La Journée du savoir à Guelma est liée avec un grand pan de notre histoire, notamment la disparition du martyr Souidani Boudjemâa, tombé au champ d'honneur le 16 avril 1956. La commémoration du 62e anniversaire de la mort de cette grande figure emblématique du mouvement national de libération a été marquée par une cérémonie devant la statue en bronze en grandeur nature de cet héros-symbole. Elle est érigée sur un socle au milieu du boulevard qui porte son nom et en face du cinéma «Le Triomphe», où 75 années avant, le rebelle avait organisé et dirigé une protesta populaire, pour dénoncer un arrêté ségrégationniste des autorités coloniales, qui interdisait aux «indigènes» l'accès à cette salle de cinéma. Né le 10 janvier 1922 à Guelma, ce jeune féru de football, au sein de l'Espérance sportive de Guelma, avait déserté l'école publique française après s'être hissé à la première partie du baccalauréat, fuyant ainsi les brimades des enseignants arrogants envers les élèves «indigènes». Il adhéra au PPA très jeune et fut profondément affecté par les sanglants massacres du 8 mai 1945. Il s'engagea dans la voie révolutionnaire contre l'ordre colonial, en commençant par se procurer des armes de guerre auprès d'un militant travaillant au magasin d'armement de la caserne militaire. En juin 1946, une cache d'armes fut découverte et il fut arrêté et condamné à 18 mois de prison pour vol et recel d'armes de guerre. Lors de son procès, il répondait au juge dans un français parfait: «Ces armes, monsieur le Président, sont destinées à la lutte armée que va engager le peuple algérien contre les colons étrangers». Tenir un tel langage dans la tanière du fauve au moment même où la ville pansait encore ses meurtrissures après le génocide, c'était le propre de cette personnalité hors normes qui allait méthodiquement organiser sa propre riposte et son propre combat. A sa sortie de prison en 1947, il fut nommé responsable de l'OS pour la région de Skikda, avant de disparaître suite à la découverte par les gendarmes d'une camionnette transportant des explosifs, dans la région d'El-Harrouch. Fuyant toujours l'ordre colonial, il se replia dans l'Oranie et c'est dans son domicile clandestin, dans les faubourgs d'Oran, que fut mise au point l'attaque de la poste d'Oran en 1949. Les fonds dérobés aux guichets avaient servi au financement des achats d'armement pour la future lutte armée. Pour cet acte, le tribunal d'Oran prononça une condamnation à la réclusion aux travaux forcés à perpétuité. Au démantèlement de l'OS en 1950, il se réfugia dans les collines de la Mitidja. Lors d'une interpellation de la police à Boudouaou, il tire sur un inspecteur de la police judiciaire et replonge totalement dans la clandestinité. Pour la mort de l'inspecteur Cullet, il fut condamné à mort par contumace, le 19 juillet 1952, par la cour d'assises d'Alger. Membre fondateur du Comité révolutionnaire pour l'unité et l'action (CRUA) et membre du groupe des «21», il fut désigné adjoint de Rabah Bitat pour la zone algéroise et prit en charge l'organisation des maquis de Chréa et se prépara pour le 1er novembre 1954. Lors de cette réunion, il fut le catalyseur qui effaça toutes les réticences et les hésitations sur la date exacte du déclenchement de la lutte. «Si l'on se dit révolutionnaire, nous devons prendre cette décision aujourd'hui». Il avait la qualité humaine de meneur d'hommes et dirigea plusieurs actions contre les positions ennemies dans les massifs de Blida, à Boufarik, Koléa et Chréa. Il tomba au champ d'honneur le 16 avril 1956 au lieu-dit Magtaa Kheïra sur l'oued Mazafran près de Koléa. Le rebelle se rendait à moto à un rendez-vous avec des journalistes quand il fut intercepté par un barrage de la gendarmerie. Il souhaitait mourir debout, les armes à la main, et dans cette ultime et fatale confrontation, son vœu fut exaucé. Cette commémoration jumelée cycliquement avec la Journée du savoir nous propulse dans la nécessité de transmettre aux générations montantes, toutes les strates de notre histoire marquées du sceau de la bravoure, de l'intrépidité et des hauts sacrifices, de l'abnégation de toutes ces femmes et ces hommes connus ou anonymes, qui n'avaient à aucun moment hésité à aller au sacrifice suprême pour libérer la patrie et le peuple de la longue nuit coloniale.