La crise vénézuélienne dont il faut se garder de pronostiquer l'issue offre une leçon éclairante de géopolitique contemporaine. Il apparaît clairement que cette crise n'a pas en effet pour protagonistes que les deux camps vénézuéliens qui se disputent le pouvoir : celui du président Nicolas Maduro réélu en 2018 qui entend le conserver et celui de ses opposants dont le chef de file Juan Guaido s'est autoproclamé « président par intérim » du pays. Les démêlés de ces deux camps ont une dimension géopolitique incontestable dès lors qu'ils ont donné lieu à la cristallisation d'alliances visant à faire triompher l'un ou l'autre camp. Les Etats-Unis, le Canada et une série d'autres Etats latino-américains se sont rangés du côté de l'opposition anti-Maduro et réclament de celui-ci qu'il lui remette le pouvoir dans le pays en vertu qu'elle est investie de la « légitimité » que lui aurait perdue. Face à cet axe, Maduro et ses partisans ont le soutien de celui englobant la Russie, la Chine, mais aussi la Turquie, l'Iran et des pays latino-américains en désaccord avec les intentions états-uniennes pour le Venezuela. Ces alignements internationaux que provoque la crise au Venezuela sont révélateurs que la présentation telle que faite de celle-ci par les médias occidentaux occulte la réalité qui est que la « communauté » internationale est profondément divisée sur le sujet et non monolithique dans le soutien à l'opposition vénézuélienne comme ils le soutiennent. Ce parti pris médiatique s'est manifesté sans nuance en ne faisant cas que des soutiens qui s'expriment en faveur de l'opposition vénézuélienne et en y voyant l'expression d'un peuple vénézuélien soudé autour d'elle et d'une « communauté » internationale unanime dans la défense de ses revendications. Ce que donne à voir la réalité en cette crise vénézuélienne tant au plan intérieur qu'internationalement est pourtant bien éloigné de cette vision à l'unanimisme faussé. S'il est vrai que des milliers de Vénézuéliens sont descendus dans la rue à l'appel de l'opposition et revendiquent la déchéance de Maduro et de son gouvernement, ils sont tout autant sinon plus à faire de même mais pour manifester leur soutien à ces derniers. Ce n'est pas aussi parce que l'Amérique et les Etats qui lui ont emboîté le pas se sont rangés du côté de l'opposition qu'il faille en faire les porte-voix de la communauté internationale. L'on sait où cette conception restrictive de la notion de communauté internationale a conduit dans les crises qui ont eu pour théâtre l'Irak, la Libye et la Syrie pour ne citer que celles dont les conséquences n'en finissent pas de menacer la paix mondiale. Les intérêts géopolitiques qui se confrontent au Venezuela priment pour ceux qui ont fait l'enjeu de leur engagement aux côtés de l'une ou l'autre partie vénézuélienne sur celui du peuple vénézuélien. Ainsi va le monde comme diraient d'aucuns.