Un groupe de harraga algériens composé de 40 personnes a été débarqué, hier matin, au port d'Oran en provenance d'Alicante, dans le cadre d'une procédure d'expulsion lancée par les autorités espagnoles qui devra, à terme, concerner plusieurs centaines de migrants clandestins algériens. Les quarante ressortissants algériens rapatriés ont été entendus par les services de la police des frontières du port d'Oran avant que leurs dossiers ne soient transférés aux autorités judiciaires pour immigration clandestine. Originaires, principalement, de trois wilayas de l'Ouest algérien, à savoir Mostaganem, Relizane et Chlef, les 40 harraga algériens semblaient hier «très éprouvés» par leur séjour carcéral au niveau de la prison d'Archidona dans la province de Malaga, un établissement pénitentiaire utilisé depuis novembre dernier comme centre pour les sans-papiers, officiellement, suite à la saturation des centres d'accueil réservés aux migrants à Carthagène et à Murcie. Une prison qui avait, pour rappel, suscité une vive polémique en novembre dernier, aussi bien en Espagne qu'en Algérie, suite au décès en détention, dans des «conditions troubles», d'un clandestin algérien âgé de 36 ans. Un drame qui a mis au grand jour les conditions inhumaines dans lesquelles étaient incarcérés quelque 550 migrants clandestins, principalement des Algériens. «J'ai été détenu pendant 49 jours au niveau de la prison d'Archidona (Malaga 2)», témoigne Abdelkader, un jeune de 24 ans originaire de Oued Rhiou dans la wilaya de Relizane, «dans des conditions d'incarcération indignes même pour des animaux». «Nous les Algériens, on était mis dans quatre blocs de la prison. Chaque bloc pouvait regrouper quelque 150 détenus. On passait toute la journée, de 8h du matin jusqu'au soir à 19h, rassemblés comme du bétail en plein air, dans la cour et ce, quelles que soient les conditions météorologiques», affirme-t-il. Et d'ajouter : «On ne rejoignait nos cellules (quatre par cellule) qu'à la tombée de la nuit pour dormir». Mais le plus dur à supporter, c'était surtout «le comportement des gardiens de la prison. Un comportement agressif et le plus souvent injustifié. Un comportement qui s'est manifesté dès les premières heures de notre incarcération», soutient-il. «Plusieurs détenus sont roués de coups pour un oui ou pour un non. Le simple fait de fixer un gardien dans les yeux suffisait à déclencher l'ire des gardiens qui se mettaient souvent à plusieurs pour tabasser à coups de matraque le détenu «indélicat». Quand ils ont constaté que les détenus pouvaient réagir collectivement contre ces agressions, ils ont changé de tactique. Ils reportaient leurs expéditions punitives au soir à l'abri des regards et surtout des caméras de surveillance, en sortant le détenu de sa cellule et en le corrigeant à coups de matraque. C'est ce qui s'est passé pour Mohammed Bouderbala, l'Algérien retrouvé mort le matin dans sa cellule», affirme-t-il. «Ils disent qu'il s'est suicidé. C'est faux ! Il a été rudement tabassé la veille par les gardiens», accuse-t-il. Une version des faits partagée par Mohammed, un autre expulsé rencontré hier au port d'Oran. Agé aussi de 24 ans, et originaire de Mostaganem, tout comme le défunt Mohamed Bouderbala, il confirme l'agressivité des gardiens de la prison. Une agressivité, souligne-t-il, qui semblait «méthodique et systématique, avec un objectif précis, celui de nous briser psychologiquement». «Et gare à celui qui ose contester quoi que ce soit ou même donner un simple avis. Personne n'était épargné de ce traitement. De la haine à l'état brut. Et on ne se gênait pas à nous le dire explicitement», soutient-il. Mohamed se rappelle la fois où les détenus ont fait savoir aux gardiens que les repas qui leur étaient donnés n'étaient pas suffisants. Un demi-panini, le matin, midi et soir. La réponse des gardiens est sans équivoque : «Si on vous donne à manger, c'est juste pour que vous ne creviez pas ! Le temps qu'on vous foute dehors», dit-il. «C'est la pire expérience que j'ai eu à endurer dans toute ma vie. Les pires 49 jours de toute mon existence. J'ai entamé mon voyage le 29 décembre dernier à partir d'une plage à Mostaganem avec plein de rêves. J'en reviens brisé avec mes désillusions. Je m'estime, tout du moins, chanceux. Je suis vivant et en bonne santé», conclut Mohamed.