« Ne m'oubliez pas quand vous quitterez ma mémoire Ne pleurez pas quand mon regard vide ne répondra pas Quand pour moi vous serez un inconnu qui m'ouvre ses bras Vous pourrez par bonheur ôter mes pleurs et mes peurs Ne vous éloignez pas quand malgré moi je m'en irai loin de vous Vous saurez guider mes pas, encore rire avec moi » Patrice Miredin. Ce père rassurant, qui sait, tout le temps, trouver les mots justes pour dissiper vos craintes et orienter vos égarements ; cette mère aimante qui s'occupe de tout, se rappelle de tout et vous rappelle tout ; ce grand frère protecteur et cette sœur qui vole à votre secours à la moindre difficulté. Ce voisin imposant, cette grand-mère qui vous réserve le meilleur à chaque fois que vous lui rendez visite etce grand père qui vous défend contre vents et marées ; toutes ces personnes que vous avez connues,même si elles sont toujours là, ne sont plus ce qu'elles ont été. La maladie, pas comme les autres, celle qui se distingue (excusez le terme) de toutes les autres : elle vous déleste cruellement de tous ce que vous avez de plus précieux, le souvenir. Cette maladie vicieuse qui malgré les progrès accomplis, beaucoup de ses victimes ne sont toujours pas diagnostiqués et tant d'autres restent non traités. Cette maladie qui efface les nouveaux souvenirs et altère le jugement, qui fait de vous un dépendant, qui fait de vous un casanier. Cette maladie qui vous angoisse devant tout changement. Cette maladie qui vous fait oublier vos souvenirs, vos proches et vos amis, qui lève vos inhibitions, vos interdits et vos convenances. Cette maladie qui vous pousse à fuguer comme un enfant, à fréquemment tomber comme un bébé. Cette maladie qui vous rend irritable, permissif et agressif ; cette maladie qui fait de vous un ingrat, un méchant et finalement, malheureusement,un fardeau. Ils sont 200 000, au dernier recensement de 2018 en Algérie, peut être bien un peu plus, beaucoup plus, ces malades atteints d'Alzheimer qui souffrent, mais ils sont peut-être ou certainement des millions, leurs proches, leurs familles et leurs connaissances qui voient leurs vies bouleverser par cette maladie, associée certes au grand âge mais qui n'a rien à voir avec le processus normal de vieillissement. Ce n'est pas parce qu'ils ne vous disent pas merci quand vous leur tenez la main, quand vous faites des efforts pour les aider, qu'ils ne sont pas reconnaissants. Ce n'est pas parce qu'ils crient fort, pour peu de choses des fois, qu'ils sont méchants. Ce n'est pas parce qu'ils tombent souvent, qu'ils fuguent fréquemment, qu'ils oublient beaucoup qu'il est normal de désespérer, de baisser les bras, d'abandonner, de croire que vous ne pourrez rien faire. Ce n'est pas parce qu'ils ne rient plus comme avant, qu'ils ne s'amusement plus comme avant, qu'ils n'apprécient plus les choses comme avant, que ces moment n'existent pas pour eux, ne leur servent à rien, ne leur apportent rien. Au contraire, les moments de bonheur et de plaisir, aussi courts soient-ils, même pour les personnes atteintes d'Alzheimer, justement pour les personnes atteintes d'Alzheimer, sont le moteur de leur bien-être, ces moments de gaité et de bienveillance atténuent leur douleurs et les rassurent, réduisent leur stress et le sentiment d'isolement. L'interaction avec un environnement et une ambiance bon-enfant stimule leurs capacités cognitives et favorise leur vie sociale. Contrairement à ce que l'on pourrait croire, les malades atteints d'Alzheimer, au regard vide parfois ou trop souvent, quelque part égarés dans un monde autre que le nôtre, conservent intacts leurs sentiments, perçoivent parfaitement les gestes de tendresse et leurs esprits restent fonctionnels et sensibles. S'ils oublient leurs nouveaux souvenirs, ils gardent parfaitement et précieusement leurs souvenirs lointains, les gens qu'ils ont été et ce qu'ils ont vécu. Sans vouloir victimiser les familles et les proches des malades atteints,parce que les malades eux-mêmes restent les premières victimes, mais je voudrais , aujourd'hui, rendre un grand hommage à ces héros malgré eux, à ces altruistes, à cette chaine interminable de solidarité, à ces époux et épouses, à ces enfants, à ces frères et sœurs, à ces voisins et connaissances qui font des vœux de renoncements parfois majeurs, tiraillés entre leur amour et leur devoir, entre leur incompétence et leurs espoirs, et désarmés face à la lente agonie de leur proches et qui se découvrent même des forces qu'elles ne soupçonnaient pas posséder. Certains des sentiments les plus fréquents ressentis par la famille, les proches et les amis sont la culpabilité, l'incompréhension, la colère et le deuil sous toutes ses formes allant du deuil de la relation qui existait, enpassant par le deuil du rôle et finissant par le deuil blanc. Mais les expériences vécues démontrent que la maladie ne casse jamais, ou presque jamais, les liens sentimentaux, de quelque sorte qu'ils soient, unissant ces personnes à leur entourages, au contraire, certaines familles voient leur liens renforcés et même si quelques-unes de ces familles cherchent, parfois, des solutions ailleurs, elles ne demandent qu'un peu d'aide et de réconfort afin d'être soulagées d'une part des souffrances qu'elles endurent, mais juste pour un petit moment et ne cherchent pas pour autant à se désengager définitivement.