Le projet de création de nouvelles wilayas déléguées dans les Hauts-Plateaux, le Grand Sud et certaines wilayas du nord du pays, et celui de l'accès des dix wilayas déléguées, créées en 2014 dans le Sud algérien, ne seraient plus d'actualité. Longtemps annoncés par le ministre de l'Intérieur, des Collectivités locales et de l'Aménagement du territoire, Noureddine Bedoui, ces deux projets ont été reportés aux calendes grecques par le Conseil des ministres qui s'est tenu mercredi dernier sous la présidence du président Bouteflika. Ainsi, à travers l'amendement du décret présidentiel portant création de nouvelles wilayas déléguées, Noureddine Bedoui voulait signifier que l'Etat ne s'engagerait pas, du moins à court terme, dans de nouveaux gouffres financiers, lui qui a déjà mobilisé quelque 16,6 milliards de dinars pour la création en 2014 des wilayas déléguées au niveau du Grand Sud. Le président de la République a néanmoins tenu à affirmer que la réorganisation de l'administration au niveau local figurait toujours parmi les objectifs assignés au programme quinquennal 2015-2019. Il s'agit, à l'évidence, d'un recul net dans la politique de décentralisation promise avec le projet de création de nouvelles wilayas déléguées dans les Haut-Plateaux et le nord du pays. Un rétropédalage, en somme ! En face, chez l'opposition on préconise une réforme profonde de l'organisation administrative de l'Algérie. Elle passerait, inévitablement, par la dissolution des daïras, selon le RCD qui s'en est expliqué : « Il s'agirait de dissoudre les daïras, inutilement budgétivores en transférant leurs personnels et leurs budgets au profit des communes; tous les élus locaux savent que ces entités sont le palier par excellence qui empêche toute intercommunalité au profit d'un contrôle policier de l'action des élus ». Il avait ajouté, par la voix de son responsable Mohcen Belabbès, signataire du communiqué rendu public, il y a quelque temps « qu'il faut restituer le contrôle de la conception et de la réalisation de tous les projets à caractère local, quel qu'en soit le montant ; il faut redonner un pouvoir fiscal réel aux entités régionales et mettre en place un mécanisme transparent de redistribution des rentrées fiscales entre les différents échelons des collectivités locales ». Il plaide également et surtout, pour « un système qui s'appuierait sur la territorialité où la région sera conçue, aussi bien comme espace d'expression de la démocratie locale, que comme pôle de dialogue et de rayonnement économique et socioculturel ». On l'aura compris, le RCD plaide pour plus d'autonomie aux communes En toile de fond, il milite pour un découpage du pays en régions. Le gouvernement sait qu'il manœuvre en terrain miné et que les arbitrages politiques, et surtout locaux, seront essentiels pour la mise en place d'une éventuelle réorganisation territoriale; quant à découper le pays en régions, pour mutualiser les richesses et faire profiter les Algériens, les pouvoirs publics ne semblent pas être très favorables. Un tabou. Ou plutôt, une ligne rouge à ne pas dépasser, semble-t-il ! Notre souhait, a souvent rappelé Noureddine Bedoui, est que nos partenaires nous accompagnent dans cette mission de «modernisation et d'informatisation» de l'administration publique. Et surtout, de décentralisation et déconcentration ! Comme cette décision de délocaliser la délivrance du passeport et de la carte d'identité biométriques; une volonté prêtée au ministre de l'Intérieur qui agit, bien sûr, au nom de l'exécutif pour renforcer le service public, appuyer et soutenir, davantage, l'institution communale. Une révolution ! Ce qui, a priori, est de nature à plaire à tous les édiles d'Algérie, mais aussi aux formations politiques, de l'opposition notamment celles qui n'ont eu de cesse de réclamer « plus de pouvoirs » aux élus locaux. Désormais, et cela a été transcrit, tout ou presque repose sur la commune ! Le ministre de l'Intérieur le justifie en disant : « Nous avons dans notre vision d'amendement du code de la commune, le souci de renforcer le rôle de cette dernière et de confirmer ses missions de principal producteur de service public; le passeport et la carte d'identité biométriques ainsi que la carte d'immatriculation des véhicules sont des preuves tangibles de notre bonne volonté ». Alors que le RCD milite pour leur dissolution, des millions d'Algériens nourrissent encore l'espoir de voir leurs daïras accéder au statut de wilayas, malgré la crise ! Un espoir justifié par certains politiciens opportunistes; ce qui donne au débat qui s'installe, un caractère des plus passionnés, le tribalisme en prime. Et avec tous les risques de dérapage qui en découlent ! Toutes ces daïras, dépouillées de tout ce qui constituait l'essentiel de leurs activités, le passeport, la carte d'identité, le permis de conduire et la carte grise ne servent pas à grand-chose, à priori. Est-ce qu'il y a encore une place pour elles au moment même où on renforce les attributions du wali « manager » et où on demande au maire de créer de l'investissement et de l'emploi ? Les daïras sont-elles devenues des institutions archaïques comme le prétend le RCD, n'ayant plus d'autre sens que de préserver des employés sous-employés ? Autrefois, espaces de commandement appréciables, elles sont devenues des échelons administratifs de plus en plus inconsistants. Contestées par la population qui, pour un oui ou un non, déverse sa colère sur elles en les « cadenassant ». Même en termes d'attractivité économique et d'investissement, elles ne servent pas à grand-chose, puisque c'est aux maires et autres walis, qu'échoit la mission d'attirer les investisseurs et les commerces. Grâce au foncier, qui relève désormais des prérogatives des chefs d'exécutif de wilaya. A moins de trouver une « mission » qui remotive les chefs de daïra qui, faut-il l'admettre, ne seront pas très occupés à l'avenir! Déjà, ils n'ont pas les mêmes fonctions que les walis. Ni les mêmes pouvoirs. Le contrôle de légalité des comptes et des budgets des communes n'est pas, n'a jamais été de leur ressort, par exemple. Quels services peuvent-elles encore rendre aux administrés, ces daïras ? Dans les petites daïras rurales, l'effectif ne dépasse pas parfois les 9 à 10 fonctionnaires. Chef de daïra compris ! Dans d'autres, l'absence du titulaire du poste, pendant de longues périodes, ouvre la voie à toutes les spéculations : serions-nous dans cette façon de gérer, dans l'hypothèse de suppression de la daïra ? En la laissant sans chef ? Que dire aussi des daïras qui cohabitent à moins de 15 km les unes des autres ? Et aussi de tous ces bâtiments vides où quelques agents, une dizaine ou un petit peu plus, occupent 1.000 m2 ! Là, certainement, il y a des économies à faire. Aucun ministre de l'Intérieur n'a osé toucher, de façon frontale, à la carte des daïras depuis 1990. Pourtant, l'Etat, en ces temps de rationalisation des dépenses publiques, pourrait escompter, avec leur suppression partielle ou totale, une économie facilement chiffrable et en tous les cas, bienvenue en ces temps de disette. Et en cela, le RCD n'est pas dans l'erreur. Rappelons, pour la bonne compréhension, que les chefs de daïra sont à la tête d'institutions qui n'ont ni budget, ni instance de délibération et de validation des décisions de dépenses, et sont donc démunies de tout instrument de réalisation de leur politique. Pourtant ils sont nombreux ceux qui estiment que les chefs de daïra sont des rouages essentiels de l'Etat, les relais, partout sur le territoire, des politiques de l'Etat, des questions de sécurité, à celles de l'aménagement en passant par leur rôle d'arbitrage en matière de développement local principalement. Certes, la population se plaint du chef de daïra dans certains territoires, mais ceux qui râlent le plus seront les premiers à contester la suppression de leur daïra. Y compris dans les rangs des formations politiques, RCD y compris ! Que faut-il faire dès lors qu'il semble vital de préserver le lien entre la population et les daïras ? C'est une question de cohésion sociale, dit-on. On l'aura compris, autour des daïras se greffent beaucoup de services de proximité et d'antennes des différentes administrations. Sans compter des fonctionnaires de haute qualité. De ce qui précède, faut-il attendre des décisions en la matière, ou pour le moins, espérer l'ouverture d'une réflexion en ayant à l'esprit que : 1. La suppression des daïras en l'état porterait un coup grave à l'aménagement du territoire; 2. La transformation de quelques-unes d'entre elles en « antennes communales » serait, a priori, judicieuse. Elle irait aussi dans le sens de la proposition faite par le RCD; 3. Le maintien des daïras en zone très urbaine, là où les administrés peuvent aller rapidement à la wilaya en transport en commun, voire à pied, ne participe pas de la rationalité encore moins de la logique et donc leur dissolution serait envisageable; 4. La suppression des 47 daïras des chefs-lieux de wilaya, une aberration en quelque sorte, et dans ce cas particulier, on est d'accord avec le RCD; ces daïras-là ont perdu leur utilité. On peut même parler d' « emplois fictifs » ! 5. la fusion entre une ou deux petites daïras distantes de 10 à 15 km peut être expérimentée. Avec un seul chef de daïra aux commandes et autant d'économies à faire comme l'a suggéré le RCD; 6. Le maintien des daïras en milieu rural semble indiscutable, car on est loin de tout. En revanche, il faudrait travailler pour rassembler plus de services dans un même lieu. Une sorte de « maison de l'Etat »; 7. La consolidation, voire la multiplication des daïras dans le Grand Sud, est indiscutable. Que va faire le ministre de l'Intérieur, Noureddine Bedoui ? - Va-t-il, par exemple, maintenir sa politique de modernisation de l'action de l'Etat et poursuivre sa réforme jusqu'à réorganiser ces daïras dont l'existence n'apparaît plus comme indispensable ? Et du coup, mener une réforme territoriale qui porterait son nom ? - Ou, le baril de pétrole augmentant, maintenir toutes ces daïras inutiles, onéreuses et bureautiques, et dans la foulée, pour plaire à tous ceux qui ont des ambitions électoralistes notamment, multiplier le nombre de wilayas, pour atteindre le chiffre de 94, à l'horizon 2019 ?