Tout le monde appréhende cette rentrée sociale, chahutée fatalement par les revendications populaires pour un changement politique radical, la démocratie et la bonne gouvernance. Les manifestations de vendredi dernier, le 28ème depuis le 22 février, ont donné un aperçu grandeur nature de la volonté des Algériens de ne pas céder aux pressions d'où qu'elles viennent. La forte mobilisation du 28ème vendredi de manifestations populaires pour le départ de tous les symboles du régime Bouteflika est un signe qui ne trompe pas quant à cette soif de changement des Algériens qui restent persuadés qu'il faut mener jusqu'au bout leurs revendications politiques et de les concrétiser. Ce qui, à l'aune des propositions du panel de dialogue national, qui a privilégié une sortie de crise décriée par la rue algérienne, la tenue d'élections présidentielles, est parfaitement révélateur d'un bras de fer de plus en plus dur entre l'opposition politique, la société civile, et le pouvoir qui veut imposer ses solutions, à travers le panel, aux Algériens. Un bras de fer qui est en train de prendre une tournure dangereuse avec une gestion de plus en plus musclée des marches populaires, les intimidations et le maintien en détention de militants du Hirak et du moudjahid Lakhdar Bouregaa. Et, comme les propositions du panel, rendues publiques à travers un document soumis aux partis, ont été vite repoussées et refusées par les manifestants, le dialogue version pouvoir ne sera pas homologué par les Algériens, dont certains brandissent aujourd'hui la menace de la désobéissance civile, si le pouvoir ne revoit pas sa feuille de route. Cette rentrée sociale sera compliquée pour le pouvoir et le gouvernement Bedoui, de plus en plus chahuté par les partis et les organisations de la société civile qui l'assimilent à une survivance de l'ancien régime, car nommé par le président Bouteflika à ses derniers moments. Le gouvernement, quant à lui, tente de maintenir à flot les secteurs économiques et sociaux les plus névralgiques, autant pour éviter un naufrage des institutions du pays que pour assurer, même dans la douleur du refus et des insultes politiques de l'opposition, une certaine cohésion sociale, une paix sociale. D'abord en mettant en œuvre un assainissement de la gestion des groupes industriels dont les «patrons» sont en prison et en assurant de nouveau leur gestion avec des administrateurs pour calmer la colère de leurs milliers de travailleurs et reprendre les projets de développement là où ils ont été arrêtés. La peur de lendemains économiques incertains que brandissaient certains experts après l'arrêt presque total de l'activité industrielle et des grandes entreprises devrait s'estomper progressivement après la décision du gouvernement de reprendre en main certains de ces groupes industriels. L'autre élément préoccupant de cette rentrée sociale est la rentrée scolaire qui s'annonce également difficile avec le maintien du bras de fer entre le ministère de l'Education nationale et les syndicats des enseignants. Tous les ingrédients, politiques, économiques et sociaux, sont donc là pour augurer d'une difficile rentrée sociale, la plus singulière depuis l'indépendance du pays : un gouvernement décrié, un chef de l'Etat par intérim et un parlement en pleine déconfiture, alors que le pays vit une crise politique qui dure depuis la démission du président Bouteflika.