Le gouvernement sonne le glas du système des subventions tous azimuts. Le nouveau dispositif visant le ciblage efficace des couches vulnérables et éligibles à l'aide de l'Etat est en mutation. Le dossier des subventions ciblées, à en croire le ministre du Commerce, serait « le plus gros dossier qui est sur la table du gouvernement »...Rien que cela ! Après l'interdiction de l'importation de 900 produits, le gouvernement opte pour un nouveau calcul d'épicier pour réduire les dépenses destinées à subventionner les produits de large consommation. Il y aura toujours des experts en économie qui expliqueront, avec amples détails, les bienfaits de la suppression des subventions des produits de large consommation sur l'économie nationale et les équilibres financiers du Trésor Public. Ils nous diront que ces subventions ne profitent pas uniquement aux pauvres et qu'elles représentent un énorme gouffre financier pour l'Etat. Ils exposeront des statistiques actualisées sur les dépenses annuelles octroyées par l'Etat pour garantir du pain, du lait et de l'huile à bon prix pour les indigents. Ils iront plus loin ! Ils énuméreront les inconvénients des subventions tous azimuts : gaspillage, contrebande, détournements. Bien sûr, tout cela est peut-être vrai, mais la véritable question est comment cibler les couches vulnérables de la société dans une économie gangrenée par l'informel ? Tout le monde sait que le gouvernement n'a pas les moyens de sa politique. Il ne dispose, en réalité, d'aucune statistique fiable sur le nombre réel des pauvres dans le pays, non qu'il n'existe pas de nécessiteux dans l'Algérie heureuse, mais le problème est que des pans entiers de la société vivent dans la plus totale clandestinité. Ils habitent dans des bidonvilles aux périphéries des grandes villes ou, dans les meilleurs des cas, dans des logements sociaux acquis par désistement, ils ne sont déclarés ni à la CNAS, ni à la CASNOS, ni au fisc, ils travaillent au noir chez des patrons privés ou se débrouillent comme ils peuvent dans des activités parfois lucratives. Le gouvernement peut-il garantir que ces allocations seront destinées essentiellement à des personnes dans le besoin ? Quand on se rappelle des milliers de logements détournés, des primes de scolarité accordées à des personnes aisées alors que les vrais nécessiteux en sont exclus, des couffins de Ramadhan qui profitent à qui ne méritent pas on reste sceptique devant les assurances du ministre du Commerce qui jure, haut et fort, que tout est prévu pour assurer une « traçabilité » de ces allocations. Outre les contraintes d'application de ce nouveau dispositif, une autre question se pose avec acuité : qui profitera de ces subventions ? Le gouvernement veut cibler uniquement les personnes sans revenus ce qui est une initiative, de prime abord, fort louable mais concrètement les hausses des prix des produits de large consommation affecteront aussi les petits salaires. Ces pères de familles qui triment pour des salaires dérisoires seront exclus de ces allocations ciblées. Une injustice de trop infligée à ces travailleurs pauvres qui n'aspirent qu'à vivre dans la dignité. Ce dispositif de ciblage risque ainsi de causer plus de tort que de bien. A vrai dire, le gouvernement s'en lave les mains du sort des couches vulnérables. Ces subventions ciblées ont été décidées par acquis de conscience. Les pouvoirs publics ont trouvé dans ces subventions ciblées un alibi pour libérer les prix des produits de large consommation et se dédouaner de leurs responsabilités envers les couches en situation précaire. Mais comme le proverbe algérien le dit si bien, « qui compte seul fait un mauvais calcul ». La réalité des prix c'est bien, la réalité des salaires serait mieux. Quand les prix augmentent, les salaires doivent suivre. Alors, avant de penser à libérer les prix, il faut libérer d'abord nos salaires.