Les raisons qui ont poussé le Maroc à rompre ses relations diplomatiques avec l'Iran, sinon les relations tout court, restent pour le moins étonnantes, de l'avis des observateurs. Ceux-ci notent également qu'au passage le royaume chérifien n'a pas raté l'occasion d'accuser, une fois de plus, l'Algérie dans un conflit territorial qui ne concerne que lui et le Front Polisario. Au lendemain de ses graves accusations contre l'Iran et le Hezbollah, qui soutiendraient le Front Polisario et entraîneraient les combattants sahraouis, le ministère iranien a démenti avec la plus grande vigueur cette grave dérive. «Nous rejetons la mise en cause de la diplomatie marocaine», déplore le ministère des Affaires étrangères iranien. «Les remarques attribuées au ministre des Affaires étrangères marocain (Nasser Bourita) sur une coopération entre un diplomate iranien et le Front Polisario sont mensongères», assène le ministère iranien des Affaires étrangères, ajoutant que «l'Iran dément fermement ces accusations et déplore qu'elles servent de prétexte à une rupture diplomatique». En outre, les autorités iraniennes «considèrent que cette affaire est totalement dénuée de fondement», ajoute la même source qui précise que «l'Iran a toujours eu comme ligne de conduite le respect de la souveraineté et la sécurité» des pays avec lesquels la République islamique entretient des relations diplomatiques, et «la non-ingérence dans leurs affaires intérieures». Mardi, le Hezbollah libanais a lui aussi dénoncé «ces allégations» dans un communiqué rendu public quelques heures après l'annonce du ministre marocain. «Il est regrettable que le Maroc nous adresse ces accusations sans fondement sous la pression des Etats-Unis, d'Israël et de l'Arabie saoudite». Selon le Hezbollah, la diplomatie marocaine aurait dû trouver un argument plus convaincant pour rompre ses relations avec l'Iran». De son côté, le Front Polisario a qualifié de «grand mensonge» l'affirmation du Maroc selon laquelle le Front entretient des relations dans le domaine militaire avec l'Iran et a mis Rabat au défi de présenter les preuves de ses «fausses allégations». Le coordinateur du Front Polisario avec la Minurso, M'hamed Khadad, a indiqué que l'action de Rabat obéit à un «petit opportunisme politique» qui vise à «contourner la reprise des négociations politiques directes demandée par l'Onu» pour le règlement du conflit du Sahara occidental à travers un référendum d'autodétermination du peuple sahraoui, un processus en cours depuis le cessez-le-feu de 1991. M. Khadad, coordinateur du Front Polisario avec la Minurso (Mission de l'Onu pour l'organisation du référendum au Sahara occidental), a expliqué dans une déclaration à l'agence espagnole EFE que «le Front Polisario n'a jamais eu de relations militaires et n'a pas, non plus, reçu d'armes ou entretenu des contacts militaires avec l'Iran ou le Hezbollah». «C'est une mascarade et un grand mensonge. Le Maroc cherche une protection de son retrait des négociations (avec le Front Polisario) qui devraient conduire à une consultation, l'autodétermination de l'ancienne colonie espagnole, conformément au plan de règlement onusien», a-t-il expliqué. «Nous mettons au défi le Maroc de fournir la moindre preuve. Le Maroc vit dans la folie et ne sait pas comment sortir de son obligation de dialogue», ajoute-t-il. Dans une conférence de presse sur le même modèle de communication adopté la veille par le Premier ministre israélien pour accuser Téhéran concernant son programme nucléaire, le chef de la diplomatie marocaine a assuré mardi que «le Maroc a des preuves irréfutables sur ce soutien militaire» de l'Iran au Front Polisario et affirme que Téhéran et le Hezbollah auraient entraîné des combattants sahraouis et leur auraient fourni des armes, dont des missiles Sam 9. Selon Nasser Bourita, le Maroc «dispose de preuves irréfutables, de noms identifiés et de faits précis qui corroborent cette connivence entre le Polisario et le Hezbollah contre les intérêts suprêmes du royaume». C'est à quelques détails près le même discours développé la veille par Netanyahu contre l'Iran, pour amener le président américain Donald Trump à dénoncer le fragile accord sur le nucléaire. Pour autant, le Maroc, non content d'accuser l'Iran et de rompre ses relations diplomatiques, a également accusé l'Algérie d'être co-auteur de cette manœuvre de déstabilisation du royaume. Selon le ministre marocain des Affaires étrangères, le Maroc a «des preuves et des données accablant au moins un diplomate à l'ambassade d'Iran en Algérie. Ce dernier aurait participé pendant au moins deux ans comme facilitateur entre le Hezbollah et le Front Polisario à des actions pour former des soldats du Polisario dans les actions de guérilla urbaine et les attaques contre le royaume du Maroc». Il poursuit que «des experts démineurs et des instructeurs militaires du Hezbollah ont voyagé à Tindouf pour former les commandos du Front Polisario, mais l'incident le plus grave a été la livraison au Polisario ce mois de missiles anti-aériens de fabrication russe SAM-9 et SAM-11 et des missiles Strella», a par ailleurs déclaré Nasser Bourita à l'agence espagnole EFE. D'autre part, le diplomate marocain a affirmé qu'«une commission de soutien aux Sahraouis a été formée au Liban avec le soutien du Hezbollah et, cette même année, un responsable du mouvement chiite a visité Tindouf». Soutien de Ryadh Des accusations gravissimes qui ont, fatalement, reçu le soutien de l'Arabie saoudite qui mène une guerre féroce contre le Hezbollah, les chiites et l'Iran, qu'elle accuse de vouloir déstabiliser toute la région. Hier mercredi, Riyad a en effet apporté son plus ferme soutien à la décision marocaine de rompre ses relations diplomatiques avec Téhéran et déclaré se tenir aux côtés du Maroc face à «tout ce qui menace sa sécurité, sa stabilité et son intégrité territoriale». «Le gouvernement saoudien condamne fermement l'ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la milice terroriste du Hezbollah, qui entraîne les éléments du soi-disant groupe Polisario en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité» du Maroc, précise une source officielle au ministère saoudien des Affaires.