L'Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe accusent le Qatar de soutenir le terrorisme islamiste et décident de l'isoler. Peu convainquant comme argument. Le coup de force diplomatique, car s'en est un, fomenté par l'Arabie Saoudite et ses alliés du Golfe, contre le Qatar s'apparente bien à un « coup de Jarnac » tant la proximité et le cousinage sanguin entre les frères arabes du Golfe, en particulier entre le Qatar et l'Arabie Saoudite, sont à la base du partage légitime de cette région en royaumes « familiaux » héréditaires de père en fils, de cousin en oncle. Mais pas que, puisque le mode de gouvernance politique de ce front anti Qatar tire sa source de l'idéologie islamiste dont l'Arabie saoudite revendique la légitimité historique, non sans une fierté et une certaine exclusive. Dans ce sens, justifier la rupture des relations diplomatique avec le Qatar, en l'accusant d'être le (seul) soutien et pourvoyeur du terrorisme islamiste paraît, pour le moins, incongru et mystérieux. L'Arabie Saoudite, meneur de cette soudaine et violente attaque contre son cousin qatari, espère-t-elle se faire une virginité politique et idéologique, aux yeux du reste du monde, quant à son influence et sa proximité du courant salafiste violent qui alimente la nébuleuse terroriste qui se réclame d'un islam rigoriste? Il ne s'agit pas de dédouaner le Qatar de son soutien financier et logistique à la subversion islamo-terroriste, en Libye, au Sahel et jusqu'en Afrique de l'Ouest, mais de s'interroger sur la raison évoquée par l'Arabie Saoudite pour justifier cette mise à écart du Qatar, celle du « soutien au terrorisme au nom de l'islam » qui intrigue plus qu'elle n'éclaire sur le fond de cette affaire inter-arabe. Il aurait fallu que l'Arabie Saoudite soit un modèle de liberté et de démocratie chez-soi et un allié engagé dans les cause arabes notamment celle de son voisin palestinien, gardien du troisième lieu saint de l'Islam, El Qods (Jérusalem), pour faire accroire à une indignation, face au comportement du Qatar. Non, cette crise diplomatique et politique, dans la région, obéit à un « ordre de route » qui remodèle depuis les fameux printemps arabes, toute la donne géostratégique de cette région. L'erreur stratégique des pays du Golfe ( CCG) a été leur alignement sur la coalition occidentale menée, notamment par la France et l'Angleterre, contre la Syrie et leur aventure au Yémen croyant, naïvement, éviter les réplique du « printemps arabe», chez eux. On se souvient de la révolte à Bahreïn de la population chiite, majoritaire, contre le pouvoir sunnite minoritaire et les accusations et contre accusation entre Téhéran et Ryad qui a envoyé son armada Bahreïn. Sur le flanc sud de l'Arabie, on assiste à une sale guerre au Yémen où encore une fois, ces deux pays s'affrontent par peuple yéménite interposé. Idem, sur la question syrienne où l'Arabie Saoudite est, autant que le Qatar, dans l'axe occidental face à celui constitué par la Russie et l'Iran. C'est dire combien le prétexte de « soutien au terrorisme », même avéré, évoqué par Ryad et ses alliés, dans cette affaire, ne convainc pas. La donne est beaucoup plus complexe et a des ramifications jusqu'à Washington et aussi Paris et Londres ciblés particulièrement, par des attentats terroristes ces derniers mois. Quant à L'Egypte, le compte est ancien avec le Qatar, depuis le coup d'Etat contre le gouvernement élu de l'islamiste Morsi soutenu par le Qatar. En revanche, l'alignement de l'Egypte derrière l'Arabie Saoudite( sous le prétexte évoqué de soutien au terrorisme) est intrigant sachant les liens étroits entre le courant des Frères musulmans égyptien et le salafisme wahabite saoudien. La décision d'isoler le Qatar risque d'imploser ce qui reste de stabilité politique dans les monarchies du Golfe, d'aggraver la rivalité entre Ryad et Téhéran (Le Qatar est le seul pays du Golfe a avoir des relations apaisées avec l'Iran et joue le médiateur sur le plan diplomatique, entre l'Iran et les pays du CCG). Il est certain que le Qatar ne va pas subir, sans réagir, sa mise à l'écart et son isolement politique et diplomatique et va actionner ses nombreux soutiens, en Europe, et ailleurs pour se défendre. Un nouvel épisode de conflit politique s'ouvre dans cette région convoitée par des appétits féroces et contradictoires avec le risque d'une recrudescence de la violence terroriste.