Reprenant une idée, née en 1972 au Bhoutan, une mini enclave bouddhiste située dans la chaîne montagneuse de l'Himalaya, du roi Jigme Singye qui avait cessé de définir le niveau de vie de ses habitants avec les chiffres froids du Produit intérieur brut (P.I.B), l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) aurait récemment proposé d'utiliser dans ses statistiques l'indice du «Bonheur intérieur brut» (B.I.B.). En effet, cet indice-là ne prend pas seulement en compte le niveau de revenu de chaque citoyen, mais aussi la qualité de son logement et de son emploi, sa santé, sa vie en communauté, son sentiment de satisfaction personnelle des décisions prises par ses gouvernants, ses relations dans son milieu, avec sa famille et son entourage. A en croire les concepteurs de cette nouvelle notion, la contribution de l'aspect matériel au bonheur individuel est à relativiser. Car, la vie en société est en grande partie tributaire de la qualité du climat social général. Ainsi constatent-ils qu'il ne suffit pas seulement, par exemple, à un citoyen d'être très riche pour qu'il se sente vraiment heureux là où il vit, mais d'avoir aussi un environnement social apaisé et favorable pour son confort. Ce qui est à même de l'aider à mieux investir ses idées, son savoir-faire, son intelligence, son civisme, son dynamisme et sa souplesse au service des siens et de la nation. Puis, rien de positif n'est acquis pour un pays lorsque ses gouvernés se sentent sous-estimés par ceux qui les gouvernent, blâmés ou réprimés à la moindre revendication d'ordre social, culturel ou politique. Appliquons maintenant tous ces critères-là du «bonheur intérieur brut» aux Algériens de nos jours et tentons de savoir ce qu'il en est. Sans aucun doute, leur cas se résumera dans cette citation de l'écrivain français Jacques Prévert : «J'ai reconnu le bonheur au bruit qu'il a fait en partant». D'autant que, la société dans laquelle ces derniers vivent est comme minée en profondeur par des contradictions et des problèmes aussi complexes qu'insolvables tels que la mauvaise gouvernance, la corruption, les inégalités sociales, les tabous en tous genres, etc. Ce qui les empêche de s'accomplir avec harmonie dans leur citoyenneté, inversant parfois dans leurs têtes la notion des «droits» et celle des «devoirs» ! En outre, s'étant rendu compte que plus de 1.000 milliards de dollars sont dépensés en moins de deux décennies pour presque rien, les Algériens se découvrent aujourd'hui comme trahis par leurs élites et prisonniers d'un climat social délétère, incapables d'imaginer une suite favorable à leurs espérances pour une sortie de la crise actuelle.