Hassane Nasrallah, le secrétaire général du Hezbollah libanais, a ouvertement accusé le Maroc d'avoir coopéré avec les services secrets israéliens du Mossad dans l'affaire des accusations contre son mouvement sur des prétendues livraisons d'armes au Front Polisario, via l'ambassade d'Iran à Alger. «C'est clair que ce sont les services israéliens qui ont fourni ces noms aux Marocains», a-t-il indiqué, ce vendredi, dans un discours télévisé, faisant référence à une liste de noms présentée par Rabat, impliqués dans cette affaire. Début mai, le Maroc rompt ses relations diplomatiques avec l'Iran, accusé d'avoir facilité la livraison d'armes au Front Polisario par l'intermédiaire de son allié du Hezbollah libanais. Téhéran a démenti, pour sa part, ces accusations, qualifiées de «mensongères». Lors d'une conférence de presse à Rabat, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, avait assuré qu'une «première livraison d'armes avait été récemment fournie au Polisario», via un «élément» à l'ambassade iranienne à Alger. Nasrallah a demandé au Maroc de présenter des preuves. «Où sont les preuves ? Avez-vous des enregistrements ? Une vidéo ? Des témoins ?», a-t-il notamment réclamé, affirmant que «dans la liste de noms présentés par le Maroc, certains n'ont aucune relation avec le travail militaire et sécuritaire du Hezbollah». A ce propos, il rappellera que Bourita a prétendu avoir présenté à son homologue iranien «un dossier sur l'implication du Hezbollah avec le Front Polisario», mais en réalité, explique-t-il, «il lui a présenté une demi-feuille» en absence de tout dossier. «Il n'a pas été capable de présenter même pas une feuille. Il avait juste quelques noms et a refusé de les communiquer au ministre iranien», ajoute le chef du mouvement chiite. Le chef de la diplomatie marocaine a affirmé, dans un entretien à Jeune Afrique, publié il y a une semaine, que son pays a transmis à l'Iran un dossier «minutieusement préparé, pendant des semaines, sur la base d'informations collectées et recoupées sur plusieurs mois» qui «récapitule des faits avérés et précis : dates de visites de hauts cadres du Hezbollah en Algérie, dates et lieux de réunion qu'ils ont tenues avec des responsables du Polisario, listes des agents engagés dans ces contacts». Si la sortie de Nasrallah est la première à ce sujet, le Hezbollah avait déjà commenté les accusations marocaines, jugeant «regrettable que le Maroc lance des accusations infondées sous pressions américaines, israéliennes et saoudiennes». Pourtant, ces accusations ont été reçues avec beaucoup de scepticisme par l'opinion internationale y voyant une manœuvre de Rabat de polluer les prochaines échéances prévues pour le règlement du dossier sahraoui. Un diplomate arabe, sous couvert d'anonymat, cité par Le Monde, a déclaré qu'«il s'agit d'une invention totale des Marocains, qui sont capables de trouver le moindre prétexte pour refuser de se rendre à la table des négociations» avec le Front Polisario. Rappelons que l'ambassadeur du Maroc a été convoqué par le ministère algérien des Affaires étrangères qui lui a fait part du rejet par les autorités algériennes des propos «totalement infondés», mettant indirectement en cause l'Algérie. Pour sa part, le Front Polisario a condamné «fermement» les allégations marocaines «irresponsables, éhontées et mensongères» qui dénotent «les tentatives du Maroc de se soustraire à l'application de la décision du Conseil de Sécurité 2414» concernant la poursuite des négociations directes entre les deux parties. Le diplomate arabe, cité par Le Monde, a rappelé qu'il y a deux ou trois ans, «Rabat avait déjà accusé le Polisario d'entretenir des liens avec Al-Qaïda», soulignant que «cette crise diplomatique permet au royaume de faire plaisir à ses parrains du Golfe, les Saoudiens et les Emiratis, et d'aller dans le sens du nouveau conseiller à la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Bolton».