Le Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune, n'a pas fait grand mystère de ses priorités dès son intronisation à la Primature: poursuivre le programme de réalisation de logements, toutes formules confondues. Plus que la Santé et l'Education, le chef du gouvernement veut achever un des plus importants chantiers du président Bouteflika: donner un logement à tout Algérien demandeur, raser définitivement les bidonvilles, et mettre fin à la crise de logement. Un programme étalé sur quatre mandats qui a déjà permis des avancées sociales importantes en termes d'amélioration des indices de développement humain de l'Algérie. Mais, l'élan a été freiné net depuis au moins la rentrée sociale de 2016. En cause: le non paiement des échéances des entreprises du BTPH, à la suite des drastiques coupes et restrictions budgétaires des collectivités locales, principal maître d'œuvre des projets d'habitat. Dans le même temps, un désengagement inexpliqué du principal partenaire financier du ministère de l'Habitat, le CPA, a compliqué davantage la situation de dizaines de milliers d'entreprises du BTPH. Résultat: retards dans les salaires des ouvriers, pas de paiement des redevances fiscales, chantiers à l'arrêt, retard dans les livraisons, colère des souscripteurs et au final, un marasme social et économique qui commence à prendre de l'ampleur. Le Premier ministre a annoncé qu'une enveloppe de 60 milliards de dinars, sur une créance globale de 130 mds de DA sera débloquée dans les tout prochains jours pour payer les entreprises et les décongestionner financièrement. Un retard intolérable que le Premier ministre lui même avait dénoncé alors qu'il était ministre de l'Habitat. Pour autant, la crise des entreprises de BTPH touchées par ces retards de paiement est en train de s'étendre à tous les métiers liés au secteur de la construction, et comme un château de cartes, les entreprises qui n'ont pas assez de ressources sont déjà en faillite, ce qui, sur le plan social, a mis des milliers de travailleurs au chômage. C'est une situation extrêmement dangereuse, qui risque de provoquer la faillite des quelque 45.000 entreprises, qui opèrent dans le BTPH. Une inquiétante éventualité, car si les projets d'habitat et d'infrastructures sont bloqués, c'est toute l'économie nationale qui va s'écrouler, même si le baril de pétrole monte au-delà des 100 dollars, qui est le seuil de rentabilité pour les exportations algériennes d'hydrocarbures. Car une remontée des cours du brut ne peut en aucune manière être une solution aux centaines de milliers d'ouvriers des chantiers du BTPH qui seront au chômage avec la faillite des entreprises du secteur. L'autre danger est que les recettes de la fiscalité ordinaire tirées des activités du BTPH vont chuter drastiquement, ce qui aura un impact direct sur les salaires des fonctionnaires, payés par le Trésor. Dans la périphérie des entreprises du BTPH, il y a également toute une industrie des matériaux de construction qui fait vivre des dizaines de milliers de famille dans le pays, et qui est déjà à son tour lourdement affectée par les difficultés financières des entreprises du BTPH. En clair, la crise qui secoue depuis au moins six mois le secteur du BTPH commence à avoir des incidences graves sur l'économie nationale. ll n'est donc pas étonnant que M. Tebboune fasse des pieds et des mains pour que les chantiers de BTPH ne s'arrêtent pas, et que ceux qui sont à l'arrêt redémarrent. S'il a obtenu un sursis en trouvant 60 milliards de dinars pour payer les entreprises, le fond du problème reste entier, à savoir que si le BTPH tombe, ce sera une catastrophe économique pour le pays.