Au Maroc, six mois après la mort à Al Hoceima, ville au cœur du Rif, dans des circonstances effroyables du vendeur de poisson Mouhcine Fikri, l'indignation et la colère soulevées par ce drame ne se sont pas estompées. La population d'Al Hoceima ne cesse depuis en effet d'enchaîner les manifestations pour réclamer justice mais aussi pour exprimer des revendications politiques et sociales contre la marginalisation de la région du Rif. La tournure prise par ces manifestations dans une province historiquement frondeuse accroît les inquiétudes du palais royal et du Makhzen déjà confrontés à une montée du mécontentement social à travers l'ensemble du royaume généré par la grave crise économique et financière que connaît le pays. Pour toute réponse à cette agitation sociale qui au Rif prend l'allure d'une contestation politique visant la gouvernance du roi et du Makhzen, les autorités marocaines alimentent une campagne médiatique visant à faire accroire à leur opinion publique que les tensions qui agitent le pays sont le fait d'une « main » étrangère qui manipule leurs instigateurs et animateurs. Selon la propagande du Makhzen, cette « main » étrangère est évidemment algérienne et c'est donc contre l'Algérie qu'elle se déchaîne. C'est à une véritable diabolisation du pays voisin qu'elle s'adonne en lui prêtant des menées anti-marocaines qui outre qu'elles chercheraient à attiser la fronde sociale qui couve dans le royaume seraient attentatoires à sa sécurité nationale. Et pour que les surréalistes accusations portées contre l'Algérie fassent effet auprès de l'opinion marocaine, le Makhzen fait donner l'un des plus hauts responsables des services de renseignement et de sécurité du pays en l'occurrence Abdelhak Khiame, directeur du Bureau central d'investigations judiciaires (BCIJ). Lequel a tenu des propos sur l'Algérie rapportés par la presse marocaine enrôlée dans la campagne de diabolisation de ce pays qui sont d'une extrême gravité. Selon ce personnage, l'Algérie aurait été « derrière » la création de nombre de groupes terroristes « qui menaceraient la sécurité de la région et par voie de conséquence celle du royaume ». Pareille accusation rappelle que les autorités marocaines et leurs relais médiatiques ont déjà utilisé cette « ficelle » lors des attentats de Casablanca qu'ils ont imputés à la « main » de l'Algérie. Imputation qui a été prise pour argent comptant par les crédules marocains incapables d'imaginer que les autorités de leur pays l'ont formulée pour les détourner de la revendication sociale et politique qui commençait à agiter le Maroc en prenant une forme organisée et menaçant de fédérer le mécontentement populaire. L'on assiste à un « bis repetita » du stratagème. Ce n'est pas ce qui va mettre un terme à la véritable fronde politique qui unit les Rifains réduits au statut de citoyens de seconde zone du royaume, ni la contestation sociale qui ailleurs dans celui-ci s'élargit et se radicalise. Et l'Algérie n'est pour rien dans cette situation dans le pays voisin qui n'a de raison que les frustrations provoquées chez les Marocains par des gouvernants dont l'impéritie n'a d'égale que leur voracité prédatrice.