A l'heure où le pays traverse une crise financière aiguë due à la baisse des prix des hydrocarbures (source quasi unique des revenus de l'Etat en moyens de payement extérieurs et via la fiscalité pétrolière de financement du budget de l'Etat, en l'absence d'une diversification des sources de la croissance économique), la rationalisation des choix budgétaires est plus que jamais à l'ordre du jour. Il sagit dorénavant pour les collectivités locales, selon les instructions du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, de rechercher et trouver leur propres sources de financement, car l'Etat ne pourrait désormais plus assurer le financement des activités locales comme auparavant. Par conséquent l'action publique devrait être orientée, en dehors des services vitaux pour la population, prioritairement vers des programmes créateurs de ressources. (valorisation de tous les espaces publics). Or nous constatons, malgré les orientations et les appels des pouvoirs publics à plus de retenue dans les dépenses publiques qui doivent être orientées vers l'essentiel (à savoir vers la résolution de problèmes urgents vécus par les citoyens dans les cités urbaines et les villages les plus reculés) , problèmes liés à la santé ( entretiens des structures sanitaires, épuration des eaux usées, maintenance des canalisations d'eau potable, ), à l'éducation (entretiens des établissement scolaires, chauffage durant l'hiver, cantines scolaires, transport des élèves..) , transport, aires de stationnement des voitures (nos villes sont encombrés faute d'espace de stationnement ), traitement des déchets domestiques, solides et liquides...), chez nos administrateurs toujours les mêmes comportements. On continue à penser l'action publique sous le prisme de concepts désuets, comme celui de l' « embellissement des villes et villages » avec des réalisations couteuses qui ont plutôt eu l'effet inverse, à savoir des placettes et des trottoirs réaménagés dans des styles et des matériaux qui ont enlaidis plutôt qu'embellis nos villes et nos villages. A Ain -Temouchent, à titre d'exemple , ou l'auteur de ces lignes réside, tout un boulevard à double voie qui ne posait apparemment aucun problème, a été récemment labouré pour selon les dires de la rue ( faute d'avoir accès à des documents explicatifs et justificatifs de l'action publique, le site web de la wilaya est loin de fournir les informations et les statistiques permettant aux citoyens, de plus en plus instruits, d'apprécier l'action publique en se basant sur des données objectives et non sur les impressions de nature subjectives qui continuent d'être à la base du fossé qui sépare les citoyens des administrations, qui alimentent l'incompréhension et les appréhensions des gouvernés et des gouvernants) une opération d'embellissement de la ville avec implantation de kiosques sur une aire ou les voitures trouvaient ou stationner, car se situant juste en face d'une mosquée assez fréquentée de la ville. A- t-on besoin d'ajouter encore et encore des magasins et des échoppes qui déversent des produits, qui plus est, sont importés. La ville de Témouchent regorge de superettes, de magasins et d'épiceries. Par tête d'habitants on devrait battre des records. A quand un grand centre commercial permettant au citoyens de s'approvisionner en produits contrôlés, aux prix étudiés suscitant des activités en amont (approvisionnement) notamment un développement agro- industriel moderne, diversifié, dans la région qui ne manque pas d'atouts. On observe aussi qu'un terrain juxtaposant une mosquée dans le quartier Hai Zitoun (devenue la plus grande de la ville et sans doute la plus fréquentée) est en train d'être aménagé en espace « embellissement », tout un chantier est à l'œuvre, avec béton armé, piliers et longrines, pourquoi faire ? On se le demande (aucune plaque ne signale la nature du projet entrepris), alors que le bon sens aurait été d'en faire juste un parking (vu le nombre de voitures qui s'y dirigent et ne trouvent guère ou stationner, une caméra aurait nettement saisi le problème de stationnement qui est posé), qui pourrait être payant et être une source de revenus pour la mosquée pour faire face aux dépenses d'entretien, ou pour la collectivité locale. A quel coût ? Nous n'en savons rien, mais surement des sommes considérables qui auraient pu servir plutôt à d'autres fin, ce ne sont pas les problèmes qui manquent dans une ville ou dans les nouvelles cités, et beaucoup attendent des solutions. Le coût d'opportunité, concept cher aux économistes est totalement ignoré (avec le même budget que peut-on faire de mieux dans l'intérêt des citoyens) Un gaspillage qui ne dit pas son nom, assez surprenant au vu des nombreux problèmes non traités et toujours différés , à titre d'illustration les trottoirs qui ne sont guère harmonisés pour permettre aux piétons de les emprunter (Et c'est la un défi lancé aux autorités en charge de la gestion de la ville, permettre aux citoyens de marcher et circuler sur des trottoirs homogènes (propriété publique soulignons le ), les avaloirs qui restent toujours mal entretenus , les quelques espaces vert, qui ne le sont que de nom, qui sont à l'abandon , envahis par les mauvaises herbes Cela nous pousse à s'interroger encore et encore sur la nature des processus décisionnels qui gouvernent l'action publique. La nocivité de l'empirisme mainte et mainte fois dénoncée ne semble guère déranger les responsables de la gestion de la ville, tant les comportements demeurent ce qu'ils sont. Les politiques publiques ne semblent guère être pertinentes, elles manquent de structuration, leurs objectifs sont trop peu repérables, et leurs impacts difficilement appréciables. On peut s'interroger pourquoi ? Et on nous reproche d'émettre des critiques sur l'action publique (critiques voulues au demeurant constructives), de laisser les autorités décider et faire ce qu'elles ont à faire, elles savent bien le faire et ne doivent pas être dérangées !!! Autrement dit de ne pas nous mêler de ce qui nous regarde !!! Les louanges rien que les louanges et surtout pas de critiques !!! « Qui ne dit rien consent » dit l'adage populaire, or il se trouve que nous avons beaucoup à dire , en tant qu'universitaires, sur le plan scientifique (le dernier mot de l'ex. président, assassiné publiquement, Mohamed Boudiaf , Allah Yarhmah, a été de dire « bach faytina (par quoi nous dépassent ils ?) (En parlant des pays développés) bi el ilm (par la science !) Ce que nous enseigne la théorie autant que les expériences internationales en matière d'économie publique, c'est l'importance de l'évaluation des politiques et programmes d'action publics pour rationaliser les choix budgétaires et améliorer l'efficacité et l'efficience de la dépense publique. Le problème chez nous en Algérie, relève donc, si la volonté politique d'un quelconque changement existe dans l'institution systématique de l'évaluation des politiques et programmes d'action publiques pour sortir des sentiers battus de la médiocrité et apprendre à s'améliorer. L'évaluation des politiques publiques, qui devrait être systématique, a surtout un coté pédagogique en dévoilant les insuffisances et les erreurs à ne plus reproduire. Combien de jets d'eau ont-ils été édifiés dans la ville de Ain-Temouchent, combien sont en activité, combien ont-ils été détruits comme celui de la grande place face à la Mairie, faite et refaite, come celui qu'on a détruit a coup de marteau pikeur à la place Verdun et beaucoup d'autres exemples encore, notamment la destruction du petit théâtre qui a vu tant de célébrité se produire à l'intérieur du seul jardin public de la ville alors qu'il suffisait juste de l'entretenir car il s'agit d'un patrimoine de la ville , Eclairant un peu le lecteur et sans doute aussi et surtout nos gouvernants locaux, sur ce concept d'évaluation des politiques, des projets et programmes publics, en soulignant pour commencer que les collectivités locales interviennent dans des champs de plus en plus étendus, depuis les services publics de la vie quotidienne jusqu'aux politiques les plus complexes. Pour faire face à ces obligations les collectivités locales sont confronté plus que jamais (compte tenu du rétrécissement des dotations budgétaires de l'Etat) à des contraintes financières majeures qui exigent impérativement des collectivités des outils de connaissance, de prévision et d'action appropriés. Et c'est un des objectifs poursuivis par les évaluations des politiques publiques. Car l'évaluation est avant tout un mode de questionnement, une démarche d'analyse de l'action publique. Elle s'attache à expliciter la mise en œuvre de l'action publique, sous ses différentes formes, et les relations entre les objectifs, les moyens et les résultats de cette action. C'est un outil de connaissance au service de l'action. L'objectif et l'ambition poursuivie par l'évaluation des politiques publiques consiste à apprécier l'ensemble des maillons de la chaîne de l'action publique et d'appréhender jusqu'aux impacts finaux d'une politique. C'est ce qui caractérise sa spécificité par rapport aux fonctions d'inspection et de contrôle (contrôle technique, financier ), qu'on tend, à tort, à assimiler à l'évaluation. Inspection et contrôle ne décrivent, en fait, le plus souvent que les moyens et les réalisations, qui s'attachent en fait à vérifier la régularité et la conformité à la norme technique et juridique (respect du cahier de charge) et peut déboucher éventuellement sur des sanctions en cas de non respect non justifié des normes. L'évaluation d'une politique publique ne consiste pas seulement à comparer ses résultats aux moyens qu'elle met en œuvre, qu'ils soient juridiques, administratifs ou financiers, et aux objectifs initialement fixés. Elle se distingue des autres modes de contrôle et d'inspection en ce qu'elle doit aboutir à un jugement partagé sur l'efficacité de cette politique et non à la simple vérification du respect de normes administratives ou techniques. L'évaluation est donc à distinguer du contrôle, même si ces deux notions peuvent s'associer. Mais c'est plutôt un double contrôle qui est à la base de l'évaluation, le contrôle interne et le contrôle externe qui sont, complémentaire car tous deux s'attachent à mesurer l'économie, l'efficience et l'efficacité de la politique menée. Elle ne débouche pas sur des sanctions mais sur des connaissances pour l'amélioration de l'élaboration et de la mise en œuvre d'une politique ou d'un programme d'action répondant aux critères à la base de l'évaluation. Ces critères communément admis de l'évaluation des politiques et programmes d'action publics sont Pertinente : l'adéquation entre les objectifs explicites d'une politique et les besoins ou les problèmes rencontres et vécus par les citoyens. Une politique publique qui s'exprime à travers des programmes d'actions, se justifie donc très généralement par l'identification d'un problème réel ou latent vécu ou appréhendé par les citoyens, auquel les pouvoirs publics se doivent de traiter. Une politique sera dite pertinente si ses objectifs explicites sont adaptés à la nature du (des) problème(s) qu'elle est censée résoudre ou prendre en charge. La question de la pertinence est la plus délicate et la plus «politique» que l'évaluation ait à examiner. Par conséquent on décide d'un programmes public d'action pour résoudre un problème dont souffre les citoyens dans leur globalité ou localement situé, quelque soit sa nature. On décide de programmes d'action publics pour améliorer l'existant en second lieu. (Que peut on dire des actions engagées récemment dans la ville d'Ain-Temouchent, dont on a donné quelques exemple plus haut, au regard de ce seul critère ?) Efficiente : elle évalue le rapport entre les moyens mis en œuvre et les résultats de l'action publique. Efficace : elle mesure les résultats obtenus au regard des objectifs et met en évidence les rapports de causalité entre les objectifs, implicites et explicites, et les effets réels des actions publiques. Cohérente dans sa conception et dans son déploiement. La cohérence interne vise l'adéquation entre les objectifs assignés à une politique et les moyens qui lui sont alloués. La cohérence externe désigne l'adéquation entre l'action évaluée et d'autres politiques qu'elle est supposée résoudre. Impact (effectivité) : Quelles sont les conséquences globales de la politique pour la société au plan national comme au plan local ? Ces conséquences sont-elles bénéfiques ? La rationalisation des choix budgétaires s'appuyait sur ces évaluation et tous les indicateurs qui lui sont liés en termes de moyens, d'activité et de résultats à court et long terme qui recouvrent les notions de ressources, réalisations, résultats et impacts. Le langage anglo-saxon est beaucoup plus clair: les moyens ou ressources affectés à l'action sont les «inputs» de l'activité qui produit des «outputs» (réalisations) qui engendrent des «outcomes» (résultats) à court terme et des «impacts» à long terme Enfin et pour ne pas trop nous étendre sur un sujet d'une extrême importance que tous les pays tentent de traiter avec beaucoup d'effort et de moyens (consacrés notamment à la formation, à l'expertise et à la recherche), pour rationaliser l'action publique et être en parfaite alliance et symbiose avec les citoyens que les gouvernants sont sensé servir au mieux, évoquons toutefois un aspect important de l'évaluation a savoir les conditions de sa mise en œuvre. Ce qu'on apprend des expériences internationales (la ou le souci de la gestion publique efficiente est le plus prononcé) c'est que 1. les acteurs de l'évaluation doivent être indépendants et pluralistes, et la conduite des évaluations soit totalement transparente. 2. Le pilotage de l'évaluation des politiques publiques réclame une réelle expertise comme il en ressort de l'abondante littérature sur les « bonnes pratiques » de l'évaluation tant du point de vue tant de la gestion de la démarche que des travaux qu'elle implique. D'où l'importance de la formation dans ce domaine. Un développement satisfaisant de l'évaluation interne des politiques publiques nécessitera un effort de formation, initiale et continue, sans lequel la fonction d'évaluation ne saurait être correctement exercée, si du moins la volonté de s'y engager résolument est exprimée. L'évaluation représente incontestablement une démarche politique qui permettra de renouveler les modes de gouvernance de notre pays, notamment au plan local, si elle est réellement indépendante, pluraliste, transparente et efficace. Malgré l'importance qui lui est reconnue dans les discours sur la réforme de l'Etat, l'évaluation est aujourd'hui quasiment ignorée dans notre pays, sans doute parce que son institution bousculerait notre système politique et administratif, et remettrait en cause bien des privilèges et des fortunes mal acquises. Et pour clore cette contribution comment ne pas évoquer Omar Ibn Abdelaziz ( huitième calife omeyyade qui a gouverné à Damas, mort en 720 à l'âge de 38ans) , considéré comme le cinquième calife bien guidé de l'islam pour sa sagesse, sa justesse et sa grande piété, qui rétribuait des Oulémas, non pas pour lui exprimer des louanges, mais pour formuler des critiques et des observations sur les politiques qu'il poursuivait et sa gestion des deniers publics, pour dévoiler d' éventuelles déviations ou insuffisances au regard des règles de bonne gouvernance auxquelles les gouvernants musulmans doivent s'en tenir. Une source d'inspiration qui devrait demeurer intarissable pour tous les gouvernants en terre d'islam. *Université de Tlemcen