Le gouvernement est sur le point de résoudre les conséquences financières et économiques de l'incarcération de dirigeants et propriétaires de groupes industriels et de services et, surtout, de permettre à leurs entreprises de poursuivre leurs activités en désignant des administrateurs. Après les mesures prises par le gouvernement à travers le ministère des Finances, la justice algérienne a annoncé dimanche avoir désigné des administrateurs pour gérer les entreprises de Ali Haddad, Mahieddine Tahkout et les frères Kouninef, actuellement en détention préventive au centre pénitentiaire d'El Harrach pour des faits liés à des délits économiques. Dans un communiqué rendu public dimanche, le procureur général près la cour d'Alger a annoncé que le juge enquêteur, saisi des dossiers des sociétés appartenant aux groupes Haddad, Tahkout et Kouninef, a rendu des ordonnances de désignation de trois administrateurs et experts financiers agréés, pour gérer ces sociétés. « Dans le cadre des enquêtes judiciaires ouvertes à l'encontre de certains hommes d'affaires, propriétaires de sociétés, dont les groupes Haddad, Tahkout et Kouninef, et dans un souci d'assurer la pérennité des activités des dites sociétés et de leur permettre de préserver les postes d'emploi et d'honorer leurs engagements envers les tiers, le juge enquêteur, saisi des ces dossiers, a rendu le 22 août 2019 des ordonnances de désignation de trois administrateurs, experts financiers agréés », explique le même communiqué. Le procureur près de la Cour d'Alger a précisé dans le même communiqué que « ces administrateurs ont été chargés de la gestion des entreprises en question conformément aux dispositions du Code de commerce et du Code de procédure pénale ». « Les mêmes mesures seront prises pour les autres dossiers de propriétaires de sociétés privées, qui font l'objet de procédures judiciaires suite à l'ouverture de poursuites pénales à leur encontre », précise-t-on. Le gouvernement a en fait pris des mesures urgentes pour gérer ces groupes, et leur permettre de reprendre leurs activités normalement. Le comité intersectoriel ad-hoc, institué par le Premier ministre, chargé du suivi des activités économiques et de la préservation de l'outil de production national, a proposé la désignation d'administrateurs qualifiés pour assurer la continuité de la gestion des entreprises privées, objet de mesures conservatoires, indique-t-on par ailleurs de source proche du ministère des Finances. « Face aux risques social, économique et financier identifiés, il est clair que la situation des entreprises et des projets concernés par des décisions judiciaires de gel de leurs comptes bancaires, commande l'adoption de mesures de sauvegarde adéquates de l'outil de production et des emplois et ce, en conformité avec la loi », note le ministère dans un document. Une proposition d'un mode opératoire a été convenue pour encadrer cette démarche de sauvegarde à travers une proposition « aux autorités judiciaires compétentes, dans le respect de la législation pertinente, lorsque la situation d'une entreprise ou d'un projet économique et industriel concerné par les présentes dispositions le commande, la désignation d'un administrateur (indépendant et/ou séquestre), justifiant de qualités avérées, pour assurer la continuité de la gestion de la société, en concertation avec ses organes sociaux et/ou de management ». « L'administrateur indépendant désigné est chargé de superviser les activités de l'entreprise, de contrôler les flux financiers et les approvisionnements », explique le document du ministère relatif aux travaux du comité ad-hoc menés sous l'égide du ministre des Finances, Mohamed Loukal. « De manière générale, l'administrateur indépendant veille à la préservation du patrimoine de l'entreprise et à la continuité de ses activités, dans le strict respect de la législation en vigueur », souligne encore le ministère. Quant aux entreprises n'ayant pas le statut de société commerciale (personne physique commerçante), l'administrateur séquestre administre l'entreprise, en sa qualité de seul signataire sur tous types de dépenses liées à l'activité. Il assure la gestion et le fonctionnement de l'entreprise, sur l'ensemble des aspects, notamment financier, patrimonial et juridique. « Cette démarche s'inscrit dans le cadre des mesures d'urgence prises par le gouvernement conformément aux lois et réglementation en vigueur pour sauvegarder toutes les entreprises nationales privées, objet de mesures conservatoires, dans le but de préserver les capacités de production nationale ainsi que les postes d'emploi », relève-t-on de même source. Face au blocage des activités des groupes dont les propriétaires sont en prison, la démarche mise en place par le comité intersectoriel ad-hoc vise à sauvegarder l'outil de production des entreprises concernées, leurs potentiels d'emplois, et la préservation des intérêts de l'Etat dans le cadre des marchés émargeant à la commande publique conclus avec ces mêmes entreprises et à sécuriser le marché intérieur du fait des parts de marchés détenues par certaines d'entre elles. Ce dispositif de sauvegarde des entreprises de ces trois groupes notamment « vise, précise le ministère des Finances, également à assurer la sécurité des prestations dans certains secteurs de services (transport universitaire et transport urbain), la conduite, dans les conditions adéquates, des projets industriels en phase de mise en force d'investissement, ainsi que le maintien de la cadence de production pour les sociétés en exploitation (secteur automobile notamment) ». Sur les incidences socioéconomiques de la situation actuelle des entreprises objet de mesures conservatoires, le ministère relève l'impact social, eu égard aux dizaines de milliers de travailleurs dont les emplois pourraient être menacés par une fermeture d'unité de production ou l'arrêt de chantiers, et l'impact juridique, découlant des contentieux pouvant naître de situations de cessation de paiement de ces entreprises vis-à-vis de leur environnement. Il y a également l'impact financier découlant des engagements financiers importants contractés par les entreprises concernées auprès du système bancaire national public et privé, selon le ministère, selon lequel un arrêt de leurs activités mettrait, à court terme, ces entreprises dans l'impossibilité de rembourser les crédits contractés pour le financement de leurs investissements et de leur cycle de production.