Le défilé d'anciens responsables politiques devant le tribunal de Sidi M'hamed à Alger suggère que l'opération mains propres menée après la chute des Bouteflika s'accélère. Les derniers changements opérés au niveau d'institutions névralgiques, à la tête de l'Office central de la répression de la corruption et la désignation de nouveaux procureurs près le tribunal de Sidi M'hamed et la cour d'Alger contribuent également à ce sentiment avec la volonté de rompre avec les relais de l'ancien système. Et si en justice, ces décisions sont les bienvenues, reste que sur le plan politique, elles se font toujours désirer puisque les mêmes hommes qui ont été au pouvoir pendant le règne des Bouteflika et qui ont grandement contribué à sa pérennisation à travers la violation de la Constitution sont toujours en place. Pire, ils ont été promus à l'image des 3 B honnis par le mouvement populaire, Bensalah, Bedoui et Bouchareb. Et ils ne sont pas les seuls puisque des ministres qui ont fait partie des gouvernements successifs de Sellal et Ouyahia sont maintenus à la tête de leurs départements sans que cela n'offusque personne. Cette distinction dans l'action, privilégiant une option par rapport à une autre au risque de s'aliéner la rue, l'état-major de l'ANP l'assume, la revendique même, tranchant dans le vif concernant les affaires «civiles» et les dossiers «d'atteinte à la sécurité de l'Etat et de l'armée». En effet, les Algériens assistent à une séparation de l'action judiciaire résumée superbement dans la boutade «Blida ou El Harrach» pour mieux représenter les enjeux actuels et les forces en présence. S'il ne fait aucun doute que le clan représenté par la famille Bouteflika et ce qu'on appelle l'Etat profond, concept utilisé pour désigner le pouvoir informel des Services, doit répondre à la justice militaire pour des accusations de haute trahison, il en est autrement pour les «civils» dirigés vers le tribunal de Sidi M'hamed. Le profil des justiciables présents en ce jeudi donne un gage de sérieux de l'action judiciaire en attendant leur renvoi devant les assises. Jusqu'à aujourd'hui, on ne peut prétendre de rien du tout et tant que ces hauts responsables, leurs commanditaires et leurs exécutants, n'ont pas été jugés, et les Algériens ne peuvent qu'émettre des suppositions à la lumière d'un hirak qui reste déterminé quant à ses objectifs.