ». Il conviendrait ensuite, pour afficher la pertinence du vote blanc et celle de son pourcentage, lui consacrer une colonne lors de la proclamation officielle des résultats du scrutin. Tout en étant un refus de choisir dans l'offre politique proposée, le vote blanc et nul est aussi un refus citoyen de renoncer à voter. Il s'avère être un « droit de choisir de ne pas choisir » qui fait du bulletin de vote bien davantage qu'un instrument destiné à désigner un gagnant. Beaucoup voient dans le vote blanc un « acte délibéré et positif » ou encore un « thermomètre de la démocratie », qu'il était « choquant » d'ignorer. Le but est donc d'encourager le civisme et de redonner de la valeur au geste de l'électeur qui se déplace et vote. Il s'agit aussi de faire reculer les autres formes de contestation lors des scrutins, qu'il s'agisse de l'abstention ou des votes extrêmes. Pour l'abstention, la reconnaissance du vote blanc peut jouer : 1. les abstentionnistes n'ont plus aucune excuse. On pourra considérer qu'ils se désintéressent du scrutin et en conséquence, arrêter de prendre en compte ces « électeurs putatifs », dans le sens de dévaloriser le score et des électeurs et des candidats. 2. Et si l'on venait, à défaut de le comptabiliser, le compter, il impacterait le taux de participation. Pour dire que tout le monde pourrait trouver son compte, à le prendre en compte ! (*) Formule empruntée à Jérémie Moualek Votes blancs et nuls, à qui profite la confusion