Le mouvement populaire devrait se structurer et avoir un leadership collégial expressif, s'il veut durer, prendre de l'importance et arriver au changement souhaité du système. Cela est d'autant plus important que les pontes du régime, actuellement sur la corde raide, tenteront sans doute par tous les moyens dans les semaines qui viennent de le parasiter et de le dénaturer pour l'étouffer. C'est la seule carte qui leur reste, d'ailleurs, pour sortir de leur crise interne et espérer rebondir. Or, s'il est vrai que les actes de la protesta citoyenne ont, jusque-là, été caractérisés par le calme et la mobilisation constante des manifestants, il n'en reste pas moins difficile de garantir ce même rythme dans l'avenir pour différentes raisons. La première, c'est que le facteur temps va jouer, quoique disent les plus engagés dans ce Hirak, sur l'épuisement du mouvement. La deuxième, c'est que, bien que le rejet du système dans son ensemble soit exprimé de façon claire dans les slogans pendant les manifestations, il n'en sort pas une idée cardinale pour la suite, des pistes sérieuses pour la période de la transition et les étapes à suivre pour le parachèvement de cet élan populaire pour la liberté et la démocratie. En ce sens, la peur du vide politique, si jamais ce départ-là du système n'est pas encadré méthodiquement, plane et planera toujours sur les esprits. La troisième, c'est que le pouvoir n'est pas dans une démarche coopérative avec la rue, mais il est en train de jouer son dernier joker : «diviser pour régner», ce qui ne facilite pas la tâche des Algériens. C'est pourquoi, la spontanéité du début de la mobilisation doit laisser place à une structuration et à de nouvelles stratégies de lutte. Face aux tergiversations des décideurs à répondre aux vraies revendications de la rue, il devient nécessaire que les énergies et les initiatives à l'intérieur de ce Hirak se libèrent, se précisent et dégagent une feuille de route consensuelle pour tracer l'avenir de l'Algérie de demain. La mise en place de conseils citoyens démocratiques à large échelle serait peut-être la première étape pour tâter le pouls de la population et établir une plate-forme de travail, en se servant bien sûr des réseaux sociaux pour y faire participer la diaspora. Aujourd'hui, le changement est devenu un impératif, voire une question vitale pour toute la société et il n'est dans l'intérêt de personne de s'accrocher au statu quo, au risque d'une explosion politique qui déboucherait, qu'à Dieu ne plaise, sur le chaos. Le peuple est la source de tout pouvoir, lit-on dans l'article 7 de la Constitution et ce peuple-là vient de manifester son rejet de ceux qui le gouvernent. Ne conviendrait-il pas d'appeler alors à l'application de cet article-là pour rendre justice à ceux d'en bas ? Bref, nos jeunes ne veulent pas seulement le départ de Bouteflika, mais de tous ceux qui tournent autour, c'est-à-dire toutes ces têtes, du reste les mêmes, qu'ils voient tout le temps valser dans les arcanes du pouvoir, à la télé, dans les médias, lui répéter depuis au moins vingt-cinq ans les mêmes discours soporifiques, cuisiner les mêmes plats politiques, souper dans la même «vieille marmite» et jouer à la même partition de «démagogie-corruption» dans un géant karaoké !