En ce 27 juin 2018, «la faucheuse» t'a ravi à tous ceux que tu aimes et qui t'entourent, ton épouse, tes enfants, ta famille mais aussi tes nombreux amis. La mort, que tu as trompée par deux fois miraculeusement. D'abord en 1961 alors que tu étais étudiant à l'école de médecine d'Oran (située dans l'enceinte du CHUO, dans l'actuel service de neurochirurgie) quand un commando de l'OAS investit les lieux. Tu as été caché par les religieuses dans la «communauté «, puis une deuxième fois lorsqu'en 1996, revenant d'Alger, tu tombais sur «un faux barrage». C'est aussi par miracle que les terroristes ont décidé de t'épargner en dernière minute après t'avoir «préparé «à l'exécution. Ces deux miracles t'ont permis de continuer tes études de médecine, et devenir à la fin des années 80, professeur de pneumologie. Mais ton destin hospitalo-universitaire était ailleurs, quand sous l'impulsion du professeur Zirout Lamine (Allah yerhmah) tu te consacreras à l'oncologie, à un moment où la transition épidémiologique en Algérie commençait à faire du cancer une priorité. J'ai eu déjà, à l'occasion d'une de mes contributions, dans le quotidien d'Oran, sur l'histoire du cancer à Oran, de te rendre hommage pour ton rôle dans la lutte contre le cancer non seulement en Oranie mais aussi dans toute l'Algérie. J'aimerais rappeler que lors de ma formation en oncologie général en 1988, j'ai eu l'occasion, au centre anti-cancéreux «Oscar Lambret «de Lille, d'entendre le professeur Demaille, oranais comme nous deux, louer tes qualités humaines et professionnelles. Ayant travaillé moi-même dans le domaine de la cancérologie sous l'égide du professeur Boudraa ( Allah yerhmah ), j'ai été témoin comment tu as monté tout seul le service d'oncologie du CHUO, qui allait au fil des ans rayonner sur toute l'Oranie et au-delà. J'ai été témoin des longs mois harassants que tu as passé pour lancer le premier résidanat d'oncologie en Algérie et en confectionner la première mouture de son programme. Ton humilité t'a amené à faire appel à toutes celles et tous ceux qui pouvaient t'aider, dont moi-même. Aujourd'hui l'ensemble des oncologues de l'Oranie et même des wilayas du Centre, de l'Est et du Sud sont sortis de ton école. Toute ta carrière a été marquée par ton abnégation pour les malades et par ton humanisme. Ta gentillesse envers tes collègues et surtout ta confraternité sont légendaires. Ce qui t'a permis d'inculquer l'idée que la prise en charge du cancer est une oeuvre multidisciplinaire. Je ne serais pas complet si je n'évoque pas ton action syndicale. Après ton passage par l'Union des médecins algériens, à l'époque du parti unique, tu as été l'un des membres fondateurs du syndicat national des professeurs et docents en médecine. C'est d'ailleurs lors de l'une de tes missions syndicales que tu as échappé miraculeusement aux terroristes comme écrit plus haut. C'est dans les assemblées générales du syndicat que l'on pouvait réaliser tout ton sens aigu du consensus. Tu as été un grand professeur d'oncologie, un syndicaliste, mais tu as été aussi un homme de culture. Ta culture était très vaste allant de l'Histoire à la littérature, en passant par la musique et la chanson, notamment oranaises. Tes exposés dans ces domaines étaient toujours passionnés et exprimés dans un langage châtié, soulignant ton passage comme instituteur avant d'opter pour la médecine. Je me souviens, lors d'un congrès international, comment tu as laissé des médecins brésiliens bouches bées en leur apprenant pourquoi leur pays, le Brésil se nommait ainsi, chose qu'ils ignoraient ! Au dessus de tout, tu as enfin fait preuve d'une fidélité à tes amis vivants ou morts. C'est avec nostalgie que tu évoquais tes deux amis chanteurs morts depuis longtemps, les Oranais Ben Zerga et Ahmed Saber. Mon ami Louafi, tu es mort après une vie bien remplie, riche en événements, malheureusement pas toujours heureux. Mais tes enfants, ton épouse, ta famille peuvent être fiers de toi pour l'éternité. Merci pour tout ce que tu as fait, et comme conclut le poète algérien Bachir Hadj Ali, son poème «Baba Arouj», «dors en paix, ne pleures pas». Ton ami et «oueld blade» comme tu aimais m'interpeller, professeur Farouk Mohammed-Brahim. Nb : sur la photo, le professeur El Djillali Louafi à gauche et professeur Farouk Mohammed-Brahim à droite, dans un jury de thèse.