Le pouvoir s'attendait à ce que la rue bouge contre le cinquième mandat mais s'est mépris sur l'ampleur du rejet populaire qui allait s'exprimer. D'où la consigne donnée aux forces de l'ordre de ne pas réprimer les manifestations et rassemblements qui ont eu lieu vendredi dont les participants se sont d'ailleurs gardés de commettre des dépassements qui auraient justifié la violence policière contre eux. Au sommet du pouvoir, l'on sait désormais que l'hostilité au cinquième mandat n'est plus gérable par le seul fait d'être autiste à son expression. Dans ce milieu désarçonné par la mobilisation populaire qui s'est fait jour et a probablement augmenté en intensité, les conciliabules sont en non-stop pour s'entendre sur ce que faire qui puisse satisfaire les anti-cinquième mandat tout en préservant le système lui aussi point de mire de leur contestation. L'hypothèse circule déjà d'une possibilité que par un artifice quelconque il va être annoncé que Bouteflika renonce à briguer un cinquième mandat et sera demandé à l'opposition institutionnelle de consentir à un report de la présidentielle d'avril avec la promesse que les garanties qu'elle a réclamées pour que ce scrutin se déroule en toute transparence et régularité seront exaucées. A s'en tenir que cette hypothèse se discuterait dans les cercles du pouvoir, l'opposition en question qui n'a aucune prise sur la situation née de la protesta populaire aussi anti-régime que réfractaire à son agitation partisane se déconsidérait irrémédiablement en se prêtant à un deal de la sorte. Ses leaders n'ont pu se méprendre sur l'aspiration populaire s'étant exprimée ce vendredi qui est que le changement que les Algériens exigent ne se réduit pas au seul départ de Bouteflika du pouvoir avec la latitude laissée aux tenants du système d'organiser les choses pour assurer la pérennité de celui-ci. L'exigence citoyenne concerne aussi ce système dont ils ne veulent pas à laquelle les leaders partisans oppositionnels ne devraient que souscrire sans calculs politiciens de chapelle. La mobilisation citoyenne a fait bouger les lignes aux dépens du pouvoir et de sa clientèle. Si l'opposition peut l'aider à organiser un changement ordonné et pacifique mais radicale, elle ne peut s'entendre avec lui pour tenir à l'écart de la définition du processus qui y mènerait la voix citoyenne qui se fait entendre et n'a pas l'intention de se taire sur ce qui se mijote au sein du pouvoir et peut-être même dans certains appareils politico-partisans eux-mêmes effrayés et dépassés par sa spectaculaire intrusion dans le débat politique.